L’échange salarial est presque exclusivement perçu comme un échange interne à l’entreprise sur le mode contribution-rétribution. Or, pour comprendre cet échange, et notamment comment le travail constitue aussi un lieu de construction identitaire, il faut réintroduire la société tout entière, puisque le travail permet non seulement de gagner sa vie, mais aussi de se construire comme personne humaine. Pour l’auteur, professeur à l’université de Genève et au Cnam, c’est en replaçant le travail dans l’ensemble des liens sociaux que l’on peut comprendre pourquoi tant d’individus mal payés, maltraités, mal formés accomplissent avec tant de conscience des tâches obscures. Grâce au travail, aussi ingrat soit-il, ces personnes peuvent s’inscrire dans l’échange social. Une recherche ethnologique sur l’activité des agents de conduite de centrales nucléaires françaises a montré l’intérêt qu’il pourrait y avoir pour les entreprises à mettre en place des dispositifs d’analyse sociale compréhensive permanente afin de créer et de maintenir en leur sein les conditions favorables à la production de la compétence plutôt que de produire inlassablement des règles qui tendent rapidement à devenir de vaines recettes.

La compétence en effet, selon l’auteur, ne se gère pas plus que la motivation. C’est-à-dire que les interventions managériales ne doivent pas tant porter sur les compétences elles-mêmes que sur ses conditions d’apparition. Cela reviendrait à prendre en compte les conditions de mobilisation de l’intelligence au travail.

Exister au travail

Guy Jobert, Érès, 406 pages, 18 euros.