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Enquête

« Les entreprises doivent décider d’une politique CPF »

Enquête | publié le : 22.04.2014 | V. G.-M.

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« Les entreprises doivent décider d’une politique CPF »

Crédit photo V. G.-M.

E & C : Comment le passage du DIF au CPF s’effectuera-t-il ?

J.-P. W. : La loi dessine assez bien le schéma de la transition : les entreprises établiront le solde des heures de DIF pour chaque salarié au 31 décembre 2014. Ces heures seront utilisables au titre du CPF. Elles ne figureront pas dans les compteurs mais seront vérifiées par les Opca lorsque le bénéficiaire demandera un financement au titre du CPF. Leur emploi sera tracé dans le compte par l’information donnée par les Opca à la Caisse des dépôts et consignations. Une seule situation suscite véritablement des interrogations : quel sera le sort des salariés devenus demandeurs d’emploi au cours de 2014, voire avant, et qui bénéficient d’un DIF portable qui disparaît ?

Le budget – solde des heures acquises au titre du DIF non utilisées, multiplié par 9,15 euros – sera-t-il reconverti en heures de CPF ? Sera-t-il perdu ?

Le décret à venir devrait répondre à ces questions*.

E & C : Quels pourraient être les avantages ou inconvénients à conclure un accord d’entreprise de gestion interne du 0,2 % CPF ?

J.-P. W. : Il y a beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. Tout d’abord, l’entreprise devra négocier pour trois ans, sans visibilité sur le dispositif. Ensuite, elle devra négocier « au moins 0,20 % » de financement, assurer elle-même les coûts de gestion des achats de formation pour les salariés sans que cela soit déductible du 0,20 %, et elle n’aura plus accès à la mutualisation de l’Opca. Si elle ne dépense pas 0,20 % de sa masse salariale, elle devra de toute façon verser la différence à l’Opca. De plus, elle est réassujettie sur cette partie à une déclaration fiscale et à un contrôle, et ne peut pas négocier les priorités du CPF, qui demeurent celles fixées par les partenaires sociaux à l’extérieur de l’entreprise… Bref, rien de très engageant. Seul avantage : elle pourra fixer dans l’accord les publics ou les formations qui donneront lieu à des abondements et pourra financer ces abondements sur le 0,20 %.

E & C : Le CPF peut-il favoriser des projets de formation co-construits par l’employeur et les salariés ?

J.-P. W. : Le CPF n’est pas à la seule main des salariés. Les entreprises doivent décider d’une politique en la matière. Soit en aidant les salariés à le mettre en œuvre : financé par l’Opca et en dehors du temps de travail, le CPF est une politique sociale gratuite pour l’entreprise. Soit en orientant les demandes des salariés par la mise en place d’une offre accessible, d’abondements pour des formations qui pourraient relever de l’intérêt partagé entre le souhait du salarié et la politique de l’entreprise, ou d’autorisations de suivi de la formation sur le temps de travail. Il y a donc bien un intérêt commun qu’il faut identifier et qui devrait permettre aux salariés de suivre davantage de formations grâce aux abondements, ou des formations dans de meilleures conditions pour les salariés qui préfèrent se former en dehors du temps de travail. En contrepartie, l’entreprise pourra bénéficier de formations financées par l’Opca sur des fonds mutualisés. Le CPF abondé par l’entreprise est également susceptible d’enrichir la politique de GPEC de l’entreprise.

E & C : En créant un accès encadré au CPF, ne risque-t- on pas de décourager les bénéficiaires ?

J.-P. W. : Je ne le pense pas. L’offre est potentiellement très large : plus de 10 000 diplômes, 2 000 à 3 000 certificats de qualification professionnelle (CQP), les certifications du futur inventaire… Et pour les diplômes, chaque module sera éligible en tant que tel. En outre, il me paraît normal qu’un droit financé par la mutualisation ne permette pas à chacun de faire exclusivement ce qu’il souhaite, mais ce qui a été validé par les financeurs. Les bénéficiaires devraient donc avoir un large choix, à condition que les priorités ne soient pas fixées trop restrictivement.

E & C : Qu’est-ce que la réforme va changer dans les relations entre la direction et les représentants du personnel ?

J.-P. W. : Elle donne aux IRP davantage de leviers d’action : consultation sur la mise en place des nouveaux entretiens professionnels et sur la stratégie, mise en place de la base de données unique, chiffrage de l’investissement formation et plus seulement des dépenses, etc. Après, les leviers sont comme les promesses électorales : ils ne sont utiles que si l’on s’en sert.

* À la date de réalisation de cette interview, aucun décret n’était encore paru.

Auteur

  • V. G.-M.