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Enquête

LES PROMESSES ET LES LIMITES DE L’INTELLIGENCE ÉMOTIONNELLE

Enquête | publié le : 08.04.2014 | G. L. N.

Popularisée par Daniel Goleman, l’intelligence émotionnelle suscite l’intérêt du monde de la gestion depuis près de vingt ans. Mais sa définition, les méthodes d’analyse, le lien avec la performance ou son opérationnalité en entreprise restent sujets aux critiques.

L’idée selon laquelle l’intelligence va bien au-delà des capacités cognitives traditionnellement valorisées par le système scolaire remonte aux années 1920 et 1940. Mais le modèle de l’intelligence émotionnelle (IE) apparaît dans les années 1990. Deux psycholo­gues américains, Peter Savoley et John Mayer, forgent cette expression. Pour, eux, l’IE se situe à l’intersection des cognitions et des émotions, permettant de traiter des informations d’une nature émotionnelle et d’établir un lien avec la cognition générale. Cette capacité variant selon les individus.

En 1995, Daniel Goleman, psychologue et journaliste, publie L’Intelligence émotionnelle et popularise cette notion dans le monde entier, en particulier dans les sphères de la gestion, en affirmant des liens entre l’IE et la performance d’une organisation. Il considère que l’IE est un meilleur indicateur de performance à venir que le QI, qu’elle est associée au succès personnel, qu’elle peut s’apprendre. Elle se compose de cinq facteurs : la conscience de soi, la maîtrise de soi, la motivation, l’empathie et les aptitudes sociales. Eux-mêmes se déclinent en 25 compétences.

Cette publication, ainsi que toutes celles qui continuent de se succéder sur la psychologie des organisations et les compétences comportementales ou l’usage des émotions, intervient alors que s’épuise le modèle du gestionnaire rationnel et du management fondé sur une logique exclusivement cognitive. L’affectivité y est perçue comme une menace pour la performance de l’organisation. Ces dernières années, de nombreux travaux ont montré au contraire qu’un strict dualisme émotion-cognition n’est pas pertinent, et que de nombreuses décisions dans une organisation sont liées à des jugements où les émotions – colère, joie, peur, honte – tiennent une place importante. Par ailleurs, les travaux du neurologiste Antonio Damasio démontrent dans les années 1990 la nécessité de mobiliser certaines zones du cerveau où est gérée l’affectivité pour accomplir des actions logiques.

Des aptitudes non cognitives

En 1997, Bar-On, un chercheur américain et israélien, établit son modèle de l’IE, qu’il définit comme un ensemble d’aptitudes non cognitives qui permet à un individu de mieux réussir en s’adaptant aux exigences de son environnement. Elle s’organise en 5 composantes et 15 sous- dimensions : intrapersonnel (conscience de soi-même, autoritarisme, indépendance et actualisation émotive) ; interpersonnel (empathie, responsabilité sociale et rapport interpersonnel); contrôle du stress (tolérance d’effort et commande d’impulsion); adaptabilité (essai de réalité, flexibilité et résolution des problèmes) ; équilibre général d’humeur (optimisme et bonheur). Mais surtout, il met au point une des premières mesures de l’IE, sous le nom de “quotient émotionnel”, outil utilisé aujourd’hui dans certaines formations.

Il reste que le concept d’IE n’échappe pas à la critique. Notamment, l’affirmation de Goleman selon laquelle elle garantit la performance au travail apparaît audacieuse. Certaines études vont dans ce sens, mais sur des populations restreintes (étudiants et non-salariés pour Lam et Kirby en 2002 ; quelques dizaines d’employés de services publics pour Elfenbein et Ambady 2002). D’autres études ont au contraire suggéré l’absence de lien (Newsome, 2000).

Traits de personnalité

Enfin, certains aspects de l’IE vue par Daniel Goleman se rapprochent de traits de la personnalité, laquelle tient en grande partie à des facteurs biologiques, génétiques ou liés à la petite enfance. Même si les études admettent une certaine plasticité, la question se pose de savoir jusqu’où certains de ces traits (motivation, résilience, optimisme…) peuvent être modifiés par l’apprentissage. Si c’est le cas, l’approche réclame des processus complexes et de longue durée, un travail personnel en profondeur, peu compatible avec des formations courtes. Ce qui suppose, pour une DRH ou un service de formation, le recours à des méthodes ambitieuses, peu industrialisables, et lourdes à gérer.

Auteur

  • G. L. N.