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« Il faut mixer les critères pour développer la coopération »

Enquête | publié le : 25.02.2014 | N. L.

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« Il faut mixer les critères pour développer la coopération »

Crédit photo N. L.

E & C : Vous avez publié, en décembre 2013, un livre blanc intitué “Enjeux et perspectives de la reconnaissance au travail”. Les entreprises sont-elles aujourd’hui plus matures sur le sujet ?

C. L. : C’est une problématique sur laquelle on avance lentement en France, contrairement au Québec. Mais je constate que les employeurs ont envie d’y travailler. Ce livre blanc était l’occasion de faire le point sur les pratiques d’entreprises de différentes tailles que VPHR a accompagnées, tant en France qu’en Amérique du Nord ou en Suisse, en y apportant un regard prospectif pour faire avancer le débat.

E & C : Et vous y abordez la question du variable.

C. L. : Oui, parce que la rémunération variable est probablement l’un des sujets les plus compliqués à traiter pour les DRH et, dans les grands groupes, elle s’étend à toutes les fonctions. En général, elle devrait servir à aligner les comportements sur la stratégie de l’entreprise. Cela devient un problème lorsqu’elle est utilisée uniquement pour faire baisser la masse salariale, alors que l’idée de base est de mobiliser les collaborateurs. Cependant, il y a toujours un décalage entre les intentions affichées au départ et les impacts d’un tel système. D’autant qu’au cours de ces dix dernières années, les entreprises ont privilégié le variable individuel – parce que les résultats individuels sont aussi plus faciles à mesurer – en abandonnant la dimension collective. L’entretien annuel est allé dans ce sens. Ce qui peut entraîner, chez les collaborateurs concernés, des comportements indésirables tant à l’égard de leurs collègues de travail que des clients de l’entreprise. Alors qu’on parle de favoriser la coopération, de recréer du lien social et du partage, on évolue dans un monde du travail de plus en plus individualisé.

E & C : Comment remédier à cette contradiction ?

C. L. : Il faut repenser les critères de rétribution variable en mixant reconnaissance individuelle et reconnaissance d’équipe pour développer la coopération. Il est notamment nécessaire d’inciter les managers à favoriser les comportements collaboratifs. Surtout dans les organisations où l’on a besoin chacun les uns des autres. Il est certes difficile de mesurer la contribution de chacun au collectif. On est bien outillés pour mesurer des résultats quantitatifs et on arrive assez bien à reconnaître les compétences techniques. En revanche, les compétences comportementales, les pratiques de travail et, surtout, les efforts qui génèrent de la mobilisation collective – la motivation étant individuelle –, ne sont pas assez valorisés. La reconnaissance de cet “investissement” est pourtant capitale. L’idée commence d’ailleurs à faire son chemin dans les entreprises.

E & C : Ne court-on pas le risque d’adopter des critères trop subjectifs ?

C. L. : Quand on veut favoriser les comportements coopératifs, on est forcément sur du subjectif. Et de fait, le collectif et le comportemental sont plus difficiles à mesurer. Mais cela se fait. Il suffit d’identifier les bons critères. En évitant de multiplier les indicateurs. La question qui se pose concerne le risque d’iniquité. Il existe, mais il s’agit de démontrer aux partenaires sociaux que le choix de ce type d’indicateurs ne tirera pas les rémunérations vers le bas. La confiance mutuelle entre les parties prenantes est un facteur clé de succès, et ce n’est pas tant le système de rémunération qui, le cas échéant, sera incriminé que ceux qui le font vivre.

* Christophe Laval a écrit Plaidoyer pour la reconnaissance au travail en 2008.

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  • N. L.