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Une restructuration sans anicroche

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 18.03.2014 | VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE

En deux ans, les 88 Urssaf locales ont disparu au profit de 22 nouvelles entités régionales. Une cellule RH nationale dédiée a accompagné ce processus.

Commencée en janvier 2012, la régionalisation des Urssaf (14 000 salariés) s’est achevée au 1er janvier 2014. Son but : faire des économies d’échelle et « consolider le réseau ». En trois vagues, les 88 entités existantes ont “disparu” juridiquement, devenant sites locaux de 22 nouvelles structures régionales – les salariés sont restés sur place. Conséquences : quelque 40 postes de directeurs ont été supprimés, des fonctions supports (300 “agents de direction”) ont été mutualisées et 10 % des autres salariés ont connu une évolution de leurs missions.

Pour accompagner ce changement, préparé dans chaque région pendant dix-huit mois par un “directeur préfigurateur”, une “cellule nationale de régionalisation” a été créée au sein de l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), avec trois directeurs nationaux et deux issus du terrain.

« Chacun s’est vu attribuer une thématique – pour ma part, relations sociales et RH –, explique Vincent Guérinet, sous-directeur RH Réseau à l’Acoss, et le suivi d’un portefeuille de régions. » Une cellule encore active pour 2014. « Chaque future Urssaf a défini son projet d’organisation sur la base d’un socle et d’un calendrier de déploiement nationaux », poursuit-il.

Un accord de méthode national n’a pu être signé, la CGT, notamment, refusant le principe même de la régionalisation. Le contexte social s’est cependant détendu au fil du temps, et des accords régionaux ont été signés. En Rhône-Alpes, par exemple, il est approuvé par la CFDT, la CFTC et la CGC, et deux dossiers ayant fait l’objet d’une information-consultation sur les grands principes et la mise en œuvre de la nouvelle organisation ont reçu un avis favorable. « Parmi ces principes, explique Gérard Pigaglio, directeur régional par intérim, il y a le « coulissage » d’activités vers des sites locaux où elles diminuaient, afin de les maintenir. » Second principe : un dialogue social “articulé” entre les niveaux régional et départemental.

Élaboration d’un guide de la régionalisation

La cellule nationale, elle, veillait au respect des garanties prévues dans les accords conclus à l’échelle de la Sécurité sociale : absence de licenciements, mobilités facultatives… Elle a également élaboré un “guide de régionalisation” : « Une vraie base de référence décrivant notamment toutes les normes ou recommandations applicables », assure Vincent Guérinet. Sur cette base, tous les salariés ont été invités à se positionner, sans engagement de leur part, pour une mobilité géographique et/ou professionnelle. Ils étaient ensuite reçus en entretien par un RRH, qui avait alors un mois pour accepter ou refuser. Pour les postes de directeur et d’agent de direction, les Urssaf ont « bénéficié d’un accompagnement spécifique (entretiens de carrière, aide à la composition des futures équipes, mobilité), assure Vincent Guérinet, mais aussi d’une démographie favorable, avec de nombreux départs en retraite ». De plus jeunes ont ainsi trouvé un poste dans un autre organisme ou une autre région.

Quant aux salariés souhaitant devenir managers, ils sont entrés dans le processus de “détection des potentiels managériaux”. Des tests et des formations leur ont permis d’intégrer le “management de nouvelle génération”.

Un dernier chantier est en cours : l’harmonisation des rémunérations. « Pour réussir ce projet, explique Vincent Guérinet, nous avons notamment créé un parcours pour les 6 000 gestionnaires de recouvrement. »

« Pour l’instant, les changements se passent bien, rapporte Béatrice Druelle, secrétaire du secteur Sécurité sociale à la CFDT, mais nous somme vigilants sur l’année qui suit la création de chaque Urssaf, car c’est alors seulement que se font les transferts. » Pour Gérard Pigaglio, la réussite tient à un plan de formation sur deux ans (2013-2014) et individualisé (avec un budget proche de 8 % de la masse salariale contre 5 % habituellement) et à l’étalement dans le temps. Vincent Guérinet ne souhaite pas communiquer de bilan chiffré, mais précise qu’il « n’y a eu au final que quelques cas difficiles ». Un dispositif de prévention des risques psychosociaux a été mis en place partout, du fait d’un sentiment d’inquiétude rapporté par les organisations syndicales. Des moyens supplémentaires leur ont été alloués en ce sens.

Celles-ci ont elles-mêmes été “bousculées” par la régionalisation. Avec la disparition des entités locales au profit d’une seule Urssaf par région, l’organisation de la représentation du personnel a, elle aussi, été régionalisée, et tous les accords sociaux ont dû être renégociés. « Alors qu’auparavant, chaque Urssaf avait ses usages, les directives de l’Acoss sont désormais strictes », explique Yves Le Bihan, secrétaire national en charge de la Sécurité sociale à la CFDT. Certains les vivent comme un recul. » Principaux points d’achoppement : les horaires variables et la RTT, et la prise en compte des trajets professionnels. Mais selon le responsable CFDT, l’Acoss a « laissé de plus en plus de souplesse à la négociation régionale ». Il se félicite d’un bon dialogue social.

Enjeu de productivité

Ce n’est pas l’avis de la CGT, régulièrement en grève sur divers sujets. Gérard Pigaglio admet qu’il « peut y avoir des craintes légitimes ». Selon lui, les Urssaf vont devoir à présent relever « le challenge des gains de productivité » : « Les salariés se sont positionnés sur des postes pérennes, mais leurs services connaîtront peut-être des départs en retraite non remplacés. » C’est l’une des raisons pour lesquelles le pilotage RH national va perdurer : « Dans un contexte économique peu favorable, commente Vincent Guérinet, le renforcement de la gouvernance est une garantie supplémentaire de succès. »

Auteur

  • VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE