logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Actualités

Les salariés tentés par le repli

Actualités | publié le : 25.03.2014 | SABINE GERMAIN

Image

Confiance & évolutions personnelles

Crédit photo SABINE GERMAIN

C’est à la fois la cause et la conséquence d’une conjoncture sociale morose : les salariés ont tendance à se replier sur eux-mêmes et préfèrent se concentrer sur leur travail, leur carrière, leur salaire plutôt que de s’inscrire dans un projet collectif, selon une note de prospective sociale établie à l’appui d’un sondage très détaillé.

« Météo sombre et orageuse sur l’ensemble du territoire » : si l’on se réfère au titre de la note de conjoncture sociale publiée par le sociologue François Geuze et l’expert en relations sociales Hubert Landier, le printemps n’est pas pour tout de suite. « La morosité ambiante découle très largement de la morosité dans les entreprises », analyse Hubert Landier, qui voit dans la montée du désengagement et de l’individualisme des salariés autant une cause qu’une conséquence d’un climat social dégradé. Ce qui apparaît tout particulièrement dans l’enquête menée tout au long de l’année 2013 auprès d’un échantillon de 2 945 salariés. Au terme de ces 98 questions se dessine un paysage managérial sinon inquiétant, du moins porteur de nombreuses interrogations : « Les déceptions et frustrations ne s’expriment plus collectivement mais individuellement, note Hubert Landier. Comme si les salariés ne se sentaient plus partie prenante d’un projet collectif. »

Ils préfèrent donc se replier sur leur environnement immédiat : « On peut parler de génération nombril. Je pense à mon salaire, à mon boulot, à ma carrière ou même à ma retraite. Mais je n’attends plus grand-chose de mon entreprise car ma vraie vie est ailleurs. » Parce que c’est dans l’air du temps : les auteurs de l’étude comparent la situation des entreprises au climat général de défiance envers le pouvoir et les institutions qui furent naguère structurantes (églises, syndicats, partis politiques, État). Et parce que l’entreprise peine à leur donner des perspectives d’avenir, comme les salariés l’expriment quand on les interroge sur l’ambiance de travail ou le niveau de confiance dans leur employeur.

Management de proximité de qualité

Le management de proximité échappe en partie à cette défiance, la moitié des salariés interrogés estimant qu’il est de qualité et, plus encore, qu’il connaît la valeur du travail réalisé (lire ci-contre). Une tendance déjà observée par ailleurs. Le baromètre de climat social de Cegos, publié en octobre dernier, faisait ainsi état d’un rapprochement entre les salariés et leurs managers. Ces derniers étaient perçus comme davantage proche de leurs équipes, et un peu moins de la direction.

Pas de quoi éloigner la menace que la défiance fait peser sur les organisations. Avec des coûts cachés colossaux : « Une personne qui ne travaille qu’à 80 % de son temps va faire perdre 40 jours de travail par an à son entreprise », calcule Hubert Landier. D’autant plus préoccupant que le contrat social semble rompu : « Dans les entreprises paternalistes, l’obéissance demandée aux salariés avait pour contrepartie la sécurité de l’emploi. Aujourd’hui, les salariés se voient imposer des procédures infantilisantes sans la moindre garantie quant à la pérennité de leur emploi. »

Sentiment d’opacité

Comment sortir de ce cercle infernal ? « Par la communication et le dialogue social », répond Hubert Landier. Communication sur la stratégie de l’entreprise, sa gestion des carrières et sa politique de formation : l’étude fait apparaître un véritable déficit d’information dans ce domaine, « avec un sentiment d’opacité sur l’air de “On ne nous dit pas tout”, qui alimente la défiance ». Mais aussi par un changement de culture managériale dans une France restée trop élitiste, « où un manager peut encore penser qu’il a forcément raison puisqu’il a tel diplôme ou tel poste de responsabilité ». Autre élément souligné par l’auteur, la nécessaire prise en compte des facteurs informels de convivialité : « Dans un groupe né de la fusion de deux entreprises, certaines équipes doivent payer leur café alors qu’il est gratuit pour les autres. ça n’a l’air de rien, mais ça pourrit l’ambiance. » Le management tient parfois à peu de chose…

“Note de conjoncture sociale 2013” publiée par François Geuze et Hubert Landier en février 2014, téléchargeable sur : <www.auditsocial.net>.

CONFIANCE DANS LE MANAGEMENT, DÉFIANCE ENVERS LA DIRECTION

C’est l’un des grands enseignements de cette étude : alors que les salariés s’accommodent de leurs relations avec leurs collègues et leur manager, ils commencent à témoigner d’une véritable défiance à l’égard de la direction de leur entreprise. Cette défiance s’exprime ouvertement (par 12 % des salariés interro- gés) ou de façon plus indirecte : 19 % se plaignent du manque de perspectives d’évolution au sein de l’entreprise, 23 % regrettent de ne pas être mieux informés sur ces possibilités d’évolution et 16 % ne conseilleraient pas à leurs proches de travailler dans leur entreprise. « Le niveau de confiance dans la direction est bas, ce qui est susceptible de provoquer des difficultés quand il est nécessaire de faire face à des coups durs, observent les auteurs de l’étude. Les indécis risquent alors de basculer dans le clan des opposants. »

Confiance & évolutions personnelles
RELATIONS MANAGÉRIALES : OUI, MAIS

La moitié des salariés interrogés estiment que leur management est de qualité. Si l’on regarde le verre à moitié plein, on peut considérer que c’est un bon score dans un monde du travail à la française où il n’est pas de bon ton de dire du bien de son chef. Mais le sondage précise que, pour 11 % des salariés, les managers ne donnent pas envie de donner le meilleur de soi-même, 12 % regrettent de ne pas avoir tous les éléments en main pour préparer leur entretien professionnel et 14 % signalent une dégradation des relations avec leur manager.

Relations managériales
AMBIANCE AU TRAVAIL : PEUT MIEUX FAIRE

49 % des salariés interrogées déclarent qu’il y a une bonne ambian­ce au travail, 53 % que leur environnement est agréable, 70 % que leurs échanges avec leurs collègues sont positifs : il n’y a là rien de bien inquiétant. Mais 18 % des salariés estiment que l’ambiance a tendance à se dégrader alors que 16 % considèrent déjà que leurs conditions de travail ne leur permettent pas de travailler de façon détendue et que 14 % pointent le manque de reconnaissance. Des signaux faibles à suivre de près.

Auteur

  • SABINE GERMAIN