E & C : Vous défendez l’idée que les entreprises doivent mettre en œuvre un « management par les équilibres ». De quoi s’agit-il ?

J. B. : De plus en plus, les collaborateurs veulent que leurs attentes en termes de respect de leur équilibre de vie soient écoutées. Chaque salarié est un écosystème, qui trouve son équilibre dans une pluralité de sphères d’épanouissement, qu’elles soient professionnelle, affective, spirituelle, artistique ou sportive. Respectés dans leur équilibre, les salariés seront plus engagés. Réinventer l’engagement suppose donc d’en venir au « management par les équilibres », troisième composante de la performance durable, avec le « management par les objectifs » et le « management par les compétences ».

E & C : Bien-être contre engagement, cela rappelle le paternalisme industriel.

J. B. : Le paternalisme s’appliquait depuis le 19^e siècle à la relation d’un patron « sachant » à ses salariés « enfants ». Le « management par les équilibres » vise au contraire l’émancipation de l’individu, et il n’est pas intrusif. Par exemple, il n’a pas pour objectif d’expliquer aux salariés comment élever leurs enfants mais de créer les conditions d’exercice de la parentalité. L’Observatoire revendique notamment que les salariés bénéficient d’un droit au télétravail un jour par semaine.

E & C : Les attentes des salariés en matière d’équilibre des temps sont forcément hétérogènes. Comment la DRH peut-elle répondre à cette diversité ?

J. B. : Tout d’abord, une phase d’écoute des dirigeants est nécessaire pour cerner le champ des possibles. Cela évitera de proposer ultérieurement des actions comme le télétravail à des directions qui y sont culturellement opposées. Puis, interroger collaborateurs et managers permet d’identifier leurs attentes, afin d’élaborer un plan d’action sur mesure, combinant par exemple des horaires flexibles, la sensibilisation des managers et le soutien aux aidants familiaux.

E & C : La recherche d’équilibre ne suppose-t-elle pas que les entreprises réfléchissent aussi à la charge de travail ?

J. B. : Il ne faut pas se cacher que beaucoup d’entreprises abordent la question de l’équilibre des temps de manière défensive, dans un contexte de baisse des effectifs, de maintien de la charge de travail et d’augmentation de la productivité et des risques sur les conditions de travail. Les salariés qui restent doivent être des sportifs de haut niveau. D’où notamment l’arrêt Fnac de la cour d’appel de Paris en décembre 2012, qui suspend une réorganisation au motif qu’elle n’a pas assez pris en compte les transferts de charges des postes supprimés vers les salariés restant en fonction.