logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enjeux

Lettre de licenciement remise par un tiers : que risque l’employeur ?

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 08.04.2014 | Sophie Binder

Image

Lettre de licenciement remise par un tiers : que risque l’employeur ?

Crédit photo Sophie Binder

En ces temps où le formalisme imposé aux employeurs dans la gestion des ressources humaines, et précisément concernant les licenciements, peut apparaître suffoquant, la Cour de cassation a semblé récemment leur offrir une légère respiration en jugeant qu’une lettre de licenciement remise par un tiers n’invalidait pas celui-ci sur le fond.

La décision est inédite. Elle soulève néanmoins quelques interrogations.

Dans cette affaire, le salarié licencié pour inaptitude s’était vu remettre sa lettre de licenciement par un tiers non habilité à le licencier. En l’occurrence, l’employeur avait signé la lettre de licenciement, mais demandé au conseiller du salarié ayant assisté ce dernier lors de l’entretien préalable, une personne étrangère à l’entreprise, de la lui remettre en main propre.

Ne contestant pas la motivation même de son licenciement, le salarié soutenait en revanche que, faute de lui avoir été notifié par l’employeur lui-même, son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel de Bordeaux lui donna raison, au motif que la notification irrégulière du licenciement invalidait celui-ci.

Il faudra pour l’employeur attendre la position novatrice de la Cour de cassation, qui, dans un arrêt du 23 octobre 2013, censurera la cour d’appel et réduira cette question à une irrégularité de forme n’entachant pas la validité du licenciement ainsi entrepris.

Une victoire, non ; un soulagement, certainement. La Cour de cassation a rappelé à cette occasion que la forme de la notification par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, telle que prescrite par l’article L. 1232-6 du Code du travail, n’est qu’un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement. En d’autres termes, il s’agit là d’un moyen de preuve.

Ainsi, il est admis par les tribunaux que la notification d’un licenciement peut se faire par remise en main propre, sans qu’aucune irrégularité de forme ne puisse être constatée à l’encontre de l’employeur, à charge pour ce dernier de démontrer la réalité de la notification ; une remise contre décharge apparaissant la plus probante.

L’innovation de l’arrêt est ailleurs. Elle tient en ce que cette affaire posait la question de l’auteur de la notification.

La notification du licenciement, ou l’information officielle du licenciement, est à la fois un élément substantiel de la procédure mais également la matérialisation légale de l’expression du licenciement.

La question méritait donc d’être posée. L’employeur pouvait-il valablement déléguer à un tiers la mission de remettre la lettre de licenciement ?

Autrement dit, le tiers ainsi mandaté était-il, dans ce rôle, un simple messager de l’employeur ou bien l’auteur même de la notification, alors qu’il n’était, en l’occurrence, aucunement habilité à procéder au licenciement ?

La Cour de cassation apporte une double réponse : s’il y a bien irrégularité, celle-ci n’est que de forme.

Le procédé n’est donc pas validé. Le tiers n’est pas légitime à notifier le licenciement en lieu et place de l’employeur, ce qui n’entache certes pas le licenciement mais le rend irrégulier en la forme et ouvre au salarié une indemnisation légale à ce titre.

La position adoptée par la Cour de cassation soulève néanmoins quelques questions.

En l’occurrence, le tiers n’était pas habilité à licencier. La procédure aurait-elle pu être jugée régulière s’il en avait reçu pouvoir par l’employeur ? En d’autres termes, comment concilier l’auteur du licenciement et l’auteur de la notification ?

Pour l’heure, cet arrêt sera accueilli avec intérêt par certaines entreprises étrangères et leurs mandataires, souvent contraints de procéder, pour le compte de l’employeur étranger signataire de la lettre de licenciement, à son envoi ou à sa remise au salarié, faute pour ces entreprises d’avoir une domiciliation ou présence en France.

Les voici fixées, le temps d’une jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, sur l’irrégularité que présente cette pratique, laquelle relève pourtant, sous un certain angle, de la simple administration courante.

Auteur

  • Sophie Binder