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Enquête

« La Cour de cassation attend de l’employeur une effectivité de la prévention »

Enquête | publié le : 18.03.2014 | VIRGINIE LEBLANC

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« La Cour de cassation attend de l’employeur une effectivité de la prévention »

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

E & C : Depuis plusieurs années, le CHSCT s’est forgé un rôle de premier plan dans les processus de transformation et les PSE. Que cela implique-t-il en termes d’informations à délivrer de la part des entreprises ?

Michel Ledoux : La consultation du CHSCT doit intervenir pour tout projet de transformation important. Et l’employeur doit lui communiquer des informations suffisamment concrètes et adaptées aux risques encourus sous peine de voir son projet de réorganisation suspendu. Les juges sont impitoyables avec les entreprises dont les choix d’organisation sont susceptibles d’attenter à la santé psychique des salariés. En mars 2008, avec l’arrêt Snecma, les juges avaient pour la première fois suspendu une réorganisation du travail car elle présentait des dangers pour la santé des travailleurs. En décembre 2012, dans le cadre d’un PSE à la Fnac, les juges ont reproché à l’entreprise de ne pas avoir fourni les éléments quantitatifs pertinents permettant d’estimer le surcroît de travail des salariés « survivants ». Une décision qui était finalement dans la droite ligne de celle qui a condamné une entreprise de presse pour faute inexcusable à la suite de la crise cardiaque d’un rédacteur en chef dont la charge de travail avait explosé alors que l’entreprise menait une politique récurrente de réduction des coûts depuis plusieurs années. En matière de prévention, la Cour de cassation attend de l’employeur un résultat, une effectivité de la prévention. Et c’est à lui de convaincre le juge qu’il a mis en place une politique de prévention structurée. Il doit notamment pouvoir présenter son document unique d’évaluation des risques, qui doit prendre en compte le travail réel et non pas le travail prescrit, et planifier la prévention.

E & C : Les employeurs objectent régulièrement que, quoi qu’ils fassent, ils risquent finalement d’être condamnés en justice. Comment les convaincre d’agir malgré tout ?

M. L. : Il est vrai que par exemple, dans une décision du 23 janvier 2013, les juges estiment qu’un employeur, tenu par l’obligation de sécurité de résultat, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail de harcèlement moral, « quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements ». En l’occurrence, l’employeur avait licencié immédiatement le harceleur. Toutefois, même si l’entreprise ne peut pas totalement supprimer le risque judiciaire, même en menant une politique de prévention énergique, plus elle élaborera une politique structurée de prévention, plus elle diminuera les risques de contentieux.

En tout état de cause, elle réduit sensiblement le risque pénal.

E & C : Les entreprises sont-elles en mesure de fournir des informations suffisamment détaillées sur les modifications de la charge de travail des salariés, tant dans des contextes de réduction d’effectif que dans ceux d’évolutions profondes de leurs conditions de travail ?

M. L. : Malheureusement, on peut penser que cette contrainte étant finalement assez nouvelle, beaucoup d’entreprises ne se sont jamais interrogées précisément sur la question des conséquences de ce transfert de charge. D’ailleurs, je ne suis pas certain que beaucoup d’entre elles soient “équipées” pour ce travail prévisionnel.

Pourtant lorsqu’elles mettent en place des projets de transformation de leur organisation, elles sont censées avoir étudié l’existant pour se projeter dans une nouvelle structure. Elles doivent donc disposer d’éléments leur permettant de dire comment travailleront les salariés dans leur nouvel environnement. De même, dans l’hypothèse d’un PSE, l’entreprise qui a réalisé des études sur les répercussions économiques de son projet devrait être capable de fournir des indications sur les modifications de la charge de travail. Il ressort clairement de la jurisprudence que la qualité de vie au travail ne peut plus être dissociée des stratégies économiques.

Auteur

  • VIRGINIE LEBLANC