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Enquête

UNE NOUVELLE USINE À GAZ ?

Enquête | publié le : 22.04.2014 | LAURENT GÉRARD

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UNE NOUVELLE USINE À GAZ ?

Crédit photo LAURENT GÉRARD

Le compte personnel de formation (CPF) et son corollaire, l’entretien professionnel (EP) laissent les responsables formation et les DRH sur la réserve. Les salariés disent y croire, mais si la complexité d’accès au CPF se révèle trop grande, le risque d’échec sera important.

À ce jour, dans la phase intermédiaire entre la loi connue et les décrets en attente, les responsables formation (RF) et les DRH ne témoignent pas unanimement d’un amour fou pour le compte personnel de formation et pour l’entretien professionnel créés par la réforme de la formation en cours. L’étude du cabinet Cimes, réalisée auprès de 208 DRH et RF et publiée la semaine dernière (lire Entreprise & Carrières n° 1189), montre clairement que les RH ne sont pas enthousiastes. Concernant le CPF, 11 % des RF n’ont pas d’avis et 14 % y voient une chance de « mieux répondre aux attentes individuelles ». Pour les autres répondants, 39 % pensent qu’il « ne va rien changer dans un premier temps », un tiers qu’il va « impacter à la baisse le nombre de formations financées par l’entreprise », et un autre tiers qu’il va « orienter les fonds vers les demandeurs d’emploi et moins vers les salariés ».

Concernant l’EP, 17 % des RF n’ont pas d’avis et une même proportion est optimiste. Pour les autres répondants, la moitié affirme qu’il « ne changera rien dans la gestion de carrière ».

Au final, de manière globale, 12 % d’entre eux n’ont pas d’avis sur la réforme et 10 % sont optimistes. Pour les autres répondants, 52 % s’attendent à « davantage de complexité » et à une perte d’accès à la formation des salariés au profit des demandeurs d’emploi.

Des opinions divergentes

Quelle que soit leur opinion, RF et DRH cherchent à comprendre ce qui se construit et à estimer les impacts sur leur entreprise, leurs salariés et, subsidiairement, leur fonction. Et ce n’est pas simple. Les prises de positions des spécialistes qui témoignent dans notre dossier varient d’un relatif optimisme à une diatribe en règle. Jean-Pierre Willems, spécialiste du droit de la formation, estime que la loi « dessine assez bien le schéma de la transition entre le DIF et le CPF » ; tandis que Thierry Vaudelin, directeur de la formation de Manpower, craint la complexité du suivi des compteurs. Enfin, pour Didier Cozin, gérant du cabinet conseil Agence pour la formation tout au long de la vie, l’affaire est claire: le CPF et ses formations éligibles renforcent l’usine à gaz de la formation, et il s’attend à une baisse de l’effort formation. Sur ce sujet déjà controversé, trois questions autant techniques que politiques taraudent les RF: que faire du 0,2 % de financement du CPF ? À quelle date les listes de formations éligibles seront-elles prêtes ? La Caisse des dépôts et consignations, qui doit construire le système de compte pour environ 25 millions de Français, sera-t-elle au rendez-vous le 1er janvier 2015 ?

Mise en œuvre en 2015

Sur ce point, Charles-Henry Ronzeaud, directeur de projet CPF à la direction des retraites et de la solidarité de la Caisse des dépôts, assure que « tout sera mis en œuvre afin que nous soyons prêts pour l’échéance du 1er janvier 2015 définie par la loi. Des formations pourront ainsi être enregistrées cette année-là, par exemple au titre des droits acquis dans le cadre du DIF. Les droits acquis en 2015 dans le cadre du CPF seront mobilisables dès 2016. Au travers de rubriques que le titulaire pourra renseigner sous sa responsabilité – le passeport orientation formation compétences indiqué dans la loi –, il disposera d’un outil pour structurer son parcours professionnel. Ce qui lui permettra, en complément des formations éligibles inscrites dans le CPF, d’avoir une vision complète de son parcours de formation ».

D’autres ne partagent pas cette conviction. Selon un technicien financier très proche du dossier, « en 2016 sortiront les premiers rapports affirmant que la réforme est un échec et que le CPF ne marche pas, que les gens ne comprennent rien aux différentes listes de formations éligibles au CPF et que la formation s’est écroulée dans les PME à la suite de la fin du 0,9 % et de la mutualisation. Ils pointeront également que la vérification de l’accès à la formation via la responsabilité sociale qui a remplacé la responsabilité fiscale – obligé de faire et non de payer – ne mène à rien, et surtout n’anticipe rien, et que la judiciarisation après les faits intervient trop tard ».

D’après lui, « en 2017, le thème de la formation professionnelle sera à nouveau abordé dans la campagne présidentielle, et la pression sera mise dessus. En 2018, les partenaires sociaux seront sommés de réformer un système “caduc, complexe, corporatiste”, et prendront une nouvelle volée de bois vert sur leur incurie, leur manque de légitimité, leur incapacité à faire… Tout cela est inscrit dans les gènes de l’actuelle réforme, elle nous mène directement à la prochaine ».

L’ESSENTIEL

1 La moitié des responsables formation et des DRH pensent que le compte personnel de formation ne changera rien dans un premier temps. Ils expriment le même avis sur l’entretien professionnel.

2 La gestion du 0,2 % CPF, les listes de formation éligibles et le système informatique que la Caisse des dépôts doit mettre au point pour le 1er janvier 2015 laissent les professionnels RH perplexes.

3 Certains experts se veulent néanmoins confiants, tandis que d’autres annoncent déjà une prochaine réforme.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD