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Enquête

DES PARCOURS EXPÉRIENTIELS POUR L’ENCADREMENT

Enquête | publié le : 08.04.2014 | N. L.

Près de 3 300 managers de la division Courrier ont été formés avec des pédagogies “expérientielles”. Les premiers visés sont les managers de proximité, récompensés par un label à l’issue de leur parcours.

Fin 2008, La Poste lance le projet Encadrant, destiné à transformer les pratiques managériales, et crée à cette occasion le programme École des managers, adossé à l’Université du courrier. Première originalité: ce sont les managers de proximité qui vont d’abord suivre les nouveaux parcours de formation.

« Il s’agit de contribuer à la réussite de la stratégie du Courrier grâce à une plus grande efficacité individuelle et collective de la ligne managériale, explique Marie-Françoise Prévost, directrice du programme École des managers. Nous avons défini de grands principes : le manager doit être moteur de son développement, partager son vécu et se confronter à d’autres, expérimenter, admettre le droit à l’erreur et rechercher une vision globale pour appréhender un environnement complexe. »

Un changement de logique

À partir de 2009, chaque année, près d’un millier de managers suivent un cursus de 10 à 13 jours pendant six mois, à raison de 2 jours par mois en moyenne, centré sur les pédagogies “expérientielles”. Dans des salles de formation où les tables sont en option et les chaises identiques pour les stagiaires et l’animateur, chaque manager est invité à exposer un problème, sans être interrompu. Que faire, par exemple, avec un collaborateur qui envoie des mails tout le temps, ce qui perturbe le service ? Les autres managers posent ensuite des questions, l’animateur et les pairs invitent à reformuler le problème et des pistes émergent sans qu’aucune solution soit imposée. « Travailler sur les émotions est un bon levier, les stagiaires ouvrent leur esprit au champ des possibles, sortent d’une logique purement rationnelle autour des réflexes “y’a qu’à, faut qu’on”, estime Marie-Françoise Prévost. C’est plus efficace que d’écouter des “sachants” dans un format académique. »

« Partager ses émotions, son vécu, permet de se sentir soutenu, de rompre la solitude du quotidien, ajoute Simon Mallard, doctorant chercheur en sciences de l’éducation, qui travaille depuis deux ans sur la place et le rôle des dimensions socioaffectives et émotionnelles en formation chez les managers de La Poste. L’étape de verbalisation est nécessaire pour capitaliser et tirer des enseignements, un exercice facilité par le travail de médiation du formateur. L’hybridation des lieux, des méthodes et des formats d’apprentissage, du grand séminaire à la séquence individuelle, semble pertinente. »

Implication hiérarchique

De fait, l’alternance des mises en situation, des jeux pédagogiques, de l’e-learning, et leur imbrication, amènent les stagiaires à transformer leurs représentations. Chaque manager de proximité a un tuteur: son n + 1. « Ce parti pris peut sembler antipédagogique, relève Marie-Françoise Prévost, mais il établit un lien avec les situations réelles, permet de plancher sur un projet opérationnel et d’impliquer régulièrement le supérieur hiérarchique dans la formation, ce qui démultiplie ses effets. » Au final, chaque parcours fait l’objet d’une soutenance de projet devant un jury composé de pairs et de n + 1, avec la remise du label École des managers pour valoriser les lauréats et leurs réalisations et populariser la démarche, et une reconnaissance externe (certificat de compétence professionnelle). Certains suivent des sessions inter-entreprises, avec un diplôme à la clé pour la plupart (environ un quart des 3 300 managers formés depuis 2009, sur un total de 10 000 managers). En 2011, deux ans après le début du programme, les directeurs d’établissement sont à leur tour formés, dans un contexte de fortes évolutions : réduction sensible du nombre d’établissements, accroissement de la taille des équipes, prises de décision plus décentralisées et transformation des métiers du courrier sous l’effet de la dématérialisation croissante.

« Le programme École des managers est un cursus de longue haleine, qui a permis à plus de 70 % des managers formés de changer de fonction et de contribuer à la progression continue de la qualité de service », précise Marie-Françoise Prévost.

Favoriser l’écoute

Pour Guy Fiorina, représentant CFDT qui travaille au pôle d’ingénierie formation de l’Université du courrier, « le grand mérite de ce programme est de favoriser l’écoute en insistant sur les pédagogies expérientielles, d’impliquer les managers des stagiaires de manière pragmatique, avec des débriefings et des travaux d’intersessions, et de s’inscrire dans une démarche certifiante. Pour autant, les managers sont bousculés par les réorganisations, pris par les tâches de reporting, ont souvent peu de marges de manœuvre et manquent de visibilité. D’où une réelle difficulté à s’investir davantage dans le développement des compétences des collaborateurs, donc à mettre en pratique les enseignements de la formation. » Pour prolonger et amplifier les effets du programme, une plate-forme collaborative permet aux managers formés de continuer à correspondre avec leurs pairs et leurs formateurs.

Depuis mai 2013, trois séminaires thématiques d’une journée ont aussi été proposés à une centaine de managers de managers: L’art de décider, Leadership et performance collective et Le management à distance. « Près de 70 % des managers se réinscrivent d’une fois sur l’autre, 95 % pensent que ces journées sont utiles dans leur quotidien, se réjouit Marie-Françoise Prévost. Les émotions en grands groupes déplacent les foules; elles transforment les représentations des managers d’une manière inédite en formation. »

LA POSTE BRANCHE COURRIER

• Implantations : 750 établissements.

• Effectif : 150 000 agents et salariés.

• Chiffre d’affaires : 11,1 milliards d’euros en 2013.

Auteur

  • N. L.