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Le big bang de l’apprentissage en ligne chez L’Oréal

Pratiques | publié le : 08.04.2014 | NICOLAS LAGRANGE

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Le big bang de l’apprentissage en ligne chez L’Oréal

Crédit photo NICOLAS LAGRANGE

Le leader mondial des cosmétiques développe l’autoformation, en mettant à la disposition de ses 72 000 salariés près de 4 000 contenus sur sa plate-forme MyLearning, avec des formats très variés, accessibles à tous et sans réduire le volume des formations présentielles.

Découverte du groupe et de ses produits, techniques métiers, management, langues, bureautique, nouvelles technologies, archives documentaires… depuis juin 2013, plus de 26 000 salariés de L’Oréal ont utilisé en moyenne trois “ressources” de MyLearning, une plate-forme très innovante en 11 langues, totalement revisitée en six mois autour du concept de ”learning for all” et déployée dans 57 pays. « Avec près de 9 000 recrutements par an, un turnover tendu dans certains pays et une volonté de travailler sur l’employabilité, nous avions besoin d’un dispositif puissant, rapide et efficace pour développer tous nos collaborateurs, quelle que soit la région du monde où ils se trouvent, explique Sylvie Dangelser, chief learning officer à L’Oréal. La première plate-forme MyLearning, lancée en 2009, était un portail centré e-learning avec 250 ressources, offrant une expérience utilisateur limitée. »

À l’automne 2012, un second portail, MyLearning Channel, propose des offres de vidéos avec des contenus internes et externes. D’emblée, le format est très prisé. « À partir de là, on s’est dit qu’il fallait tout remettre à plat, construire un portail plus large, plus ergonomique, en intégrant les nouveaux modes d’apprentissage - vidéos, ebooks, Mooc, archives… - et les nouveaux supports - smartphones et tablettes -, souligne Laurent Reich, le patron de la pédagogie et des solutions formation du groupe. Sans rien imposer aux collaborateurs, qui doivent pouvoir choisir le sujet et la modalité qui leur conviennent le mieux, mais en multipliant les incitations. Un mélange de Google et d’Amazon : quoi que je cherche, je le trouve, et je bénéficie des avis de mes pairs et de leurs recommandations pour aller plus loin. »

Fin 2012, quatre appels d’offres sont lancés auprès de huit leaders internationaux, sur les aspects technologiques et sur les contenus de la future plate-forme. Deux solutions sont finalement présélectionnées au bout de deux mois pour concevoir un prototype. Trois mois plus tard, les responsables pays de L’Oréal optent pour CrossKnowledge, sur la base d’une quarantaine de critères. Avec quelques semaines pour aboutir. « C’est la première fois que nous utilisons pleinement la puissance des outils collaboratifs dans la mise en œuvre d’un projet de cette ampleur, relate Michel Thirapounnho, directeur luxe et cosmétiques à CrossKnowledge. Nos équipes projets respectives ont été connectées sur le réseau social interne de L’Oréal et les supports projets partagés via Google Documents. Nous avons pu travailler en temps réel, avec des correctifs et des arbitrages au fur et à mesure, en quelques heures parfois au travers de chats, sans attendre les réunions hebdomadaires du comité projet, comme c’est le plus souvent le cas. »

Résultat, un projet livré en deux mois, pour un coût global identique à la version précédente de MyLearning, avec des journées de lancements spécifiques imaginées pour chaque pays. « Nous avons migré de l’ancienne plate-forme à la nouvelle en un week-end, à la mi-juin 2013, sans interruption de service, ajoute Laurent Reich. Pour tous les pays, sauf ceux comme la Chine et le Vietnam qui n’avaient pas installé le précédent portail. Ils bénéficient du nouveau depuis décembre. »

Anticiper l’évolution des compétences

MyLearning nouvelle version est organisé autour de 18 “pratiques professionnelles” (L’Oréal culture, management, commerce, marketing, R & D, etc.), revues pour l’offre en ligne comme pour l’offre présentielle et conçues pour anticiper l’évolution des compétences. Pour faire du buzz autour du portail, l’équipe learning le pilote comme un site marchand. Sur la page d’accueil, la mise en avant de produits stars, liés à l’actualité interne. Illustration avec la journée de l’éthique, qui a donné lieu à des chats avec le Pdg, Jean-Paul Agon, sur différents fuseaux horaires, à des préconisations de lectures et à un module d’e-learning. Des événements également relayés sur le réseau social.

