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LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AJUSTENT L’ACCOMPAGNEMENT

Pratiques | publié le : 27.05.2014 | CATHERINE DE COPPET

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LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AJUSTENT L’ACCOMPAGNEMENT

Crédit photo CATHERINE DE COPPET

Poussées par les préfets, les collectivités territoriales se sont emparées du dispositif des emplois d’avenir. Un engagement nécessitant une véritable adaptation, notamment en termes de formation. Premier bilan.

Des employeurs en première ligne. Avec près de 30 % des emplois d’avenir signés au 1er avril 2014 (selon les chiffres de la DGEFP), les collectivités territoriales se positionnent lentement mais sûrement, eu égard à ce dispositif lancé par le gouvernement Ayrault à destination des 16-25 ans les plus éloignés de l’emploi. Une démarche à laquelle elles ont été encouragées : « L’État a mis la pression via les préfets pour remplir les objectifs », témoigne Yohan David, élu en char­ge des questions emploi à la mairie de Bordeaux. Sur tout le territoire, 115 000 emplois d’avenir ont, pour le moment, été signés tous secteurs confondus (marchand et non marchand), l’objectif du gouvernement s’élevant à 150 000 d’ici à la fin de l’année.

Sur le terrain, les collectivités territoriales ont dû s’adapter aux exigences du dispositif. Pour rappel, les emplois d’avenir (CDD d’un an renouvelables deux fois) imposent aux employeurs un véritable accompagnement des jeunes embauchés, avec tutorat et offre de formation (si possible qualifiante). Du coup, « la montée en charge des emplois d’avenir s’est faite très progressivement dans les collectivités, commente Hervé Hénon, membre du bureau de l’Union nationale des missions locales et du comité de pilotage national des emplois d’avenir. Certaines ont pris du temps avant de comprendre que le dispositif différait des emplois aidés traditionnels et nécessitait un réel effort afin de faire monter les jeunes en compétences. » De fait, c’est bien l’ingénierie nécessitée pour l’accompagnement des jeunes qui a pu être source de difficultés pour les collectivités. « Les communautés de communes rurales ont été très réactives, mais elles ne disposent pas des moyens nécessaires pour encadrer les jeunes et les accompagner jusqu’au bout de leur parcours », note Olivier Crépin, responsable du développement économique à l’Assemblée des Communautés de France (ACDF).

Sans surprise, les plus grandes collectivités s’en sortent mieux, car elles ont pu s’appuyer sur leurs outils existants : « Nous disposons d’un petit service dédié à l’accompagnement vers l’emploi au sein de notre pôle, qui suit de A à Z tous les jeunes : apprentis, stagiaires, emplois aidés, service civique, etc., indique Mireille Toitot, directrice générale adjointe des services pour la ville de Besançon, la communauté d’agglomération du Grand Besançon et du CCAS, qui emploient 35 emplois d’avenir en tout. Nos services sont habitués à accueillir et à tutorer des jeunes. » Même constat à la ville de Bordeaux, qui employait, fin 2013, 22 emplois d’avenir.

Communication spécifique

À Villeurbanne, qui a recruté à ce jour 77 jeunes en emploi d’avenir sur un objectif de 150 d’ici à la fin 2014, la DRH a créé une méthode spécifique de recrutement en s’appuyant sur les partenaires du territoire et les jeunes eux-mêmes. « Nous avons mis en place une communication collective en amont du recrutement afin d’informer les jeunes susceptibles d’être intéressés, mais aussi un livret d’accueil présentant toutes les personnes ressources, précise Brigitte Sebert, directrice de l’insertion et de l’emploi de la ville. Ces améliorations sont le fruit du suivi des jeunes que nous avons embauchés, que nous réunissons tous les deux mois et dont nous recueillons les suggestions. »

Élément central des emplois d’avenir, l’offre de formation n’a pas non plus été évidente à construire. « Le dispositif prévoit pour les jeunes une formation qualifiante, ce qui pose problème, car les formations du catalogue CNFPT [Centre national de la Fonction publique territoriale] ne débouchent pas sur un diplôme », rappelle Hervé Hénon. Autre difficulté, le caractère parfois inadapté de ces formations, notamment pour l’acquisition de compétences très techniques. En fonction des territoires, le CNFPT s’est montré plus ou moins compréhensif. « Nous avons pu élaborer des formations à la carte avec le CNFPT, pour adapter l’offre, mais dans une certaine mesure seulement : nous avons dû financer une formation à la conduite d’un gerbeur transpalette, qui ne figure pas au catalogue », souligne, par exemple, Mireille Toitot.

