La sécurité et la santé au travail sont trop souvent perçues comme des enjeux de spécialistes, tandis que la conception usuelle de la prévention des risques professionnels sépare les facteurs de risques en deux : humains et techniques, et les risques eux-mêmes en une multitude de domaines : chute, utilisation de machines, maladies professionnelles, troubles musculo-squelettiques, risques psychosociaux, etc.

Selon l’auteur, consultant en prévention des risques professionnels et chercheur associé au Laboratoire d’ergonomie et d’épidémiologie de la santé (Leest, université d’Angers), cette conception kaléidoscopique est sans doute pertinente pour l’assureur, qui ramène tout événement à son coût d’indemnisation, mais ne l’est plus du tout pour le travailleur lui-même. Celui-ci vit son activité comme un tout, c’est-à-dire non seulement une tâche à accomplir mais surtout comme un travail qui doit faire sens au niveau identitaire personnel et collectif.

À partir de sa propre expérience dans le BTP, l’auteur explique pourquoi concevoir la prévention sous la forme strictement injonctive de règles et de prescriptions ne peut que rester lettre morte. Cela revient à négliger cette opération de construction du sens pour les intéressés qui, s’ils se mettent parfois en danger, ne le font ni gratuitement ni même par méconnaissance du risque, mais plutôt pour faire de l’expérience professionnelle une expérience cohérente où se joue la place sociale et symbolique du travail et du travailleur. Pour être efficace, la prévention des risques doit donc partir de l’expérience du travailleur plutôt que du point de vue du spécialiste ou de la direction.

Le Risque et la règle

Damien Cru, Érès, 222 pages, 14 euros.