« Pour mieux intégrer la sécurité des intérimaires sur nos chantiers, des actions sont entreprises depuis de nombreuses années, mais elles ont eu du mal à produire des effets, reconnaît Fabrice Léoni, directeur de la prévention santé sécurité de Bouygues Entreprises France-Europe et Bouygues Travaux Publics, filiales de Bouygues Construction. Il y a un problème de dialogue entre les entreprises utilisatrices et les agences d’emploi: ces dernières nous disent qu’elles sont les employeurs, mais que ce ne sont pas elles qui créent le risque. Face à ce constat, nous avons engagé des initiatives. » En 2007, dans la déclinaison de son programme de développement durable Actitudes, qui comprend l’objectif de garantir la santé et la sécurité de tous les collaborateurs, Bouygues Construction a décidé de rencontrer les majors de l’intérim dans l’optique de bâtir des engagements communs suivis d’indicateurs.

Un accord a été finalement conclu en novembre 2011 entre Bouygues Entreprises France-Europe et trois ETT (groupe Adecco, Réseau Domitis et Randstad) pour renforcer la sécurité des intérimaires sur les chantiers. Cet accord a déjà permis à 500 intérimaires de suivre une formation de deux jours dédiée aux fondamentaux de la prévention dans la profession, dispensée par l’Apave.

Sur la période de l’accord, un grand nombre d’intérimaires devaient également recevoir de leur ETT une formation de sauveteur secouriste du travail (objectif : passer de 25 % en 2012 à 35 % en 2014). L’intérêt ? Les personnes ayant reçu cette formation rencontrent moins d’accidents que les autres collaborateurs.

Par ailleurs, la politique de lutte contre les addictions est systématiquement présentée aux intérimaires en agence avant leur venue sur un chantier. « Nous avons demandé aux agences de réaliser un premier test alcool et drogue afin qu’elles cessent de nous envoyer des personnes sous addictions, relate Fabrice Léoni. En effet, 80 % des tests positifs réalisés par Bouygues Entreprises France-Europe en 2013 concernaient des intérimaires, les 20 % restants nos sous-traitants. »

En outre, quand un intérimaire intègre un chantier, il n’est jamais seul, il travaille en binôme avec un ancien. Il bénéficie d’heures d’insertion comme tous les collaborateurs ainsi que de la visite médicale. « Le droit d’alerte et de retrait est rappelé à chaque prise de poste, souligne Fabrice Léoni. Nous disons clairement à l’intérimaire que s’il ne sait pas, il ne doit pas faire et que nous serons prêts à reconduire son contrat car c’est ce type de comportement qui est professionnel. »

Depuis 2007, Bouygues Entreprises France-Europe a diminué l’accidentologie de plus de 40 % chez les intérimaires, alors que chez les permanents cette baisse a été de 60 %. « En 2013, notre entreprise a recensé 22 accidents pour les permanents et 47 pour les intérimaires. Le taux de fréquence avec arrêts s’élève à 2,7 alors qu’il est de 45 dans l’ensemble de la profession, indique Fabrice Léoni. C’est une réussite, mais nous ne sommes pas au bout de la démarche. Nous souhaiterions maintenant mobiliser les fédérations professionnelles et les syndicats pour construire un passeport professionnel. Car, si nous voulons vraiment diminuer l’accidentologie des intérimaires, cela passe par leur professionnalisation. »

Roland Brun, coordinateur syndical CGT de Colas et Bouygues, aimerait que les membres des CHSCT puissent être davantage présents auprès des intérimaires, par exemple lors des accueils sécurité, afin de se présenter à eux comme les « principaux interlocuteurs de terrain » sur la sécurité. « Qui connaît les métiers mieux que nous ? Le représentant QSE de l’entreprise a davantage un discours porté sur la sanction, car il représente la direction », estime-t-il.

• Activité : construction de bâtiments, infrastructures de transport, réseaux d’énergie et de communication.

• Effectif : 52 200 collaborateurs à fin 2013.

• Chiffre d’affaires : 11,1 milliards d’euros en 2013.