Pour mieux répondre aux demandes, le CNFPT a nommé, en avril dernier, un directeur de projet chargé spécialement des emplois d’avenir, Jérémy Blazquez. Et a mis en place deux expérimentations sur le terrain. L’une avec la région Alsace, afin d’élaborer des parcours de formation qualifiants. « La région cofinance ces parcours, qui permettent d’aboutir à une certification pour le jeune, par exemple, l’équivalent d’un CAP jardinier, indique-t-il. L’idée est de convaincre les autres régions de développer ce type de parcours, via un protocole uniforme que nous élaborerons. »

L’autre expérimentation en cours, à Metz, concerne une formation d’accompagnement des services RH, sur deux jours. « Cette formation devrait être mise à disposition des collectivités sur le second semestre 2014 », souligne Jérémy Blazquez. Concrètement, elle devrait apporter aux DRH des éléments sur la notion de certification des formations, pas toujours bien connue, et les encourager à mettre en place des dispositifs de GPEC permettant une meilleure insertion des jeunes à long terme.

Métiers porteurs

Concernant le sort des jeunes à la sortie du dispositif, l’engagement des collectivités est en effet très hétérogène : « Nous avons décidé de mettre les emplois d’avenir sur des postes pour lesquels nous pouvions garantir une embauche au-delà des trois ans. Essentiellement dans trois services : la police municipale, les espaces verts et le service des voies publiques », précise Yohan David à Bordeaux. Une logique qui permet de limiter les coûts en termes d’encadrement et de formations. « Les formations existent déjà pour ces postes, c’est donc simple d’y intégrer un jeune », poursuit-il.

« Nous avons créé des postes ad hoc, mais avec le souci de proposer des métiers porteurs : emplois administratifs, jardiniers, agents de collecte des déchets, assistants TIC, mais aussi dans l’action culturelle et au service des sports », souligne, pour sa part, Mireille Toitot. « Le but est que ce qui a été acquis au sein de la ville soit transférable ailleurs », souligne, dans le même esprit, la directrice de l’emploi à Villeurbanne, qui cite le cas d’un jeune bénéficiant d’une formation longue pas directement liée à son emploi d’avenir. Une promesse d’employabilité qui dépendra de la capacité des collectivités à développer des compétences transférables pour ces jeunes, mais pas seulement : « Les collectivités ont à jouer un rôle de facilitateur et de mise en réseau avec les en­treprises et les employeurs du secteur associatif », conclut Olivier Crépin.

L’ESSENTIEL

1 Les collectivités territoriales emploient 30 % des emplois d’avenir au 1er avril 2014.

2 Le coût moyen mensuel hors formation a été estimé à 600 euros par jeune.

3 Des expérimentations sont en cours pour impliquer les régions dans le financement des formations, pas toujours adaptées aux besoins.

Un coût à géométrie variable

Dans une étude parue en décembre 2013, l’Association des maires de grandes villes (AMGV) signalait que le frein principal au développement des emplois d’avenir dans les collectivités restait la question financière. Malgré la prise en charge par l’État de 75 % du salaire du jeune, le recrutement représente en effet un coût important pour les collectivités dans un contexte budgétaire tendu.

Selon l’AMGV, le coût moyen, hors formation, serait de 600 euros mensuels par jeune et par an.

« En 2013, si on retranche l’aide de l’État, nous avons consacré 82 000 euros hors formation pour 24 emplois d’avenir », explique Mireille Toitot, à Besançon. Soit près de 285 euros mensuels par jeune. « Ce budget inclut le salaire restant à charge mais aussi des aides pour financer, à hauteur de 300 euros par jeune, à ceux qui en ont besoin, leur permis de conduire. »

Dans certains territoires, l’engagement des collectivités a été facilité par une aide financière de la région, à l’instar du Nord-Pas-de-Calais. « La région a financé les 25 % à charge du secteur non marchand pour les 2 000 premiers emplois signés, dès lors qu’ils entraient dans son champ de compétences, indique Hervé Hénon, membre de l’Union nationale des missions locales et du comité de pilotage national des emplois d’avenir. Mais cette aide n’a valu qu’en 2013, les employeurs devant prendre le relais ensuite. »

Pour la majorité des collectivités, le recrutement d’emplois d’avenir s’est fait malgré un manque de visibilité financière.

« Nous ne sommes pas capables aujourd’hui d’évaluer le coût final de ces embauches », résume Brigitte Sebert à Villeurbanne.

Auteur

  • CATHERINE DE COPPET