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Enquête

UNE GUERRE DES SERVICES EN GERME

Enquête | publié le : 03.06.2014 | V. G.-M., L. G.

Tous les Opca cherchent à développer des services pour recevoir des versements volontaires des entreprises. Une nouvelle et forte concurrence entre Opca est probable.

Quels services spécifiques contre quels versements volontaires ? Tous les Opca posent cette équation. La perte de l’obligation fiscale de 0,9 % dédié au plan de formation poussent les collecteurs à se positionner en prestataires de services.

Ainsi, pour Yves Hinnekint, directeur général Opcalia, Opca interprofessionnel et interbranches (Medef) : « Les Opca doivent devenir des OPA, des organismes paritaires accompagnateurs, en “upgradant” leur offre de services portant sur le développement de l’alternance professionnalisation et apprentissage, la mise en place de la future base de données unique d’information des IRP, le conseil RH, le sourcing, l’évaluation des formations, le travail sur le retour sur investissement… En échange de ces prestations de services sur le plan de formation, sur la base d’une convention de services, ces Opca-OPA pourront recevoir des versements volontaires des entreprises pour le développement de la formation professionnelle continue, comme le prévoit la loi du 5 mars 2014. »

Trouver le bon modèle économique

Une analyse confirmée par Thierry Teboul, directeur de l’Afdas, Opca de la culture, des loisirs et des médias : « La gestion de ces contributions volontaires contre services va s’apparenter à une forme de prévoyance : une grille de services associée au versement d’une cotisation en fonction d’un risque, de besoins ou de profils particuliers. À l’Afdas, nous allons travailler avec les entreprises sur des offres sur mesure comme l’accompagnement de la mise en place du CPF, sur la modularisation des certifications, sur une “pépitothèque des bonnes pratiques” pour les modéliser…

Cependant, il faut trouver le bon modèle économique, éviter toute distorsion de concurrence et ne pas devenir sous-traitant de l’entreprise. Fournir un kit sur la conduite de l’entretien, et conseiller/informer sur l’entretien professionnel n’est pas à faire à la place de l’entreprise. »

Contributions volontaires

L’importance de développer des services payables via des versements volontaires, est également clairement illustrée par Yves Georgelin, délégué général du Forco, Opca du commerce et de la distribution : « Le Forco collecte et gère aujourd’hui 170 millions d’euros de plan libre auprès des entreprises adhérentes de plus de 300 salariés, sur une collecte totale de 305 millions d’euros. Avec l’instauration de la contribution unique de 1 % et la fin du 0,9 %, on prévoit forcément une réduction du périmètre de cette collecte. La contribution unique de 1 % ne restera que partiellement dans les Opca avec les reversements CIF, FPSPP, voire CPF, et les fonds “plan” mutualisés vont être extrêmement réduits. »

« Pour équilibrer nos charges, poursuit Yves Georgelin, nous devons devenir les accompagnateurs de la “compétitivité compétences” des entreprises, via des services innovants, rémunérés par un appel de contribution volontaire dont le montant pourra varier en fonction de la gamme de services, du nombre de salariés formés, du coût des heures de formation. Dès fin 2011, le Forco a anticipé la fin de l’obligation légale afin de se transformer en Opca de services. Les Opca doivent réussir cette mue faute de quoi elles connaîtront de réelles difficultés dans le futur ».

Problème : cette course aux services structure une nouvelle guerre entre Opca, qui risque d’être féroce et qui inquiète beaucoup. Tous les Opca pourront-ils proposer à toutes les entreprises leurs services, même à celles qui ne font pas partie de leur secteur d’activité ? Les deux Opca interprofessionnels et inter­branches (Agefos-PME/CGPME et Opcalia/Medef) seront-ils les seuls à pouvoir chasser sur toutes les terres ? Face à eux, les Opca de branche ou interbranches le pourront-ils aussi ? Les décrets à venir donneront-ils aux entreprises une totale liberté de choix ?

Le Medef, fort de son outil Opcalia, est tenté de pousser la logique de concurrence jusqu’au bout. Mais, en interne au syndicat patronal, plusieurs courants cohabitent, et l’affirmation d’une concurrence ouverte et totale n’est pas encore publique.

Simplification

Face à cette concurrence possible, Yves Georgelin estime qu’il n’est « pas question de proposer notre gamme de services à des entreprises ne relevant pas de notre champ. Mais il est vrai que cette règle présente des inconvénients pour un groupe constitué d’entités qui ne relèvent pas toutes de la même convention collective et du même Opca. L’administration semble entendre cet argument de simplification. J’ai le sentiment que nous sommes au début d’un processus de changement profond qui pourrait permettre à un Opca de branche, porteur de l’activité principale de l’entreprise, de gérer aussi les contributions volontaires “plan” des filiales et ne pas réserver cet avantage à uniquement deux Opca parmi vingt (NDLR : Opcalia et Agefos-PME). Le service Opca de gestion du plan serait alors global pour l’entreprise, charge à l’Opca unique de faciliter les interfaces du groupe avec les autres Opca de branches des filiales ».

Même analyse mesurée de la part du directeur de l’Afdas, Thierry Teboul : « Je suis partagé sur le fait de permettre à un Opca de branche de proposer ses services à des entreprises ne relevant pas de son champ, mais qui lui verseraient une contribution volontaire. D’un côté, en période de réforme, de réduction des obligations financières et de raréfaction des ressources, ce n’est pas le moment d’introduire une concurrence supplémentaire entre Opca. De l’autre, cela nous oblige à renforcer notre culture du service à nos adhérents. »

La guerre des services entre Opca est en germe, à moins qu’intervienne une forme de gentlemen agreement.

Auteur

  • V. G.-M., L. G.