Dans le palmarès des ressources les plus “consommées”, les programmes de présentation du groupe, mais aussi les archives de Harvard business review, qui séduisent 800 utilisateurs réguliers. « On aurait pu penser qu’elles seraient surtout destinées aux 250 cadres dirigeants, la cible est en fait bien plus large, se réjouit Laurent Reich. Au début, certaines personnes étaient tentées par un cloisonnement des ressources par métier ou statut. Or c’est le partage des ressources qui crée de la valeur, pas la rétention. Et la gestion des cloisons prend beaucoup de temps aux responsables formation, au détriment de la promotion et de l’animation de l’offre de formation. » D’où le choix d’un accès libre par tous aux 4 000 ressources de MyLearning, en accord avec les engagements RH du groupe.

Autres objections entendues : « C’est de l’information, mais pas vraiment de la formation », « comment être sûr de la qualité de toutes les ressources ? »… « Quand les collaborateurs ont une question, ils vont sur Google, répond Laurent Reich. Soit on les laisse chercher seuls, soit on leur facilite la tâche en mettant à leur disposition de nombreux contenus, qui contribuent à les développer. Quant à la qualité, il est impossible de tout vérifier, mais les salariés font la sélection eux-mêmes. »

Notation par les salariés

Les utilisateurs peuvent noter chaque contenu (de 1 à 5 étoiles), le recommander à un collègue, laisser un commentaire. En entrant un mot-clé, le moteur de recherche indique les ressources disponibles (vidéos, conférences TED, lectures, modules e-learning…) et le temps nécessaire pour chacune d’elles. Les premiers retours sont positifs : ceux qui consomment reviennent sur le portail. Fin 2013, L’Oréal comptabilisait 41 000 heures de formation sur MyLearning, contre 25 000 heures un an plus tôt, avec un taux de pénétration au niveau monde qui a grimpé de 16 % à 44 %.

« Parallèlement, le volume de formations présentielles (près d’un million d’heures) doit continuer à croître, même si la part de l’apprentissage en ligne devrait fortement progresser, souligne Sylvie Dangelser. Dans le cadre du projet CSR (terme anglais pour RSE, NDLR) “sharing beauty with all”, le groupe s’est engagé à ce que 100 % de ses collaborateurs accèdent à la formation à l’horizon 2020. »

Actuellement, le géant de la beauté songe aussi à ouvrir l’accès de ses contenus numériques à son écosystème, en mettant notamment ses modules “produits” à la disposition de ses partenaires de la distri­bution.

L’ESSENTIEL

1 Le portail MyLearning propose de multiples modules d’autoformation à tous les salariés, sans cloisonnement par métier ou statut.

2 La nouvelle offre est interactive, éditorialisée, accessible sur de nombreux supports.

3 L’objectif est de favoriser l’universalisation du savoir et la formation en continu, sans réduire le volume ni le budget du présentiel.

Faciliter le multi-apprentissage

« Il faut rendre les contenus accessibles à partir de n’importe quel appareil ou support, notamment les tablettes et demain des outils similaires aux GoogleGlass, estime Michel Thirapounnho, de CrossKnowledge. Nous travaillons sur la perméabilité entre MyLearning, les intranets et le réseau social, en mettant au point des interactions qui proposent systématiquement les ressources d’apprentissage les plus pertinentes.

À côté de sa fiche d’entretien annuel, par exemple, le collaborateur pourra cliquer sur un module de formation adapté. »

Autre piste : orienter les salariés en ligne vers certains contenus, en plus de l’offre présentielle. « Nous agrégeons les contenus considérés comme importants pour un métier et incitons les salariés à les utiliser, indique Laurent Reich, directeur pédagogie de L’Oréal. Un chef de produit junior gagnera en efficacité lors de son intégration dans le groupe en décodant la culture L’Oréal plus rapidement et en se formant aux “essentiels” de son métier. » « La plupart des grands groupes ont réussi leur digitalisation dans leurs relations avec le marché, mais pas encore en interne, constate Michel Thirapounnho. L’Oréal est l’exemple le plus avancé dans le concept du continuous learning, qui vise à définir la stratégie d’apprentissage comme un processus dynamique et continu, accessible à n’importe quel moment sur n’importe quel support et n’importe où dans le monde. »

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE