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Royaume-UniL’AFFAIRE MARKS & SPENCER DIVISE LES EMPLOYEURS SUR LA QUESTION RELIGIEUSE

Pratiques | International | publié le : 04.03.2014 | STÉPHANIE SALTI

Une salariée refusant de servir une bouteille d’alcool, l’enseigne a dû faire une mise au point sur sa politique d’inclusion. Les autres distributeurs privilégient une approche plus pragmatique.

La scène s’est déroulée à quelques jours de Noël à Londres, dans un Marks & Spencer, mais elle suscite encore le débat : l’une des caissières demande à un client désirant acheter du champagne de patienter afin qu’un autre vendeur la remplace. Motif : sa religion – musulmane – ne lui permet pas de toucher une bouteille d’alcool.

Doit-on ou pas autoriser les salariés musulmans à ne pas manipuler du porc et de l’alcool pour un motif religieux ? L’histoire a, en tout cas, contraint M & S à présenter des excuses, regrettant que cet incident « isolé » n’ait pas permis de délivrer le niveau de service attendu au sein de ses magasins. Le distributeur, qui met en avant une tradition d’inclusion de l’ensemble de ses collaborateurs, indique autoriser « ses salariés à travailler dans des départements qui leur permettent de fournir un niveau de service en toutes circonstances. Les demandes [liées à la religion] peuvent conduire ces individus à travailler dans des environnements moins propices à ces conflits d’intérêts à l’image de l’habillement ou de la boulangerie », explique un porte-parole. Dans le cas précis, les préférences de cette salariée n’avaient pas été prises en compte. Une erreur, a reconnu le distributeur.

Mais cette pratique n’est pas partagée par l’ensemble des autres ténors du secteur. Pour Tesco, il n’y a pas de raison de ne pas mettre un salarié musulman à la vente d’alcools et de viande de porc, mais le distributeur étudie chaque situation au cas par cas. Plus ferme, Sainsbury’s a publié un guide officiel signalant qu’il n’y avait aucune raison que le personnel qui ne mange pas de porc ni ne boit de l’alcool ne puisse pas manipuler ces biens.

Un socle de référence

Le distributeur s’appuie sur son “Little Book of Faith”, un ouvrage édité par les RH du groupe qui fournit un socle de référence sur les questions religieuses : « Le conseil musulman au Royaume-Uni a émis une orientation sur la nécessité de manipuler du porc, explique Adrian Crawford, associé au sein du cabinet d’avocats Kingsley Napley. Le salarié qui ne se sent pas capable de le faire doit en parler avec son manager, lequel doit essayer de répondre aux demandes. Si cela se révèle trop compliqué, il peut opposer un refus. »

Outre-Manche, la discrimination religieuse dans le domaine professionnel tombe sous le coup de l’Equality Act 2010. La loi interdit les discriminations directe et indirecte (NDLR : imposition d’une règle a priori non discriminatoire, mais dont les effets le sont). « Si la discrimination directe ne peut jamais être justifiée par un employeur, la discrimination indirecte peut l’être par des motifs objectifs et proportionnés », explique un expert. « Au-delà du cadre législatif, la difficulté réside dans le fait de trouver une solution qui se fasse dans l’intérêt à la fois de l’employeur et de l’employé », avance de son côté Adrian Crawford.

Bonnes pratiques

La presse anglaise s’est fait l’écho, ces dernières années, de divers cas de discrimination indirecte, opposant salariés et employeurs sur des questions religieuses. Susan Chaplin, une infirmière catholique travaillant dans un hôpital du Devon a perdu son procès car il a été reconnu que le port de son crucifix pouvait blesser les patients. Même échec pour cet employé musulman qui s’était vu refuser son vendredi alors qu’il souhaitait se rendre à la mosquée. La fin de non-recevoir de l’employeur étant motivée par l’impossibilité de le remplacer.

Afin de gérer au mieux les différends, les entreprises s’appuient sur des codes de bonnes pratiques publiés par la Commission for Equality and Human Rights* et pris en compte par les tribunaux en cas de litige : « Ces codes donnent notamment des informations sur l’ensemble des pratiques religieuses, explique Julie Calleux, juriste spécialisée en droit du travail au sein d’EmployEase. Une violation n’entraîne pas forcément une condamnation, mais le non-respect du code doit être justifié objectivement. »

* www.equalityhumanrights.com

Auteur

  • STÉPHANIE SALTI