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Les entreprises s’ouvrent aux Mooc

Pratiques | publié le : 29.04.2014 | VALÉRIE GRASSET-MOREL

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Les entreprises s’ouvrent aux Mooc

Crédit photo VALÉRIE GRASSET-MOREL

Le succès des Mooc (massive open online courses) ne se dément pas. Ils font désormais leur entrée dans l’entreprise, qui trouve là le moyen de former et d’informer en masse. Mais cette euphorie pourrait précéder une vague de déception, selon des experts de la formation.

Avec près de 10 millions d’apprenants dans le monde, les Mooc (massive open online courses) ne sont plus un phénomène de mode. Deux spécialistes du digital learning, Féfaur et Vodeclic, pensent même qu’ils constituent « une vraie rupture ». « Les entreprises s’y intéressent, les expérimentations ont démarré, des généralisations sont en cours dans nombre d’entreprises nord-américaines, plus libres et moins empreintes de préjugés en matière de formation » qu’en France, écrit Michel Diaz, directeur associé de Féfaur dans le livre blanc Féfaur-Vodeclic : “Osez votre Mooc d’entreprise !” (mars 2014). « De solides raisons » expliquent le développement des Mooc corporate d’après lui, à commencer par « la réponse pertinente qu’ils apportent aux salariés et aux métiers mal servis par la formation ou l’e-learning traditionnels, ou leur adéquation aux nouvelles pratiques d’apprentissage collaboratif. »

Durant six à huit semaines, les Mooc permettent d’attirer 20 000 participants en moyenne et parfois plus de 200 000 selon l’Open University (UK). “Massifs” en nombre de participants, les Mooc le sont aussi par le nombre de domaines couverts : leadership, management, droit, bureautique, techniques de vente, marketing, gestion, finance… Autant d’offres que proposent les principales plates-formes de diffusion de Mooc d’universités et d’écoles (Coursera, edX, Udacity, FUN en France…). On y trouve même de la philosophie à l’usage des managers.

Le mathématicien et philosophe Luc de Brabandere anime sur Coursera le Mooc de Centrale Paris intitulé “La stratégie : ce que les managers peuvent apprendre des grands philosophes”. Avec plus de 51 000 inscrits, Luc de Brabandere voit le Mooc comme « un canal moderne et à fort impact pour parler de créativité avec les managers ». D’après Cécile Dejoux, maître de conférences au Cnam et conceptrice du Mooc “Du manager au leader” qu’elle est en train d’adapter aux besoins spécifiques d’entreprises clientes : « Un cercle vertueux se crée grâce au mélange des cultures entre les entreprises, les enseignants et les intellectuels. Les entreprises qui s’en sortent sont celles qui innovent. Un professeur leur fait prendre de la hauteur. »

Insuffler un esprit d’entreprise et de promotion

On observe des usages tant internes qu’externes des Mooc par les entreprises : la formation de nouveaux embauchés en nombre, en limitant le présentiel tout en insufflant un esprit d’entreprise et de promotion, le repérage de talents parmi les “Moocers” dans un objectif de prérecrutement. C’est aussi l’occasion de valoriser son image et de former ses partenaires et clients. Orange vient ainsi de lancer via sa plate-forme Solerni son premier Mooc, “Le digital, vivons-le ensemble”, à destination du grand public francophone (notamment les seniors) qui souhaite s’initier aux nouvelles technologies.

« Aller au-delà du contenu et privilégier l’expérience d’apprentissage est la clé du succès d’un Mooc corporate », assure Steve Fiehl, chief innovation officer de CrossKnowledge. Ce concepteur d’e-learning s’engage sur ce marché en adaptant sa plate-forme. La version 13.2 de la CrossKnowledge Learning Suite offre de nouvelles fonctionnalités permettant l’intégration de contenus tiers et l’auto-inscription. Mais CrossKnowledge souhaite aller plus loin et se positionner en “Mooc Advisor” (conseiller Mooc). Dès cet été, il proposera une sélection de Mooc existants sur le marché, « choisis au regard des besoins opérationnels des entreprises », précise Steve Fiehl. À partir de la plate-forme de CrossKnowledge, les clients pourront déterminer les Mooc qu’ils proposeront à leurs collaborateurs en fonction du sujet, de la langue, de la date du démarrage, etc. Cette sélection sera mise à jour régulièrement.

