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Le grand chantier des catégories objectives

Pratiques | publié le : 25.02.2014 | CAROLINE COQ-CHODORGE

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Le grand chantier des catégories objectives

Crédit photo CAROLINE COQ-CHODORGE

En 2014, les entreprises doivent s’intéresser de près à leurs garanties santé, retraite et prévoyance. Leur première obligation est de se conformer aux “catégories objectives” définies par la Direction de la Sécurité sociale. Explications.

Les couvertures complémentaires santé et prévoyance et les régimes de retraite supplémentaire en entreprise sont devenus récemment la cible d’une rafale de textes législatifs et réglementaires. Comment éviter un redressement par les Urssaf dans un tel maquis ? La première échéance de l’année pour les entreprises est la mise en conformité, avant le 30 juin 2014, des contrats avec la circulaire* de la Direction de la Sécurité sociale parue le 25 septembre 2013. Laquelle détaille les critères à respecter pour que les contrats continuent à bénéficier des exonérations sociales sur les contributions des employeurs.

« C’est un énorme chantier, explique Patrice Capelli, directeur commercial des territoires de l’institution de prévoyance Humanis. Nos clients ne le mesurent pas bien, mais la majorité des contrats doivent être modifiés. » L’enjeu financier est pourtant colossal : la “niche sociale” sur les contrats collectifs s’élève à 12,7 milliards d’euros pour la santé et la prévoyance, et à 2,6 milliards pour la retraite supplémentaire.

Avantages sociaux

La circulaire rappelle que les avantages sociaux ne peuvent bénéficier qu’aux contrats collectifs couvrant l’ensemble des salariés. Mais le caractère collectif du contrat est également respecté « si les garanties ne couvrent qu’une partie d’entre eux, sous réserve qu’ils appartiennent à une ou plusieurs catégories “objectives” de salariés ». Ces catégories objectives, précisément définies par la circulaire, sont au nombre de cinq : les cadres et non-cadres, les tranches de rémunération fixées pour le calcul des cotisations aux régimes Agirc et Arrco, les catégories et classifications professionnelles des branches, les sous-catégories des conventions collectives et les catégories issues des usages dans la profession.

La première catégorie des cadres et non-cadres est celle qui pose le plus fréquemment problème. La circulaire précise que les définitions retenues pour les cadres sont celles des articles 4 et 4 bis de la convention collective nationale Agirc, et 36 de l’annexe I de cette convention, à savoir les cadres, et les employés, techniciens et agents de maîtrise assimilés cadres. « La définition de l’Agirc prévoit trois césures possibles, explique Pascale Baron, avocate associée au cabinet Rigaud : soit les cadres se limitent à l’article 4, soit ils intègrent les articles 4 bis et/ou 36 de l’annexe I. Les entreprises doivent choisir une césure, s’y tenir et préciser dans les contrats qu’ils se réfèrent bien à la convention collective nationale de l’Agirc. »

C’est à ce travail que va devoir s’atteler la branche construction de Bouygues : « Nous avons deux régimes de complémentaire santé et prévoyance, explique Jean Gabriel Pichon, directeur juridique et social du groupe. Un pour les compagnons, c’est-à-dire les ouvriers qui, historiquement, ont leur propre assureur ; un autre pour les employés, techniciens, agents de maîtrise et cadres. C’est le résultat de notre histoire, et cela va nous prendre du temps de refaire l’histoire. »

Les compagnons de Bouygues vont en effet perdre leur contrat spécifique et rejoindre, pour des niveaux de garantie semblables, le régime des autres salariés de Bouygues Construction. Autre spécificité de ce contrat : la participation du salarié est plafonnée au pourcentage de son salaire. « Au départ, la circulaire ne prévoyait pas cette modalité de calcul, explique Jean Gabriel Pichon. Mais elle est tout à fait légitime. Il a fallu se faire entendre de l’administration. » Dans la circulaire, ce mode de calcul est toléré comme une exception à la règle commune, selon laquelle « les contributions de l’employeur doivent être fixées à un taux ou à un montant uniforme pour l’ensemble des salariés ». Pour Jean Gabriel Pichon, ce travail de recensement des catégories objectives est « un exercice parfaitement technocratique, qui essaie en vain de régler la vraie vie… »

