logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

LA CHARGE DE TRAVAIL SOUS L’ŒIL DES JUGES

Enquête | publié le : 18.03.2014 | V. L.

Le plan de réorganisation décidé par la Fnac en 2012 a été contesté en justice par des syndicats et des CHSCT. Il a été suspendu au motif que la charge de travail des salariés restant en poste était insuffisamment évaluée. La société a dû argumenter précisément pour que son projet soit finalement validé par les juges.

Le plan Organisation 2012 de la Fnac devait entraîner la disparition des fonctions support communication, ressources humaines et finances au sein des magasins. L’objectif de la direction était de régionaliser et de centraliser ces fonctions ; 164 suppressions de postes étaient prévues à la Fnac Relais (magasins en régions). On passait par exemple de 53 RRH pour 50 magasins à 16 RRH centralisés et de 88 responsables financiers (pour Fnac Relais et Codirep) à 22 postes centralisés.

La CGT, la CFE-CGC, Sud et huit CHSCT ont contesté en justice le bien-fondé de cette réorganisation qui, selon eux, allait entraîner une surcharge de travail pour les directeurs de magasins. Ils ont obtenu gain de cause auprès de la cour d’appel de Paris le 13 décembre 2012. « C’est la première fois qu’un CHST est déclaré recevable pour demander la suspension d’un plan de réorganisation au regard de la situation des salariés qui restent », se félicite Savine Bernard, une des avocates qui a plaidé l’affaire.

Document incomplet

La cour a estimé que « le document initialement transmis aux CHSCT et aux instances représentatives du personnel était incomplet, dans la mesure où il se bornait à une étude très générale sur les fonctions, de caractère uniquement qualitatif […] mais sans éléments quantitatifs sur les transferts de charge de travail […], alors qu’un tel chiffrage constitue un critère essentiel d’évaluation des risques psychosociaux pouvant résulter d’une surcharge de travail caractérisée et objective, génératrice de stress ».

À l’appui de leur action, les CHSCT avaient eu recours à cinq expertises. Le cabinet Apex avait par exemple analysé qu’en hypothèse basse, le directeur de magasin allait voir son temps de travail hebdomadaire augmenté de 24,47 heures, soit 169,9 %. Isast avait aussi évalué au minimum à 7 heures par semaine le report de la fonction RH sur le directeur de magasin, et à 12 heures par semaine le report de la fonction finances.

Appelée par les juges à réaliser précisément ce chiffrage des transferts de charge, la Fnac a fait appel au cabinet Plein Sens. Elle a également sollicité les cabinets Stimulus et Ifas afin d’enquêter sur les risques psychosociaux.

La société a finalement obtenu gain de cause le 25 avril 2013. La cour d’appel de Paris a alors apprécié favorablement les explications apportées par la Fnac. « Il ressort du rapport Plein Sens que la suppression des fonctions RH en magasin entraîne ainsi une centralisation et/ou une externalisation de certaines tâches, comme les tâches administratives liées à la paie qui sera désormais gérée par une hotline du CSP », observe la cour.

De plus, la cour souligne que les enquêtes menées par Stimulus et l’Ifas, même si elles mentionnent l’inquiétude des directeurs de magasins sur leur avenir professionnel, montrent que « les responsables concernés estiment cependant qu’il s’agit plutôt d’un transfert de tâches que de charges, compte tenu de l’évolution de celles-ci, l’ajout de tâches nouvelles étant compensé, selon les salariés des magasins pilotes interrogés, par la suppression d’autres tâches. »

Elle souligne aussi le rôle important revenant au pôle centre ressources humaines, dit PORH, chargé d’une mission d’information et d’assistance administrative des responsables régionaux. En outre, elle apprécie favorablement la mise en place d’un plan de formation spécifique au projet mis en cause, ainsi qu’un service de soutien et un « deuxième numéro vert de téléphone d’écoute et de soutien », complété par une cellule psychologique. En conclusion, l’existence de risques avérés n’est pas démontrée. Un pourvoi en cassation est en cours. « La direction a raisonné en termes de charge globale, alors qu’il faudrait prendre en compte la spécificité de chaque magasin », conteste notamment Savine Bernard.

Un travail sur le transfert de charge

S’agissant du nouveau plan social concernant la filière disque, dont les conditions ont été approuvées par tous les syndicats, il semblerait que la Fnac ait tenu compte de ces aventures judiciaires en réalisant un travail sur le transfert de charge. Contactée, la société n’a pas répondu sur ce point.

Le projet d’adaptation annoncé fin septembre 2013 vise 180 postes sur 800.

André Chapuis, DSC CGT pour la Fnac Relais, est très critique : « L’objectif de réduction de la masse salariale est toujours le même. Avec les règles de protection des salariés les plus fragiles, de ceux qui ont le plus d’ancienneté et des charges de famille, il ne restera que les salariés les plus usés. Alors qu’ils avaient une expertise dans des secteurs pointus du disque, on va leur demander de la polyvalence, donc, les déqualifier et les empêcher de savoir répondre correctement aux clients. Et ils seront aussi confrontés à la difficulté d’assumer une charge de travail qui demeure. » Selon lui, la direction affirme vouloir mettre en place une « organisation logistique idéale » pour soulager les salariés. Mais il n’y croit pas, les promesses n’ayant pas été tenues par le passé.

FNAC

• Activité : vente de biens culturels et de loisirs.

• Effectif : 11 000 salariés dans le groupe Fnac.

• Chiffre d’affaires 2013 : 3,9 milliards d’euros en France.

Auteur

  • V. L.