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Le secteur de la propreté progresse sur le travail en journée

Pratiques | publié le : 01.04.2014 | CATHERINE DE COPPET

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Le secteur de la propreté progresse sur le travail en journée

Crédit photo CATHERINE DE COPPET

Depuis qu’une partie des entreprises du secteur de la propreté se sont mobilisées en faveur du “travail en continu”, de plus en plus de leurs salariés échappent au travail morcelé et aux horaires décalés tard le soir ou tôt le matin. Une démarche synonyme de progrès social, dans laquelle entreprises de propreté et donneurs d’ordre se retrouvent.

Le principe est simple : faire travailler les salariés en horaire de journée (7 heures-19 heures) en enchaînant les heures de travail, si possible sur un même site ou dans une même zone géographique. Lancée en 2007 par la FEP Ouest (Fédérations des entreprises de propetés des Pays de la Loire, de Bretagne et de Basse-Normandie), la réflexion a abouti en 2009 à la Charte pour le développement des prestations de propreté en journée. D’abord développée sur Nantes (lire Entreprise & Carrières n° 1096 et 1061) en s’appuyant sur la maison de l’emploi de la métropole, la démar­che est en cours d’extension sur plusieurs autres territoires. « À Rennes, la métropole s’est aussi engagée dans le mouvement depuis 2011, la réflexion est bien avancée sur Caen et en projet à Brest », explique Bruno Coeurdray, président de la FEP Ouest. En tout, 130 entreprises de propreté et donneurs d’ordre sont actuellement signataires en Pays de la Loire, 80 en Bretagne. Des chiffres modestes, mais qui n’entament pas la mobilisation des plus impliqués, qui souhaitent une diffusion toujours plus large de ces pratiques. « Notre objectif est de convaincre les chambres régionales de la FEP, pour que le travail en journée puisse être mis en place dans toute la France », souligne-t-il.

Au-delà de cette intervention auprès des entreprises de propreté, le développement de la démarche devrait s’appuyer sur la mobilisation des donneurs d’ordre publics. Depuis le 6 novembre dernier, une circulaire oblige de fait les ministères à recourir au travail en journée pour les prestations de nettoyage. Un texte qui reprend les intentions d’une première circulaire publiée en 2007, mais qui n’avait pas été suivie d’effets. Le nouveau texte propose un objectif chiffré : d’ici à 2015, 50 % des sites de chaque département ministériel devront être concernés par le travail en journée et 20 % des prestations de nettoyage devront être réalisées en journée, avec un objectif final pour 2017 porté à respectivement 60 % et 30 %. « C’est un argument de plus pour nous », souligne Bruno Coeurdray. « Mais il est bien trop tôt pour en ressentir les effets », complète Michel Gomes, Pdg de Serviclean qui emploie quelque 650 salariés en Ile-de-France.

Construire une relation de confiance

Parmi les freins à la mise en place de cette nouvelle organisation du travail, la réticence des différentes parties prenantes. À commencer par les agents de nettoyage eux-mêmes. « Les salariés les plus anciens ont beaucoup de mal à adhérer », témoigne Yannick Jolly, secrétaire général du Sepan-CGT 44, signataire de la charte : « Cela bouscule leur organisation, ils ont souvent des jobs d’appoint dans la journée, sont habitués aux sites dans lesquels ils travaillent ». Une relation de confiance doit donc être établie. « J’ai reçu les salariés au cas par cas », témoigne Stéphanie Pauzat, à la tête de Mil Éclair près de Caen, dont 70 % de l’effectif travaille en journée.

C’est le même esprit d’accompagnement qui a présidé chez Danone, qui a souhaité dès 2009 expérimenter le travail en journée, en commençant par le siège de Danone Produits Frais France, soit 21 000 m2 de bureaux situés à Saint-Ouen (93) : « Nous avons mis en place étage par étage des “ambassadeurs” parmi nos salariés, chargés de faire le lien entre l’agent de nettoyage et les autres salariés, explique Manuel Martins, directeur adjoint des moyens généraux pour le groupe en France. Il a fallu également reclasser certains agents sur d’autres sites afin de permettre les plages de travail en continu. » En tout, le passage au travail en journée a pris environ six mois, avec à la clé pour les salariés du nettoyage un contrat avec un employeur unique, et des horaires de travail concentrés entre 6 heures et 14 heures. Une évolution qui a enclenché un cercle vertueux pour certains, qui ont entamé à la suite des formations qualifiantes.

