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« Le social media va tendre vers la concordance de valeurs »

Enquête | publié le : 15.04.2014 | H. T.

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« Le social media va tendre vers la concordance de valeurs »

Crédit photo H. T.

E & C : Vous avez créé, en 1998, le concept de “Marque employeur”. Comment les entreprises s’en sont-elles saisies ?

D. P. : À l’époque, j’ai tout entendu : on me disait que l’humain n’était pas du marketing. Aujourd’hui, ce concept est entré dans le langage RH des grandes et moyennes entreprises. Certaines ont même des responsables dédiés. C’est le côté positif. L’idée, c’est de mettre en cohérence toutes les “expressions employeur” d’une entreprise, tant internes qu’externes, au nom de sa performance économique. Elle doit être à l’extérieur ce qu’elle est à l’intérieur. Dans les faits, cependant, les employeurs se sont trop limités aux enjeux de recrutement et d’attractivité, alors qu’il n’y a jamais eu autant de démotivation et de mal-être dans les organisations.

E & C : Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ?

D. P. : La fonction RH a perdu la bataille du sens. L’humain n’est plus une priorité. Il y a trente ans, elle était dans la mouvance des cercles de qualité. Depuis, elle s’est laissée phagocyter par le discours ambiant du tout financier et du tout juridique, et son rayonnement n’a cessé de faiblir. La seule compétence qu’on lui reconnaît maintenant, c’est de parler le langage des syndicats. Le contexte économique est difficile ? Raison de plus pour motiver les troupes. Ce doit être la priorité du DRH. Sa vocation n’est pas d’être un business partner, mais bien un acteur du business. Bref, un DG bis, qui doit challenger les directeurs marketing et commercial et passer 50 % de son temps sur le terrain. Mais les services RH ont peu de moyens pour valoriser l’image employeur.

E & C : Comment redresser la barre ?

D. P. : Les entreprises font beaucoup de choses dans le domaine du management, de la responsabilité sociétale des entreprises, etc., mais rien n’est coordonné, rien n’est harmonisé sur le plan de la sémantique. Il s’agit de remettre à plat la réflexion employeur et de travailler sur la cohérence, l’alignement des paroles et des actes pour structurer un discours socle. Il est également indispensable que les directions générales s’impliquent davantage dans la constitution de leur marque employeur, qui doit refléter l’ambition humaine de la gouvernance. L’avantage aujourd’hui, c’est que les entreprises n’ont jamais eu autant de leviers à disposition pour communiquer et recruter.

E & C : Les réseaux sociaux font désormais partie de cet arsenal. De quelle façon les entreprises doivent-elles les utiliser ?

D. P. : Le vrai défi pour les entreprises est d’acquérir une culture digitale et de comprendre la révolution qui s’est opérée par ce biais. Les internautes vont d’abord sur les réseaux sociaux professionnels pour nouer des relations et se renseigner sur d’autres personnes. Il ne s’agit donc pas d’y mettre des annonces de recrutement comme sur les job boards, qui sont faits pour cela et utilisés dans ce sens par les candidats.

Les marchés du sourcing et de la relation sont distincts et complémentaires. Nous conseillons en revanche aux employeurs d’inciter leurs salariés à s’inscrire sur les réseaux sociaux, afin qu’ils puissent s’exprimer eux-mêmes sur leur entreprise. À charge pour celle-ci de leur donner envie de devenir des ambassadeurs. Ce qui demande une certaine maturité à l’égard des nouveaux usages numériques. Or bon nombre d’entreprises s’activent sur les réseaux sociaux externes sans avoir ne serait-ce qu’entamer la moindre réflexion sur un éventuel réseau social interne…

E & C : Il ne s’agit donc pas d’une révolution technologique ?

D. P. : Il faut éviter de tomber dans cette approche outil. Ce ne sont pas les “tuyaux” qui font sens. Ce qui compte, c’est la culture de l’entreprise et sa capacité à l’assumer. Notamment à travers les médias sociaux qui sont une agora où chacun peut discuter avec l’autre. Le social media va tendre de plus en plus vers la concordance de valeurs. À compétences égales, l’entreprise embauchera l’individu qu’elle jugera le plus en adéquation avec les siennes. Ce qui implique qu’elle soit effectivement capable de diffuser des arguments employeur fondés sur ses valeurs. Alors que le recrutement est généralement le premier échelon de la filière RH dévolu aux jeunes diplômés, on verra apparaître des chargés de recrutement seniors qui sauront opérer cette sélection, en prenant le risque de présenter des candidats ne correspondant pas aux standards habituels, mais en phase avec la culture de l’entreprise. Je pense d’ailleurs que l’avenir d’une marque sera de devenir son propre réseau social, en passant de la communication à la relation avec toutes ses parties prenantes : salariés, futurs salariés, clients, etc. La question étant : quelle expérience proposera-t-elle de leur faire vivre ?

Auteur

  • H. T.