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BrésilLES PETITS PAS DE LA DISCRIMINATION POSITIVE

Pratiques | International | publié le : 01.04.2014 | STEVE CARPENTIER

Si les Noirs bénéficient de programmes d’insertion dans la vie professionnelle, des progrès considérables restent à accomplir.

C’est le paradoxe d’un des pays les plus métissés de la planète : les Noirs sont au Brésil une majorité invisible. En effet, plus d’un citoyen sur deux possède des origines africaines, soit peu ou prou 100 millions de personnes. Mais près de 130 ans après l’abolition de l’esclavage, l’égalité entre Blancs et Noirs est inexistante, dans une société qui se vante pourtant d’être une “démocratie raciale” accomplie. Aujour­d’hui encore, tous les indicateurs socio-économiques ayant trait au revenu, à la santé ou à la pauvreté s’affichent largement en défaveur de la population afrodescendante.

Et c’est sur le marché du travail que les inégalités sont les plus visibles. D’après l’Institut Ethos, une ONG qui œuvre sur l’éthique des affaires, à peine 5 % des cadres dirigeants du pays sont des Noirs.

Discrimination positive

Au sein du panel des 500 plus grandes entreprises servant de base à son baromètre annuel des inégalités au travail, Ethos note que 23 % des salariés, 13 % des agents de maîtrise et 9 % des cadres supérieurs sont des afrodescendants. L’ONG note, de plus, que 27 % des entreprises sondées refusent de se prononcer sur la couleur de leurs salariés, préférant donc fermer les yeux sur la problématique raciale au sein de leur hiérarchie. Mais les choses évoluent depuis quelques années pour réduire cette fracture, grâce à la mise en œuvre de politiques de discrimination positive. En 2008, le gouvernement a créé un ministère de l’Égalité raciale. En mars dernier, Fernando Haddad, le maire de São Paulo, a fait voter un décret qui réserve aux Noirs 20 % des emplois de fonctionnaires de la mairie. À Salvador, la ville la plus noire du Brésil, ce taux s’élève à 30 % depuis une récente loi locale.

Ces initiatives anticipaient un projet de loi approuvé le 26 mars par le Congrès, qui prévoit d’appliquer des quotas pour les postes de la fonction publique fédérale. Car l’État aussi est un mauvais élève : sur les 580 000 fonctionnaires que compte l’administration fédérale, à peine 30 % sont des Noirs.

Les universités publiques du pays sont nombreuses à avoir mis en place des programmes de quotas raciaux pour les étudiants. Actuellement, plus d’une institution publique d’enseignement supérieur sur deux (soit près d’une trentaine d’établissements) en propose. En 2001, l’Université fédérale de Rio de Janeiro a ouvert la voie. Actuellement, 56 % des places d’étudiants sont destinées aux jeunes issus de familles modestes ou afrodescendants, alors qu’à peine un étudiant sur quatre est noir. Ce chiffre devrait croître d’ici à 2016 grâce à une loi fédérale votée en 2012, qui oblige les universités à réserver 50 % de leurs places à des jeunes ayant fait leurs études dans le public et issus de milieux pauvres ou afro-descendants.

Initiatives privées

Mais côté secteur privé, la route est encore longue : à peine 3 % des entreprises du pays ont instauré des programmes internes d’insertion des Noirs au travail. Quelques initiatives ont cependant vu le jour ces dernières années. La banque brésilienne Itau a ainsi initié son “programme Racines” qui facilite l’emploi de stagiaires afrodescendants. La Fondation Bank Boston a lancé il y a quelques années déjà un programme éphémère baptisé “Génération XXI” pour aider de jeunes Noirs à poursuivre des études supérieures. Les filiales de multinationales comme IBM ou ABN-Amro ou des entreprises nationales comme Fersol, spécialisée dans l’agro-industrie, proposent quelques outils de lutte contre l’inégalité raciale au sein de leurs structures.

Mais les initiatives sont encore bien timides et les résultats pas toujours concluants. En 2008, la filiale brésilienne de Xerox a été poursuivie en justice par une poignée d’étudiants. La firme américaine était accusée d’avoir stoppé avant son terme son programme d’aide à l’obtention de diplômes universitaires destiné à quelques candidats chanceux. Un cas d’école dans un pays où les inégalités raciales se retrouvent d’abord sur la fiche de paie : à poste égal, les salariés noirs gagnent en moyenne moitié moins que leurs collègues blancs.

Auteur

  • STEVE CARPENTIER