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LES BUDGETS VONT DIMINUER

Enquête | publié le : 03.06.2014 | LAURENT GÉRARD

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LES BUDGETS VONT DIMINUER

Crédit photo LAURENT GÉRARD

La suppression de l’obligation fiscale de 0,9 % dédié au plan de formation va entraîner une baisse de l’effort des entreprises en la matière. Lequel remontera si les Opca leur offrent des services justifiant une contribution volontaire.

L’effort de formation professionnelle des entreprises françaises va baisser. C’est la conséquence attendue de la disparition de l’obligation fiscale de 0,9 % de la masse salariale dédié au plan. Et cette baisse est quasi certaine, car désormais aussi bien la DGEFP que le Medef et évidemment la CGT, non-signataire de l’accord d’origine, affirment publiquement que, logiquement, l’effort de formation professionnelle des entreprises françaises va diminuer.

« En général, les dépenses ne sont pas stables durant une transition, déclarait la déléguée à la formation professionnelle, Emmanuelle Wargon, il y a quelques jours à un séminaire Opcalia. Il faut que les entreprises se réapproprient une dépense souvent vécue comme une contrainte. Cette réforme est un pari. »

« Il n’est pas impossible que les budgets baissent pendant les deux ou trois premières années de la réforme, confirme Alain Druelles, directeur adjoint éducation formation du Medef. Cela est inhérent à toute réforme – le temps précisément d’intégrer les changements -, mais aussi à la conjoncture économique. »

« La dépense formation des entreprises va s’affaisser, prédit Paul Desaigues, conseiller confédéral en charge de la formation à la CGT. Le patronat n’a aucun engouement pour engager des négociations concernant les obligations conventionnelles supposées se substituer aux obligations disparues. »

Peu d’accords conventionnels de financement

Autre fait très vraisemblable : hormis dans l’intérim, la construction, la métallurgie et les professions médicales, il y a fort à parier que les branches ne vont pas signer d’accord conventionnel de financement de la formation.

« Il n’y aura pas de conventionnel là où il n’y en a pas déjà », prévoit Joël Ruiz, directeur général d’Agefos-PME.

« L’instauration de nouvelles contributions conventionnelles obligatoires n’est pas à ce stade à l’ordre du jour des négociations de branches à venir, confirme Yves Georgelin, délégué général de l’Opca du Commerce et de la Distribution. Après l’instauration en 2009 de la contribution FPSPP qui a été de 10 % ou 13 % ces dernières années, les minimums conventionnels antérieurs ont été réorientés vers cette obligation et ont quasiment disparus dans les 14 branches gérées par l’Opca Forco. »

PME  : contribution volontaire ?

Une vague de signatures conventionnelles étant très peu probable, elle laisse un vide qu’espère combler la CGPME. C’est ainsi que Jean-Michel Pottier, président de la commission formation-éducation de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, dans le cadre de la renégociation courant juin de l’accord constitutif d’Agefos-PME, entend proposer aux confédérations syndicales de créer une contribution volontaire pour les entreprises de 10 à 299 salariés.

Le système pourrait prendre la forme d’une construction à étages. Au rez-de-chaussée : la nouvelle contribution plan de formation (0,20 % pour les 10 à 49 salariés et 0,10 % pour les 50 à 299 salariés au sein du 1 %) mutualisée au premier euro par l’Opca. Au premier étage : une forme de régime de prévoyance complémentaire par entreprises. Au second étage : un régime de prévoyance possiblement choisi par des branches entières. C’est pour donner du poids politique à cette construction et, peut-être, arracher un début de défiscalisation à Bercy, que la CGPME vise la signature d’un mini-ANI sur cette question avec les confédérations syndicales.

Développer des services innovants pour survivre

De leur côté, tous les Opca, faisant leurs comptes de la perte de collecte, sont arrivés à la même conclusion : pour survivre, il leur faut développer des « services innovants » (gestion de la formation, GPEC, RH, aide au CPF…) auprès des entreprises pour que celles-ci, intéressées, leur versent des fonds volontairement. D’ores et déjà se dessinent une course aux services et une guerre de concurrence entre Opca. Certains d’entre eux imposent d’ailleurs aux consultants avec lesquels ils collaborent pour construire leur offre une clause d’interdiction de travailler avec d’autres…

C’est dans cette ambiance de très forte incertitude, voire délétère, que les responsables de formation attendent les fameux décrets : le 21 juin a dit la DGEFP. Beaucoup d’observateurs n’y croient pas. « Quoi qu’il en soit, conseille un consultant, c’est une réforme qu’il vaut mieux affronter qu’ignorer. »

L’ESSENTIEL

1 DGEFP, Medef et CGT reconnaissent désormais publiquement que l’effort de formation des entreprises françaises va globalement diminuer en raison de la réforme de 2014.

2 Le développement par les Opca de nouveaux services pour les entreprises, et la construction de systèmes de mutualisation volontaire sont des pistes étudiées pour garderun volant financier pas trop dégradé.

3 Les responsables formation doivent défendre leur budget devant leur direction en prouvant l’efficacité de la formation.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD