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LA DEUXIÈME JEUNESSE DES LABELS

Pratiques | publié le : 01.04.2014 | EMMANUEL FRANCK

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LA DEUXIÈME JEUNESSE DES LABELS

Crédit photo EMMANUEL FRANCK

Le label égalité et le label Diversité constituaient, lorsqu’ils ont été créés en 2004 et 2008, de véritables innovations dans la lutte contre les discriminations. Ils sont aujourd’hui appréciés des entreprises labélisées et soutenus par les pouvoirs publics. Ces derniers souhaitent leur donner une nouvelle impulsion, car peu d’organisations se sont engagées.

Pour leurs cinq ans et leurs dix ans respectifs, les labels Diversité et Égalité vont bénéficier d’un plan de relance du gouvernement. Une bonne nouvelle pour la cause de la lutte contre les discriminations et pour celle de l’égalité hommes-femmes. Une occasion de se réjouir également pour toutes les directions RH d’entreprises et d’organisations qui ont beaucoup investi pour obtenir ces distinctions - les seules qui appartiennent à l’État délivrées par l’Afnor : 306 sont aujourd’hui titulaires du label Diversité, 58 du label Égalité. Une bonne nouvelle enfin pour l’ANDRH et pour l’association Arborus, inventeures respectives des deux labels, et qui, chacune, animent un club des labélisés.

Le Premier ministre a en effet annoncé, le 11 février 2014, que le gouvernement allait « donner un nouveau souffle au label Diversité » dans le cadre de sa politique d’« égalité républicaine et d’intégration ». Il s’agira notamment de faire un bilan de l’impact du label et de le généraliser dans les administrations.

De nouveaux cahiers des charges

De son côté, le label Égalité devrait bénéficier d’un léger lifting et d’une petite relance. Au mois d’avril devrait s’ouvrir le chantier de sa réforme, sous l’égide du ministère des Droits des femmes. Programme indicatif : bilan du label, adaptation de son cahier des charges aux nouvelles priorités du gouvernement (articulation des temps de vie, lutte contre les stéréotypes), harmonisation avec son homologue de la Diversité. Les cahiers des charges des deux labels sont en effet parfois redondants et les méthodes de décompte des organismes labélisés diffèrent. Dès lors, l’objectif est de rapprocher le label Égalité du label Diversité, fait-on savoir au ministère. Le 8 avril, l’ANDRH organisera une table ronde sur ce sujet, lors d’un colloque auquel participera la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. Mais les deux labels ne fusionneraient pas, indique Thierry Geoffroy, de l’Afnor (lire l’interview p. 27). Par ailleurs, le label Égalité devrait bénéficier d’un peu plus de visibilité lorsque la ministre ouvrira, en juin, l’événement consacré à son dixième anniversaire.

L’intérêt de l’actuel gouvernement pour ces deux outils créés sous de précédentes majorités n’avait rien d’évident au départ. « Il y a eu un petit flottement au moment du changement de majorité, mais les deux labels sont aujourd’hui clairement identifiés par le gouvernement », se réjouit Aline Crépin, co-animatrice de la commission égalité et diversité de l’ANDRH, par ailleurs directrice de la RSE du groupe Randstad. Il faut dire que le label Diversité n’était pas totalement inconnu de Jean-Marc Ayrault, qui fut à l’initiative de la demande de labélisation de Nantes, lorsqu’il en était maire (lire p. 23).

Le label Égalité ne dispose pas des mêmes relais, néanmoins « les pouvoirs publics portent les dix ans du label », constate Cristina Lunghi, porte-parole du Club du label Égalité et fondatrice de l’association Arborus.

Des outils uniques en Europe

Il faut dire, surtout, que les deux labels ont su, en démontrant leur utilité, se faire une place parmi les différents outils de lutte contre les discriminations. Ils occupent un espace, jusqu’à présent vacant, au confluent de l’engagement d’entreprise, du contrôle de légalité et du dialogue social, ce qui en fait des outils sans doute uniques en Europe. « Ils permettent un engagement des entreprises sous le regard d’un organisme extérieur, explique Aline Crépin. Cela les distingue des chartes et des labels professionnels, mais aussi des lois et des autorités de contrôle comme le Défenseur des droits, qui sont dans le registre de la contrainte. »

L’originalité des labels est de valoriser l’engagement d’entreprises afin de créer un effet d’entraînement des autres vers l’objectif légal d’égalité au travail. Ce qui satisfait à la fois les pouvoirs publics et les entreprises, telle Norsys, qui compte sur ses deux labels pour se démarquer de ses concurrents, attirer et conserver ses talents (lire p. 25).

« À l’origine du label Égalité, rappelle Cristina Lunghi, se croisent une demande émanant des entreprises, qui souhaitent disposer d’une méthode pour réaliser l’égalité femmes-hommes, et une demande du politique, qui veut faire appliquer la loi. » Les deux commissions de labélisation accueillent ainsi des représentants de l’État et des organisations syndicales et patronales, ainsi que, dans le cas du label Diversité, des membres de l’ANDRH. Les deux labels ont cependant des approches différentes (lire l’encadré p. 22).

Après cinq et dix ans d’existence, l’enjeu principal est maintenant d’attirer de nouvelles entreprises ainsi que la fonction publique. Car, pour l’heure, les labels Diversité et Égalité ne couvrent respectivement qu’un million et 850 000 salariés.

