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De nouvelles pistes contre le dumping social dans les transports européens

Actualités | publié le : 22.04.2014 | NICOLAS LAGRANGE

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De nouvelles pistes contre le dumping social dans les transports européens

Crédit photo NICOLAS LAGRANGE

Les fraudes dans le transport routier s’intensifient en Europe, facilitées par la multiplicité des implantations des entreprises. Le 10 avril, la commission des affaires européennes du Sénat a proposé des pistes pour améliorer les contrôles, débattues le 16 avril à Paris lors d’un colloque européen. Les transports aériens sont aussi concernés par ces pratiques sociales abusives.

Les transports européens « peuvent apparaître comme un véritable laboratoire en matière d’optimisation sociale et de fraude », énonce d’emblée le rapport d’information du sénateur Éric Bocquet, intitulé “Le droit en soute ? Le dumping social dans les transports européens”. Dans le transport routier, le nombre d’infractions a d’ailleurs augmenté de 17 % en 2012 par rapport à 2011, selon l’organisme Euro Contrôle Route. En cause notamment, les fraudes au temps de travail : l’utilisation d’un aimant suffit à bloquer le décompte des heures de conduite sur le tachygraphe.

Autre distorsion de concurrence : les faux travailleurs indépendants. Très nombreux en Espagne, en Italie et en Pologne, beaucoup travaillent en France pour un seul transporteur, une dépendance qui devrait faire d’eux des salariés soumis aux règles sociales françaises. Les fraudes au cabotage sont également épinglées. Le cabotage est légal lorsqu’une entreprise espagnole, par exemple, réalise une livraison internationale en France, puis effectue au maximum trois opérations dans l’Hexagone dans les sept jours suivants, pour ne pas repartir à vide. Avec l’autorisation d’appliquer le temps de travail et les salaires espagnols plutôt que ceux du pays d’accueil. Le cabotage n’est donc pas régi par la réglementation européenne des travailleurs détachés, durcie le 14 avril dernier après l’adoption d’une nouvelle directive.

Une entreprise française condamnée

« Les règles du cabotage sont admises par les organisations patronales et syndicales, assure Éric Bocquet, mais les abus sont nombreux, insuffisamment contrôlés et sanctionnés. » Des abus qui sont parfois le fait des entreprises françaises. Exemple cité dans le rapport du sénateur: condamnée en mars 2013, la société Jeantet, dans le Doubs, avait créé une société en Slovaquie avec des chauffeurs rémunérés moins de 3 euros par heure. Mais son activité dans le pays était virtuelle, elle n’y disposait que d’un local de 20 mètres carrés, garait les camions à Besançon et gérait le planning depuis la France. Très exposé aux fraudes en raison de ses coûts salariaux et de ses charges sociales, le pavillon français a vu ses parts de marché en Europe passer de 50 % en 1999 à 10 % en 2009.

« La solution n’est pas de mettre en place de nouvelles règles, mais d’appliquer correctement celles existantes, ce qui passe par un important renforcement des contrôles », assure Milorad Sugic, secrétaire national de la FGTE-CFDT et président du comité du dialogue social routier européen. Une position partagée du côté patronal par la FNTR et la TLF. En 2018, les poids lourds neufs devront être équipés d’un tachygraphe intelligent (enregistrement des données par satellite, en principe infalsifiable), mais les véhicules déjà en circulation auront quinze ans pour se mettre en conformité.

L’échéance de 2018 doit s’appliquer simultanément à tous les poids lourds, affirme la résolution votée par la commission des affaires européennes du Sénat le 10 avril, dans le prolongement du rapport Bocquet. Et de réclamer une coopération accrue en matière de contrôle, parce qu’elle se limite aujourd’hui à la moitié des pays européens. « Une agence publique européenne de contrôle permettrait de faire converger les moyens et les procédures mis en place par les États, les prérogatives des inspecteurs nationaux ainsi que les sanctions », plaide Florence Berthelot, déléguée générale adjointe de la FNTR.

Définition du travailleur hautement mobile

« Les États doivent partager leurs données et établir une liste noire des entreprises sanctionnées pour fraude, avec une interdiction d’accès aux marchés publics », estime Patrice Clos, secrétaire général de FO Transports et Logistique. Pour Yves Fargues, président de TLF, « il faut aussi réfléchir à une définition du “travailleur hautement mobile” au plan européen et parvenir à moyen terme à des convergences sociales et fiscales ».

La France n’est pas isolée, comme l’a montré la conférence européenne qui s’est tenue à Paris le 16 avril à l’initiative du ministre français des Transports. « La plupart des pays représentés ont demandé des contrôles plus efficaces et des sanctions plus fortes, en insistant sur la nécessité d’aboutir à plus de convergence sociale », résume Éric Bocquet.

Front commun

En 2013, l’IRU et ETF, les organisations patronales et syndicales internationales du transport, avaient fait front commun, réussissant à bloquer la poursuite de la libéralisation du secteur, voulue par le commissaire estonien Siim Kallas – qui achève son mandat mais maintient sa volonté de dérégulation dans un rapport rendu public le 14 avril.

Au plan français, la proposition de loi Savary, déjà adoptée par les députés et qui arrive au Sénat, oblige les employeurs à payer un hébergement à leurs chauffeurs pour leur repos hebdomadaire, en lieu et place de la cabine du camion. « Ce délit implique des contrôles en entreprise, estime Florence Berthelot, de la FNTR. Mieux vaudrait instaurer de fortes amendes dissuasives, payables immédiatement avec immobilisation possible du véhicule, sur le modèle de ce qu’a fait la Belgique. »

La thématique du dumping social en Europe, en écho au “plombier polonais” de la directive Bolkestein, est assurée d’occuper une large place dans la campagne des élections européennes.

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE