“Too big to fail”, trop grosses pour que leur chute n’entraîne pas celle de l’économie tout entière : nombre de très grandes entreprises, dont un nombre appréciable de banques, sont de fait “to big to jail”, trop importante pour être sanctionnées par la justice, car les rigueurs de la loi à l’encontre de leurs agissements entraîneraient en cascade la déstabilisation de la totalité du système économique. Autant dire qu’elles sont au-dessus des lois.

La question que pose l’auteur, haut fonctionnaire de la police, dans ce livre consacré aux dérives du blanchiment de l’argent sale et du trading de haute fréquence (la spéculation en temps réel sur tous les produits et monnaies de la planète), est de savoir jusqu’où fermer les yeux. En arrière-fond apparaît l’idée que la déviance en matière financière n’est pas un risque collatéral du capitalisme libéral, mais se trouve peut-être au principe même de son fonctionnement. Terrifiant quand on réalise que la dérégulation correspond à un transfert d’argent systématiquement organisé des pauvres vers les riches. Pour l’auteur, c’est une longue et habile chaîne de « grands carnassiers en col blanc » qui s’applique à dévorer des « sous-espèces en col bleu ». Il ne s’agit pas bien sûr d’un complot, mais de la convergence des intérêts de la classe dominante s’exerçant au détriment des intérêts de celle des dominés. Cette logique prédatrice explique d’ailleurs que la crise initiale de l’endettement privé vire inéluctablement en crise économique et sociale avec une baisse du pouvoir d’achat des ménages et un chômage massif, puis en crise des dettes souveraines du fait de l’alourdissement de l’endettement public.

Le Nouveau Capitalisme criminel

Jean-François Gayraud, Odile Jacob, 368 pages, 24,90 euros.