Pour Danone, cette démarche s’inscrit pleinement dans la RSE, en s’appuyant sur des indicateurs précis. Ainsi, pour les sites d’Ile-de-France, le taux d’absentéisme des agents de nettoyage est passé de 5 % à moins de 1 %, 100 % d’entre eux travaillent en CDI, 90 % en continu et 76 % sont à temps complet, les accidents du travail ont été nuls en 2011, et le temps de transport a été réduit de 50 %. Des résultats en adéqua­tion avec l’aspect environnemental : « La consommation électrique a diminué de 33 % en raison d’une baisse des besoins d’éclairage, et les rejets de CO2 sur les trajets domicile-travail ont été divisés par deux », explique Manuel Martins. « Chez le premier client qui a accepté de s’engager dans la démarche, l’absentéisme a diminué de 40 % en un an, confirme Michel Gomes, de Serviclean. J’ai par ailleurs beaucoup plus de salariés à temps plein que d’autres entreprises qui font le même chiffre d’affaires. »

Y compris lorsque les donneurs d’ordre sont convaincus de la démarche, certaines réticences peuvent survenir, notamment vis-à-vis de la gêne occasionnée dans les espaces de travail par le nettoyage en journée : bruit d’aspiration, dérangement lors des réunions, etc. « Ces freins sont assez faciles à lever, souligne Manuel Martins. Tout ce qui est bruyant est effectué le matin, et l’ordre du nettoyage est organisé en fonction de l’occupation des locaux, que nous avons analysée de façon très précise en faisant appel à des stagiaires en ergonomie. »

Le centre culinaire contemporain, plate-forme d’innovation alimentaire située à Rennes, a été conçu pour permettre une aspiration centralisée, où seuls les tuyaux doivent être déplacés. « C’était un choix assumé dès le départ, témoigne son président Freddy Thiburce. Par ailleurs, nous avons intégré à temps plein sur le site un salarié de notre prestataire de propreté, qui planifie chaque jour les tâches de nettoyage en fonction de l’occupation des locaux. » Une organisation qui, selon le Pdg, n’a pas augmenté les coûts et a permis une meilleure efficacité du nettoyage des locaux. La réussite de la démarche dépend donc d’une construction de la prestation avec les donneurs d’ordre, en fonction de leurs contraintes. Contraintes qui sont évidemment plus fortes sur des sites de production que sur des sites dédiés aux activités tertiaires.

Du côté des entreprises de nettoyage, le passage au travail en journée s’accompagne souvent de la mise en place de formations pour les agents. « Nous avons prévu une formation de deux heures aux attitudes de travail », souligne Stéphanie Pauzat. Une nécessité pour des salariés habitués à travailler dans l’ombre.

Davantage de respect

Au final, l’enjeu le plus fort est sans doute celui de la reconnaissance du travail accompli. « La qualité de la prestation est perçue dès lors que le nettoyage est réalisé sous les yeux des salariés », souligne Manuel Martins. « Les mentalités évoluent, renchérit Yannick Jolly de la CGT. La démarche oblige tout le monde à plus de respect, les salariés ne salissent plus les lieux de la même façon. Nous aimerions pour notre part que le travail en journée soit à terme inscrit dans la convention collective de bran­che. » Selon la FEP Ouest, de plus en plus d’organisations syndicales signent la charte. Un signe de progrès.

Une charte pour promouvoir le travail en continu

Le texte élaboré par la FEP Ouest prévoit la promotion et la mise en œuvre « d’une organisation favorisant le temps de travail en continu des agents de la propreté ainsi que la réalisation de la prestation sur la journée ». Un engagement qui s’appuie sur cinq principes : la concertation et la transparence, la recherche de propositions satisfaisant l’ensemble des acteurs concernés, la mise en place progressive des changements d’organisation, le suivi et l’évaluation des résultats, et la communication sur l’action afin d’élargir la démarche.

Par ailleurs, la FEP a annoncé, le 13 mars dernier, la conclusion d’un accord sur le temps partiel avec la CGT (lire Entreprise & Carrières n° 1184). Un texte qui affirme notamment la volonté des partenaires sociaux de la branche d’élaborer des chartes partenariales pour développer le travail en journée et augmenter la durée du travail des salariés.

L’ESSENTIEL

1 De plus en plus d’entreprises de propreté, mais aussi des donneurs d’ordres, adhèrent à la charte pour le travail en journée dans le secteur de la propreté, élaborée en 2009.

2 Une circulaire du 6 novembre 2013 oblige les ministères à recourir au travail en journée pour les prestations de nettoyage, avec des objectifs chiffrés.

3 Synonyme de progrès social et d’une meilleure rentabilité à tous les niveaux, le travail en journée nécessite un accompagnement des donneurs d’ordre comme des salariés de la propreté eux-mêmes.

Auteur

  • CATHERINE DE COPPET