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Enquête

600 MANAGERS (É) MUS PAR LE CODÉVELOPPEMENT

Enquête | publié le : 08.04.2014 | G. L. N.

La mutuelle MMA réunit depuis six ans des petits groupes de managers autour d’un coach. Une démarche patiente qui profite au collectif et s’étend désormais à l’ensemble de la société mère Covea.

« Aujourd’hui, je suis sensible aux signaux faibles, y compris les miens. Et je sais que j’agis de façon moins anxiogène pour mes collaborateurs » : Maurice Julliard est convaincu des apports du codéveloppement. Directeur des réseaux spécialisés de MMA, gérant 300 collaborateurs et courtiers et une dizaine de milliards d’euros d’encours, il fait partie des quelque 600 managers du groupe Covea qui en ont bénéficié.

75 % de ces initiés proviennent de la filiale mancelle qui compte environ 980 managers et où la démarche a été lancée il y a six ans. Certains disent même être capables de se reconnaître en tant que pairs lors d’une présentation ou d’une réunion, par leur qualité d’écoute ou de questionnement. Le codéveloppement est une sorte d’institution dans la culture du management de MMA. Bernard Lévêque, directeur du développement de l’intelligence collective, a démarré dès 2008 ce programme de rencontres régulières d’une demi-douzaine de managers, animées par un coach certifié.

Les émotions réhabilitées

« Nous avons réhabilité les émotions dans le champ professionnel, explique-t-il. Les entreprises s’en étaient expurgées, mais on sait aujourd’hui que se priver des informations émotionnelles au profit des seules informations cognitives est contre-productif pour l’organisation. Dans ces rencontres, des salariés osent afficher leurs émotions, se dire incompétents sur tel ou tel point, faire part d’un inconfort dans leur situation professionnelle ou leur relation avec leurs collaborateurs. »

Les ateliers de codéveloppement rassemblent des collaborateurs d’horizons divers qui échangent sur leur vécu dans l’entreprise. « C’est une parenthèse qui autorise à réfléchir sur ses pratiques, ses convictions, explique Maurice Julliard. On y apporte des situations managériales et relationnelles, des sentiments et, de ce fait, on ouvre la porte à l’émotion. Et le groupe réagit en questionnant, en recentrant, en confrontant des points de vue – chacun s’interdisant de donner des conseils – mais avec une bienveillance dépourvue de jugement. Et, en définitive, en insufflant une forme d’optimisme lié à ce climat d’écoute. » Les groupes se réunissent chaque mois, durant neuf mois à un an. « Beaucoup ont continué ensuite en autonomie, les managers étant capables d’animer et de débriefer les réunions », précise Bernard Lévêque.

Un changement de paradigme

Un tel changement de paradigme ne va pas de soi : les salariés pourraient considérer que les émotions appartiennent à la sphère privée. Les organisateurs ont su rassurer les troupes, en commençant par le sommet. À l’origine, le dispositif, présenté en CHSCT, a démarré avec des cadres supérieurs qui, rapidement, ont considéré qu’il pourrait améliorer le fonctionnement de l’entreprise. Il s’agit moins de développement personnel que d’une démarche à visée collective, selon celui dont la mission est d’« améliorer la qualité relationnelle dans l’entreprise ». Des évolutions aussi immatérielles restent difficiles à mesurer. Et Covea ne demande pas un ROI du programme à Bernard Levêque, lequel considère qu’une mesure des résultats par les outils cognitifs serait impropre, écrasant le caractère individuel des apports. En revanche, il a enregistré « six ans de témoignages positifs de managers ayant bénéficié du codéveloppement ». Par ailleurs, un professeur de l’Essec encadre en ce moment une enquête sur le niveau d’engagement des cadres de MMA en comparant deux cohortes de managers, dont une constituée de cadres qui ont suivi ce parcours.

Démarche volontaire

Pour Maurice Julliard, en tout cas, ce programme a été un atout déterminant dans la performance de ses équipes. Il y a sensibilisé ses n - 1 qui, à 80 %, se sont inscrits dans cette démarche volontaire. Depuis trois ans, ses équipes font beaucoup mieux que le marché. « Cela tient notamment à la manière dont nous avons construit de la confiance entre nous, assure-t-il. Cette démarche structure le collectif. »

Une conviction qu’Éric Garreau, DSC CFDT de MMA, n’est pas loin de partager : « Le codéveloppement aide les managers et peut insuffler de la dynamique dans l’entreprise, même si trop peu d’entre eux se sont engagés dans le programme pour que ses effets soient significatifs sur l’entreprise. » Bernard Lévêque assume le déploiement patient d’une démarche longue exigeant un fort investissement : « Les bénéfices du codéveloppement se diffusent par capillarité dans l’entreprise, et il n’est pas souhaitable de progresser plus vite, au risque d’aller vers une logique d’instrumentalisation. Tomber le masque dans le milieu professionnel n’est pas anodin. »

COVEA (MAAF, MMA, GMF)

• Activité : assurance.

• Effectifs : 21 000 salariés en France (6 600 à MMA).

• Chiffre d’affaires : 15,5 milliards d’euros en 2013.

Auteur

  • G. L. N.