Retraite supplémentaire

Pour la retraite supplémentaire, le principal problème pour les entreprises est la disparition de la catégorie des cadres dirigeants. Sur ce point, la circulaire est très claire : les catégories en fonction de tranches de revenus sont limitées à 8 fois le plafond de la Sécurité sociale, soit, tout de même, 300 384 euros annuels, mais encore bien loin des revenus de certains cadres dirigeants. « Il n’est aujourd’hui plus possible de réserver un régime de retraite supplémentaire à quelques cadres, explique Frank Wismer, associé du cabinet d’avocats Fromont Briens. Les entreprises qui souhaitent offrir ce genre d’avantage doivent trouver une alternative, par exemple une variation du taux de cotisation de l’employeur en fonction des tranches de rémunération. » Mais, prévient-il, « les inspecteurs de l’Urssaf n’aiment pas beaucoup… ».

Un autre sujet d’inquiétude est la gestion des dispenses d’affiliation, par exemple lorsque le salarié décide de ne pas rejoindre le contrat collectif parce qu’il est déjà couvert par celui de son conjoint. La circulaire indique que « l’employeur doit être en mesure de produire la demande de dispense des salariés concernés ». « Cette précision, c’est bien sûr le papier. Dans les faits, les services RH vont devoir assurer le suivi. Certaines entreprises ont jusqu’à 450 dispenses, qu’il va falloir renouveler chaque année », prévient Frank Wismer. « Pour les DRH, c’est un exercice délicat », renchérit Pascal Broussoux, directeur des assurances de risques d’AG2R La Mondiale.

Face à une telle complexité, les organismes complémentaires, au premier rang desquels les institutions de prévoyance, majoritaires sur le marché du contrat collectif d’entreprise, ont un « devoir d’information » de leurs clients. AG2R La Mondiale insiste sur le risque de contentieux devant les conseils de prud’hom­mes : « Du point de vue du droit du travail, toutes les différences de traitement doivent être justifiées par un environnement de travail, des risques spécifiques, etc., explique Pascal Broussoux. En retraite, elles sont plus admissibles. En frais de santé, il y a une tendance à l’uniformisation des contrats pour tous les salariés. » Patrice Capelli, d’Humanis, confirme : « La plupart des contrats vont être étendus aux collèges de salariés qui n’en bénéficient pas. Pour nous, c’est une contrainte, car c’est un travail de grande ampleur, mais aussi une opportunité. »

À noter que, dans une lettre circulaire en date du 4 février, l’Acoss précise en une trentaine de questions-réponses les modalités d’appréciation du caractère collectif et obligatoire des garanties complémentaires.

* Circulaire n° DSS/SD5B/2013/344 relative aux modalités d’assujettissement aux cotisations et contributions de Sécurité sociale des contributions des employeurs destinées au financement de prestations de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire. Cette circulaire précise les termes du décret n° 2012-25 du 9 janvier 2012.

L’ESSENTIEL

1 De nombreux contrats collectifs d’entreprise doivent être revus avant le 30 juin 2014 pour se conformer aux “catégories objectives”.

2 Le problème le plus fréquent est la définition des catégories cadres et non cadres.

3 Des décrets de la LFSS 2014 vont prochainement contraindre les entreprises à modifier à nouveau leurs contrats.

LFSS 2014
Des décrets d’application attendus

De nouvelles perturbations sont annoncées dans les semaines et les mois à venir autour des contrats collectifs en prévoyance, santé et retraite. Selon l’article 14 de la LFSS 2014, ils pourront continuer à bénéficier d’avantages sociaux seulement s’ils répondent à un « degré élevé de solidarité », par exemple s’ils prennent en charge de manière « partielle ou totale […] la cotisation pour certains salariés ou anciens salariés », s’ils prévoient une « politique de prévention », ou encore « des prestations d’action sociale ».

Dans son article 56, la LFSS annonce également une refonte du cahier des charges des “contrats responsables”, qui seuls ont droit aux exonérations de charges sociales.

Des plafonnements des dépassements d’honoraires et des frais d’optique et dentaires sont annoncés.

Selon le cabinet Actuaris, qui a réalisé des projections, plus de la moitié des contrats devront être modifiés avant le 1er janvier 2015. Mais les décrets d’application sont toujours attendus.

On ne peut pas exclure qu’ils soient suivis de circulaires d’éclaircissement de la Direction de la Sécurité sociale. L’actualité de la complémentaire santé et prévoyance d’entreprise promet d’être encore chargée en 2014.

Auteur

  • CAROLINE COQ-CHODORGE