On sait depuis Bourdieu et Passeron (Les Héritiers, éditions de Minuit, 1964) que la hiérarchie et la domination sociales se perpétuent à travers l’institution scolaire. Contrairement à ce que prétend l’idéologie méritocratique, l’école n’est pas un vecteur d’égalité des chances qui permettrait d’échapper au déterminisme social, mais tend au contraire à être l’un des rouages essentiel de sa reproduction. Elle permet, au surplus, de justifier les différences sociales en les recouvrant des notions d’intelligence et de talent que personne ne songe à contester. Cette thèse, aujourd’hui largement adoptée par les sociologues, pose néanmoins la question des exceptions à cette règle. L’auteure, professeure de philosophie à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, interroge les déterminants sociaux, économiques, familiaux et affectifs qui permettent à certains enfants des milieux populaires de tirer brillamment leur épingle du jeu de la concurrence scolaire et sociale.

À travers la figure du “transclasse” étudiée dans des exemples biographiques et littéraires, elle analyse la désidentification des individus concernés à leur classe d’origine et traque ses effets sur les parcours ultérieurs de ces personnes toujours coincées entre adaptation et inadaptation. Le passage d’une classe à l’autre ne se résume pas à une simple assimilation théorique des us et coutumes d’une autre classe, mais il consiste à incorporer dans la pratique les manières d’être et de se conduire de la classe que l’on rejoint. Un processus long et qui peut se révéler douloureux.

Les Transclasses

Chantal Jaquet, PUF, 238 pages, 19 euros.