Des déceptions possibles

Face au phénomène des Mooc, certains prestataires restent prudents. « La courbe des technologies de Gartner montre qu’après la phase euphorique actuelle, les Mooc pourraient bientôt générer des déceptions », note Olivier Ferhat, directeur de Demos Learning Solutions. « Dans les six à dix-huit prochains mois, le marché sera plus mûr. Nous disposons de toutes les compétences – technologiques, pédagogiques, multimédia – qui nous permettront d’entrer rapidement sur le marché des Mooc », assure-t-il. Ce qui n’empêche pas le groupe d’accompagner depuis longtemps ses clients dans la réalisation de Mooc internes ou externes « sans que cela s’appelle “Mooc”… ».

L’ESSENTIEL

1 Les Mooc, ces cours en ligne, gratuits et ouverts au plus grand nombre, rencontrent un succès grandissant auprès des entreprises.

2 Universités, écoles et entreprises offrent des enseignements dans toutes sortes de domaines. Notamment ceux encore peu couverts par l’e-learning traditionnel.

3 Ce marché émergent des Mooc n’est pas encore mûr en France, contrairement à celui des États-Unis, qui est déjà structuré.

Les entreprises américaines soulignent la qualité et la rapidité des Mooc

Jocelyn Vande Velde, directrice de la formation de Johnson Health Tech, un fabricant taïwanais d’équipements pour les centres de remise en forme, voulait être capable d’informer rapidement ses vendeurs, ses commerçants partenaires et ses techniciens sur les nouveaux produits de la maison. L’entreprise a créé ses propres cours avec les ingénieurs de la société et, grâce à la plate-forme Mindflash, Jocelyn Vande Velde peut les envoyer à tous les intéressés : « Nous sommes répartis dans dix-huit pays, il est donc impossible d’organiser des séances classiques de formation pour chaque bureau. » En outre, la directrice n’aime guère voir le message de la maison mère modifié par les bureaux locaux, au gré des préférences des uns et des autres; elle préfère centraliser et unifier les informations délivrées par ses experts.

Certes, l’apprenant ne peut pas nouer un dialogue avec le tuteur et doit attendre la réponse à son courrier électronique. Et il pourrait être tenté de sécher ses cours. Mais, grâce à Mindflash, Jocelyn Vande Velde suit de près les progrès de 1 500 personnes : elle sait s’ils ouvrent les cours et réussissent leurs travaux pratiques.

Le choix de cette entreprise en faveur des cours en ligne n’est pas un cas isolé. Avec l’aide de quelques facilitateurs (Udacity, Coursera, EdX, Lynda.com, etc.), de nombreux groupes ont fait basculer leur formation continue sur ordinateur, Ipad ou téléphone. Certains, comme Johnson Health Tech, assurent leurs propres cours. D’autres puisent dans la librairie du fournisseur. C’est ainsi que Lynda.com met à disposition de Google, Apple, Yahoo… ou du fermier du Yorkshire, 2 310 cours sur la photo, le Webdesign, l’usage d’Excel, le leadership, la gestion d’équipes… Le coût de ce type de formation est bien moins élevé que les cours traditionnels. « Si vous envoyez une dizaine de personnes pendant trois jours sur un site, cela vous reviendra à 10 000 dollars en frais d’avions, hôtel et formateur, calcule Alex Zivoder, le vice-président Europe de Lynda.com. Nous nous contenterons de beaucoup moins. »

CAROLINE TALBOT, À NEW YORK

Auteur

  • VALÉRIE GRASSET-MOREL