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La médiation des conflits n’a pas fait recette

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 27.05.2014 | DOMITILLE ARRIVET

En installant un comité de médiation des conflits liés au harcèlement et aux discriminations, la ville de Paris s’était donné pour objectif de répondre de façon plus pertinente aux besoins de ses salariés en matière de résolution de conflits. Après six mois de fonctionnement en vitesse de croisière, peu d’agents ont saisi cette opportunité.

Créé en octobre 2012 pour se substituer au comité de prévention et d’action contre le harcèlement et la discrimination (CPAHD) mis en place en 2004, le comité de médiation des conflits liés au harcèlement et aux discriminations, structure dédiée à la médiation des conflits de la ville de Paris, estime avoir bientôt trouvé la bonne recette : « L’instance d’origine avait une porte d’entrée médicale : le médecin agréé devait mener un ou plusieurs rendez-vous avec l’agent en souffrance avant de le conduire à saisir le comité, rappelle Bruno Gibert, sous-directeur de la prévention, des actions sociales et de la santé de la ville. Mais, à l’usage, nous nous étions aperçu qu’en huit ans, la quasi-totalité des 100 ou 150 dossiers que nous recevions chaque année portait sur des conflits individuels avec la hiérarchie ou des collègues. Très rarement sur des questions de harcèlement ou de discrimination. Il n’était donc pas vraiment nécessaire de mobiliser dans ce comité des personnes haut placées dans notre administration comme nous l’avions fait. »

C’est la raison pour laquelle la mairie de Paris a profité de la négociation de l’accord cadre sur la santé et la sécurité au travail, en 2011, afin de revoir sa copie et concevoir, dans son volet prévention des risques psychosociaux, une procédure de médiation à deux étages, plus adaptée à la réalité des difficultés rencontrées par les agents.

80 agents formés

Chacune des 24 directions, qui administrent un total de 50 000 salariés, s’est tout d’abord vue doter d’un ou plusieurs médiateurs chargés d’intervenir auprès des salariés en cas de nécessité. Une équipe de 80 agents de la ville, formés – dont cinq professionnels diplômés en médiation – a alors été missionnée pour faire tampon en amont, avant que le plaignant n’ait à saisir le comité, dans le cas où le conflit persisterait. En seconde instance, le comité est donc destiné à ne plus assurer que la gestion des dossiers les plus “lourds”.

Présidée par la médiatrice de la ville, accompagnée d’un directeur, d’un médecin et d’un haut fonctionnaire retraité d’une autre administration, la nouvelle structure se veut aussi plus juste : « Aujourd’hui, le comité auditionne non seulement le harcelé et sa direction, mais aussi celui qui est accusé. Alors qu’auparavant, celui qui était mis en cause n’avait pas la possibilité de répondre. De plus, si besoin, nous pouvons lancer une enquête préalable, précise Bruno Gibert. Puis nous avons également rappelé aux cadres que la régulation des conflits fait partie de leur rôle et que la procédure de médiation doit rester exceptionnelle. »

Deux procédures engagées

Et c’est le cas : en six mois de fonctionnement en vitesse de croisière, le comité de médiation – qui peut être sollicité par une ligne téléphonique dédiée, par lettre ou par mail – a été interpellé 143 fois. Mais une fois les erreurs d’aiguillages éliminées (par exemple, les sollicitations pour des difficultés administratives qui ne sont pas de son ressort), le comité n’a dénombré qu’une dizaine de médiations, et engagé seulement deux procédures pour discrimination. « L’important est de réussir à mettre fin à aux agissements qui sont la source des conflits. Parfois, un changement de bureau ou une mutation suffit à résoudre une situation », défend Bruno Gibert.

Si, pour le représentant de la direction, les maigres chiffres sont le signe d’une meilleure résolution des conflits entre les parties prenantes – sans intervention extérieure –, pour la CGT, au contraire, cette sollicitation réduite du comité de médiation est plutôt la preuve que les agents n’y croient pas : « Alors que nous réclamions davantage d’effectifs, ils ont créé un instrument qui ne fait que minimiser les problèmes. Aucun représentant du personnel ne siège dans ce comité. Il n’y a que des représentants de l’administration. Ils sont juge et partie, cela ne peut pas coller. L’agent refuse de se retrouver seul face à son employeur », déplore un secrétaire de l’union syndicale, qui reconnaît déconseiller aux agents d’utiliser la médiation.

Devant ce bilan mitigé, et avant de tirer de véritables conclusions sur la réussite du dispositif d’ici à deux ans, la ville de Paris prévoit déjà de réduire drastiquement le nombre de médiateurs, « dont l’effectif nous apparaît surdimensionné », reconnaît le sous-directeur, mais aussi de renforcer sa campagne de communication par voie d’affichage dans les établissements délocalisés tels que les écoles, les crèches ou les stades, afin que les agents soient mieux avertis de l’existence de ces dispositifs mis à leur service.

CHIFFRES CLÉS

Ville et département de Paris : 50 858 salariés.

Octobre 2012 : création du comité de médiation des conflits liés au harcèlement et aux discriminations.

Mi-2013 : déploiement opérationnel :

Bilan à six mois : 143 sollicitations ; une dizaine de médiations ; deux procédurespour discrimination.

Auteur

  • DOMITILLE ARRIVET