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Enquête

UN CHANTIER COMPLEXE

Enquête | publié le : 25.02.2014 | H. T.

En matière de variable, il n’y a pas de recette miracle, tout dépend des organisations. Les DRH peuvent actionner plusieurs leviers.

Après quelque vingt années de pratique de la rémunération variable, « on a touché les limites en termes de formalisation et de pilotage des dispositifs, déclare Loïc Saroul, consultant en rémunération chez Aon Hewitt. Les entreprises essaient aujourd’hui d’en corriger les effets négatifs. Celles qui viennent nous voir veulent un système aligné sur la performance financière de l’entreprise et propre à maintenir un haut niveau de motivation ». La quadrature du cercle, étant donné la conjoncture !

Tous les cabinets de conseil s’accordent au moins sur un point : il n’y a pas de recette miracle. Il ne s’agit en aucun cas de calquer les meilleures pratiques du marché et il n’est pas question de tout révolutionner. La plupart du temps, les employeurs cherchent surtout à rendre leur système de RV plus lisible, en allégeant le processus. Pas si simple.

« Il faut faire preuve d’intelligence et non d’ingénierie, en prenant chaque élément en considération », conseille Darius Beretta, directeur des activités stratégie et politique de rémunération de Hay Group. Maturité de l’entreprise, culture, style de leadership, ambition de transformation, taille de l’organisation, des forces de vente, complexité de la chaîne de valeur, package global de rémunération (participation intéressement…), etc.: une fois toutes ces composantes appréhendées, l’entreprise peut retravailler son mécanisme.

Un diagnostic précis

L’employeur peut être amené à reconsidérer le périmètre de la population éligible, afin de mieux maîtriser son dispositif. « Pour l’entreprise, la rémunération variable est un sujet intime qu’elle doit aborder de manière participative avec sa ligne managériale », estime Loïc Saroul. D’une part, il lui faut s’assurer de l’adhésion des collaborateurs et, pour cela, trouver un compromis entre le précédent système et la situation actuelle. D’autre part, elle doit veiller à ce que l’ensemble du processus soit correctement piloté (définition concertée des objectifs individuels, évaluation des collaborateurs, versement de primes proportionnées aux résultats).

Selon Denis Falcimagne, directeur de projets à Entreprise & Personnel, une RV « doit se situer au moins au taux de 8 %, soit un mois de salaire, pour être motivante. » Mais, rappelle-t-il, « plus le taux est important, plus la variabilité peut être limitée pour être socialement acceptable ».

De fait, « la réversibilité de la RV dépend beaucoup du poids du variable par rapport au fixe, convient Fabien Lucron, directeur du développement de Primeum. Au-delà de 15 % à 20 %, il est plus difficile d’appliquer une véritable réversibilité. Il vaudra parfois mieux réintégrer la part récurrente du variable au fixe pour obtenir les conditions nécessaires à une réelle mise en tension du dispositif variable ».

Les entreprises doivent également rester cohérentes dans l’éventuel encadrement de la variabilité. Gare aux seuils de déclenchement trop élevés qui risquent de décourager les collaborateurs performants mais « pas à l’objectif ».

« On peut tenir compte de circonstances exceptionnelles pour réviser les objectifs à mi-année. Certaines entreprises prévoient cette disposition », explique Denis Falcimagne. Le mécanisme peut aussi inclure un système “d’accélérateur” invitant à dépasser les objectifs (ce qui, si cela se produit trop facilement, peut donner à penser qu’ils étaient mal fixés au départ…)

Établir une solidarité

Les collaborateurs pour lesquels il est difficile de trouver des indicateurs de performance individuels auront un variable collectif – certaines entreprises n’y voient pas d’intérêt lorsqu’elles distribuent déjà participation et intéressement. Mais les employeurs introduisent volontiers une part plus ou moins importante de collectif dans le variable des autres populations, y compris celui des commerciaux, afin d’établir une solidarité et/ou d’éviter des “rivalités”. Christophe Laval, président fondateur de VPRH, en est convaincu : il faut mixer les critères pour favoriser la collaboration (lire l’interview p. 26). Quoi qu’il en soit, prévient Thierry Magin, directeur associé de MCR Groupe (spécialisé dans les politiques de rétribution), « la mise en place d’un système collectif ne doit pas se faire au détriment de la reconnaissance individuelle », plus efficace en termes de motivation, notamment pour des forces de vente. « Souvent, les entreprises font leur choix par idéologie, en fonction de leur style de management », poursuit-il. La pondération entre les deux dépendra des organisations et du contexte. « Pour les commerciaux, la part collective peut représenter entre un quart et un tiers du variable. Pour la population managériale, il peut être intéressant d’augmenter cette part. » En évitant de retenir les mêmes indicateurs que ceux utilisés dans l’accord d’intéressement.

Dix critères au maximum

Les entreprises ont bien évidemment toute latitude pour fixer les indicateurs les mieux adaptés à leurs enjeux. Du moins, dans le respect de certaines règles (lire l’encadré p. 23). Pour Christophe Laval, « il ne faut pas aller au-delà d’une dizaine de critères – ce qui est déjà beaucoup – et s’interroger sur les conditions d’atteinte des objectifs ».

Certaines organisations ont introduit des critères liés à leur responsabilité sociale (RSE): qualité de vie au travail, réduction de la pénibilité, diversité, qualité du dialogue social… Dans ce domaine, les efforts fournis en matière de sécurité au travail sont les plus facilement mesurables. D’autres vont plus loin, comme Orange, qui a conditionné 30 % de la rémunération variable des 1 200 top managers du groupe à l’amélioration de la performance sociale, par le biais d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs (lire Entreprise & Carrières n° 1163).

Ce mouvement serait néanmoins limité, selon Fabrice Lucron, pour qui « les entreprises s’efforcent en revanche de primer la qualité et le service client ». C’est l’orientation qu’a prise LCL, avec la mise en place d’un système de rémunération en phase avec le nouveau projet d’entreprise centré sur l’accueil et l’écoute de la clientèle (lire p. 25). Pour sa part, Loïc Saroul considère que l’insatisfaction actuelle quant à l’efficacité des SRV – et la jurisprudence relative à l’objectivité des critères d’évaluation – inciterait plutôt les employeurs « à assumer une plus forte variabilité, en s’appuyant sur des indicateurs plus financiers ».

Une part… variable

Selon Thierry Magin, directeur associé de MCR Groupe, le variable peut représenter :

→ entre 20 % et 40 % de la rémunération pour les forces de ventes ;

→ entre 15 % et 25 % pour les managers ;

→ entre 10 % et 15 % pour les experts.

Auteur

  • H. T.