Généralisation dans les administrations

Dans sa feuille de route du 11 février, le Premier ministre promet de « généraliser le label Diversité dans les administrations ». Dans le secteur privé, les marges de progression se trouvent du côté des PME. « Beaucoup d’entre elles ne s’intéressent à la diversité que depuis peu, elles viendront peut-être au label plus tard », analyse Aline Crépin. « Nous allons rendre le cahier des charges du label Égalité plus ergonomique pour les PME », promet, de son côté, Cristina Lunghi. Bizarrement, peu d’entreprises du CAC 40 sont distinguées sur l’égalité. « Beaucoup viennent de l’industrie et ne sont pas très bonnes dans la mixité, justifie Cristina Lunghi. De plus, répondant à une injonction politique, nombreuses sont celles qui ont déjà obtenu le label Diversité à l’époque de Nicolas Sarkozy. »

Qu’ont apporté ces deux labels dans la lutte contre les discriminations ? « La plupart des entreprises labélisées égalité sont parvenues à l’égalité salariale et ont beaucoup progressé dans la mixité de l’encadrement », relève Cristina Lunghi.

Pour Aline Crépin, « le label Diversité a démontré, en cinq ans d’existence, qu’il était possible pour les entreprises de mettre en place des choses simples, à condition d’en avoir la volonté et de se structurer pour cela ».

Mais le point le plus positif du bilan réside peut-être dans le fait que la crise économique n’a eu qu’un impact marginal sur les labélisations, signe que cette distinction est jugée importante même en période difficile. SFD, distributeur des produits de SFR, a ainsi conservé son label Égalité alors même que le maintien de l’emploi est devenu sa priorité (lire p. 26).

« Les entreprises labélisées depuis 2004 le sont toujours, note Cristina Lunghi. Certaines en sont à leur quatrième renouvellement. Si cela ne leur était pas utile, elles ne le feraient pas. »

« Les entreprises qui sont la bélisées Diversité ont conservé cette priorité, constate Aline Crépin. S’il est arrivé que certaines soient « délabélisées », c’est en général en raison d’une fusion. En revanche, la crise économique a pu retarder des projets de labélisation. »

L’ESSENTIEL

1 Les labels Diversité et égalité ont l’originalité de représenter une démarche d’engagement volontaire des entreprises sous le contrôle d’un organisme extérieur, l’Afnor.

2 Outre des progrès en termes de mixité et de réduction des inégalités, les entreprises labélisées y gagnent une amélioration de leur image.

3 Les deux labels vont bénéficier de quelques adaptations pour élargir leur audience, en s’ouvrant davantage au secteur public et aux PME.

L’inégalité subsiste

→ Malgré les labels, les lois, les pénalités financières et les plans d’actions gouvernementaux, les indicateurs des inégalités au travail restent stables. Les entreprises ne sont pas seules responsables. L’écart moyen de salaire entre hommes et femmes est toujours d’environ 25 %, selon le ministère du Travail, en raison d’un temps de travail moindre, d’une concentration des secondes sur des emplois moins bien payés et du fait de discriminations. En dehors des conseils d’administration, la mixité reste à réaliser : neuf dixièmes des métiers ne sont toujours pas mixtes, selon les statistiques du gouvernement. Même avec la meilleure volonté, les entreprises ne parviennent pas à féminiser leurs métiers masculins (lire Entreprise & Carrières n° 1180 du 18 février 2014), notamment parce que la ségrégation sévit dès les filières de formation. Enfin, depuis plusieurs années, la proportion de salariés se déclarant victimes de discriminations oscille autour d’un tiers, selon les sondages.

DEUX LABELS, DEUX PHILOSOPHIES

Deux différences importantes distinguent les labels Égalité et Diversité, au-delà des discriminations qu’ils ciblent : discriminations en raison du sexe pour le premier, tous les types de discriminations pour le second. Ils diffèrent aussi par les obligations auxquelles se soumet le labélisé et par leur mode d’attribution.

→ Le label Égalité garantit a minima que l’entreprise qui en est titulaire respecte la loi : qu’elle a signé un accord sur l’égalité professionnelle, qu’elle dispose d’un rapport de situation comparée et d’objectifs de progression, et qu’elle se dirige vers la mixité des instances dirigeantes.

→  A contrario, « la délivrance du label Diversité […] ne signifie pas que l’organisme a respecté, respecte ou respectera la législation et/ou la réglementation nationale ou internationale », met en garde l’Afnor. Il s’agit d’une obligation de conformité d’un côté, et d’une obligation de moyens de l’autre.

→ L’autre différence réside dans la procédure d’attribution : après un audit in situ dans le cas du label Diversité, sur la foi des déclarations de l’entreprise s’agissant du label Égalité. Cela fait dire à Sylvie Savignac, directrice diversité de La Poste, titulaire des deux labels, que le premier est davantage structurant et fédérateur pour l’entreprise que le second (lire p. 26). Le distributeur d’offres de téléphonie SFD abonde dans le même sens et a préféré se cantonner au label Égalité, précisément parce que le label Diversité l’aurait obligé à restructurer tous ses process RH.

Auteur

  • EMMANUEL FRANCK