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Prise d’acte : un pas vers davantage de sécurité juridique ?

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 27.05.2014 |

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Prise d’acte : un pas vers davantage de sécurité juridique ?

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De nos jours, un salarié ne démissionne plus. Et même s’il le fait, il peut a posteriori demander à ce que sa rupture soit requalifiée en prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Saisie de cet engouement, la Cour de Cassation a été appelée à préciser les hypothèses dans lesquelles la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans toutefois donner de véritable grille de lecture.

L’année dernière, la Haute juridiction a ainsi jugé que retirer des responsabilités à un salarié justifiait une prise d’acte (Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12-25.958), au même titre que le non-paiement de ses heures supplémentaires (Cass. soc., 10 juillet 2013, n°12-14.028), contrairement à une simple inversion de hiérarchie entre collègues (Cass. soc., 3 juillet 2013, n° 12-18.111).

Mais, au-delà de ces précisions jurisprudentielles, la Cour de cassation peine à trouver un équilibre entre protection du salarié et sécurité juridique. Certains manquements de l’employeur seraient si graves qu’ils justifieraient, par leur seule constatation, la prise d’acte du salarié (modification unilatérale par l’employeur du contrat de travail ou dispense de fourniture de travail), alors que, pour les autres, il appartiendrait au juge d’apprécier la gravité des manquements.

Dans ce contexte incertain, la chambre sociale rappelle la nécessité d’apprécier in concreto les situations susceptibles de justifier la prise d’acte.La Cour de cassation a ainsi considéré que le salarié ne pouvait invoquer, à l’appui de sa prise d’acte, des faits qu’il ignorait au moment de celle-ci. Cette solution est cohérente, puisqu’au même titre que le salarié ne peut se prévaloir de faits postérieurs à la prise d’acte, on ne conçoit pas que des faits antérieurs, mais ignorés du salarié, puissent fonder une prise d’acte (Cass. soc., 9 octobre 2013, n° 11-24.457). Le salarié doit ainsi établir non seulement l’existence « de manquements suffisamment graves de l’employeur », mais aussi démontrer qu’il en avait connaissance au moment de la prise d’acte.

Dans une autre affaire, la Cour de cassation a jugé que le fait de ne pas consulter le comité d’entreprise sur un projet de licenciement économique ne constituait pas un manquement de nature à justifier la rupture d’un contrat de travail aux torts de l’employeur. Cette décision pourrait sembler surprenante si l’on considère que l’absence de consultation par l’employeur des institutions représentatives est un manquement rendant à lui seul impossible la poursuite des relations contractuelles. Mais elle se justifie par le fait que le salarié n’avait, en l’espèce, subi aucun préjudice du fait de cette absence de consultation et ne pouvait donc l’invoquer à l’appui de cette dernière (Cass. soc., 27 novembre 2013, n° 12-21.181).

Plus récemment encore, après avoir rappelé que « la prise d’acte [permettait] au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail », la chambre sociale a approuvé une cour d’appel d’avoir retenu que « les manquements de l’employeur étaient pour la plupart anciens, faisant ainsi ressortir qu’ils n’avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail » (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-23.634). Pour la Cour de cassation, l’ancienneté des faits invoqués était un indice du caractère non déterminant de ces derniers dans la prise d’acte.

La lecture de ces trois arrêts devrait conduire les juges du fond à s’interroger sur les véritables motivations du salarié au moment de son départ. En réalité, seul un parallélisme des formes avec la lettre de licenciement (dont le Code du travail exige qu’elle comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur) permettrait de fixer définitivement les limites du litige consécutif à la prise d’acte.

Lionel Paraire et Charlotte Dumont, avocats à Galion société d’avocats, membres d’Avosial, le syndicat des avocats en droit social.