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Que faire avec les heures supplémentaires ?

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 25.03.2014 | Philippe Rogez

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Que faire avec les heures supplémentaires ?

Crédit photo Philippe Rogez

C’est devenu un classique : lorsqu’un salarié saisit la juridiction prud’homale pour contester la rupture de son contrat de travail, il sollicite presque systématiquement un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires. Soit parce qu’il soutient qu’il a travaillé un nombre d’heures plus important que ce qui lui a été payé; soit parce qu’il conteste la validité de son forfait annuel en jours, et estime que toute heure travaillée au-delà de 35 heures par semaine doit être rémunérée au taux majoré et donner lieu, le cas échéant, au bénéfice d’un repos compensateur.

Comment prouver ce qu’il en est vraiment ? L’article L. 3171-4 du Code du travail énonce : « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

La Cour de cassation précise qu’en principe, « la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties » (Cass. Soc. 26 février 2013, n° 11-22968). On constate toutefois que la charge de la preuve s’est, peu à peu, déséquilibrée : il suffit aujourd’hui au salarié d’étayer sa demande, par tout moyen, pour que l’employeur soit dans l’obligation de justifier des horaires effectivement réalisés.

La jurisprudence a ainsi admis que le salarié pouvait produire, à l’appui de ses prétentions, un tableau qu’il a lui-même établi, un décompte mois par mois rédigé au crayon ou encore un simple décompte forfaitaire établi sur la base des horaires d’ouverture de son lieu de travail…

Seuls les éléments manifestement insuffisants (une lettre rédigée par le salarié indiquant qu’il a réalisé des heures supplémentaires sur un chantier, sans autre précision) ou abusifs (un décompte réalisé pour les années 2002 à 2006, toutes les pages ayant une présentation identique et étant rédigées avec le même stylo…) ne sont pas jugés suffisamment sérieux pour étayer la demande du salarié. Dans tous les autres cas, il appartient à l’employeur de justifier des horaires effectivement réalisés. S’il peut également en justifier par tout moyen, la tâche de l’employeur s’avère, en pratique, infiniment plus complexe : il se retrouve bien souvent à devoir démontrer l’inexistence des heures alléguées par le salarié. Or rien n’est plus difficile que d’apporter la preuve de quelque chose qui n’existe pas.

Le décompte et le contrôle de la durée du travail, qui ont progressivement été considérés comme d’encombrantes formalités administratives par bon nombre d’entreprises, sont en réalité deux éléments déterminants pour la sécurité juridique de celles-ci. Ils peuvent être réalisés sous différentes formes, pas toujours difficiles à mettre en place : enregistrements automatiques (qui doivent être fiables et infalsifiables) et notamment informatiques, enregistrements manuels ou même systèmes autodéclaratifs sont autant de dispositifs pouvant être utilisés.

Outre le fait qu’un tel dispositif peut se révéler précieux dans d’autres hypothèses (comme, par exemple, pour veiller sur la santé des salariés et s’assurer qu’ils ne dépassent pas les durées maximales de travail applicables), il constitue un atout important pour démontrer qu’une demande de rappel d’heures supplémentaires est injustifiée. Car, en cas de condamnation, l’addition peut être lourde : même si le délai de prescription en matière salariale a été ramené, depuis la loi du 14 juin 2013, à trois ans, c’est le juge du fond qui décide souverainement du quantum des heures supplémentaires devant être payées au salarié, la Cour de cassation se contentant, depuis ses arrêts du 4 décembre 2013, de vérifier que le régime de la preuve a bien été respecté.

Les heures supplémentaires sont un outil indispensable pour ajuster le temps de travail des salariés à l’activité de l’entreprise. Le contrôle de ces heures l’est également, afin de ne pas in fine être condamné à payer des heures qui n’ont jamais été réalisées, mais dont l’existence, par manque de preuve, ne peut être efficacement contestée.

Auteur

  • Philippe Rogez