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À LA RECHERCHE DU VARIABLE EFFICACE

Enquête | publié le : 25.02.2014 | HÉLÈNE TRUFFAUT

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À LA RECHERCHE DU VARIABLE EFFICACE

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

C’est un sujet de préoccupation majeur des DRH, à qui l’on demande de faire plus avec moins. Outil de flexibilité de la masse salariale par excellence et ressort de la performance, le variable ne répond pas toujours à ses objectifs. Au pied du mur, les entreprises concernées doivent corriger les dysfonctionnements, voire repenser le mécanisme.

Mondialisation, crise économique, explosion des technologies numériques… Des business models émergent tandis que d’autres s’écroulent. Les règles du jeu ont changé pour les entreprises qui, toutes, cherchent à faire plus avec moins. « Le nouvel environnement économique est acté et les dirigeants s’interrogent aujourd’hui sur leur modèle de performance », soutient Darius Beretta, directeur des activités stratégie et politique de rémunération de Hay Group en France (conseil en management).

Dans ce contexte, la rémunération variable (RV), qui reconnaît des performances individuelles et/ou collectives, est le centre de toutes les attentions. « C’est le seul moyen de flexibilité dont dispose l’entreprise pour adapter sa masse salariale à sa situation économique et à ses résultats, et éviter le tout-récurrent », rappelle Denis Falcimagne, directeur de projets, spécialiste des politiques de rémunération et avantages sociaux à Entreprise & Personnel. Et d’ajouter : « C’est un système sans mémoire, qui peut varier d’une année à l’autre. »

Au cours des quinze dernières années, la rémunération variable s’est étendue aux populations non commerciales : « 90 % des cadres sont potentiellement éligibles, et jusqu’à deux tiers des non-cadres, y compris dans les fonctions supports, mais sur un taux plus faible, qui ne dépasse guère 5 % du fixe », estime Loïc Saroul, consultant en rémunération chez Aon Hewitt.

En ligne avec la stratégie

Pourtant, selon plusieurs cabinets de conseil spécialisés, bon nombre d’organisations ne sont pas satisfaites de leur système de RV (SRV). « Même si, en France, les entreprises hésitent à toucher à quelque chose qui tourne depuis des années, on est actuellement en phase d’ajustement », confirme Loïc Saroul. Avec un objectif affiché : redonner du sens et de l’efficacité à leur dispositif. À iso-budget !

Souvent, « les systèmes de rémunération n’évoluent pas aussi vite que les politiques commerciales », observe Fabien Lucron, directeur du développement de Primeum (spécialiste de la rémunération variable). Une différence de tempo préjudiciable à la motivation des équipes, qui amène les entreprises à revisiter leur mécanisme pour qu’il soit parfaitement en ligne avec leur stratégie. Confronté à un turnover important, le fabricant de peinture Zolpan a ainsi progressivement modifié le SRV de ses forces de ventes, en mettant notamment l’accent sur la lisibilité et la simplicité (lire p. 24). Encore faut-il être capable de discerner, dans les organisations matricielles qui se sont développées ces dernières années, qui participe vraiment à l’acte de vente. « La chaîne de valeur s’est complexifiée, explique Darius Beretta. Il faut parvenir à déterminer la contribution de chacun car, si le SRV ne rémunère pas les bonnes personnes, l’entreprise sera contrainte de recourir à des palliatifs. »

Extension aux populations non commerciales

L’extension des dispositifs de variable aux populations non commerciales, avec des objectifs individuels fixés en fonction de la nature du poste occupé et l’intégration de critères collectifs et qualitatifs ont compliqué les choses. Au point d’engendrer certaines dérives : « Par suivisme, des entreprises ont appliqué ces pratiques sans vraiment réfléchir au lien avec le management de la performance. Elles se retrouvent, du coup, avec un système qui n’est pas pertinent. Plus le nombre de collaborateurs concernés est élevé, plus le processus est difficile à maîtriser et vécu comme une contrainte par les managers chargés de l’animer », développe Loïc Saroul. D’autant que certaines directions ont multiplié les indicateurs, « parfois au-delà de la trentaine », témoigne Christophe Laval, président fondateur de VPRH (société spécialisée dans la reconnaissance au travail). « C’est une façon de se rassurer en croyant tout maîtriser, commente-t-il. Ce n’est évidemment pas le cas : s’il y a trop d’indicateurs, on ne sait plus quels sont les objectifs. Les managers finissent par confondre les deux. »

Les employeurs se doivent d’être très attentifs à la démotivation des meilleurs éléments. Un risque encouru lorsque le seuil de déclenchement du variable reste fixé à un niveau trop élevé dans une conjoncture durablement dégradée. À l’inverse, des entreprises finissent par se rendre compte que leur système a finalement produit ce que Darius Beretta qualifie de « variable de complaisance », entendez qui ne varie plus vraiment. Un dysfonctionnement, semble-t-il, assez fréquent et dû au fait que les managers ont du mal à objectiver leur décision concernant la performance de leurs collaborateurs. Même lors­qu’ils n’atteignent pas complètement leurs objectifs, ces derniers touchent quand même presque intégralement leur part variable. Et plus celle-ci est importante par rapport au fixe, plus il est délicat de faire jouer son caractère réversible.

Casse-tête pour les employeurs, le sujet de la RV peut rapidement devenir explosif en mécontentant les collaborateurs qui, pour certains, auront le sentiment de ne pas avoir de prise sur la performance attendue, et pour d’autres, trouveront le système inéquitable. « Les salariés, notamment les cadres, ont intégré le fait que les entreprises avaient parfois besoin d’adapter leur grille de salaires fixes pour attirer ou conserver des talents, soutient Darius Beretta. Mais le variable doit être attribué selon un modèle de performance partagé par l’ensemble des intéressés, et les notions d’équité de traitement et de transparence y sont bien plus importantes. » Adecco, qui a récemment modifié son SRV sans baisser le montant de l’enveloppe globale, aurait lésé au passage certains salariés. Et s’est attiré les foudres des syndicats (lire p. 26).

« Le variable donne du sens, crée un engagement, à la condition que le système ne soit pas dévoyé, conclut Darius Beretta. Il en va de la crédibilité des directions opérationnelles et RH de s’assurer que la RV est véritablement alignée avec son modèle de performance. »

L’ESSENTIEL

1 Bon nombre d’entreprises ne sont pas satisfaites de leur système de variable et cherchent à l’ajuster pour lui redonner du sens et l’aligner sur leur stratégie.

2 La mise en place ou la refonte d’un tel dispositif nécessite au préalable de prendre le pouls de l’organisation. Tout doit être pris en considération avant de s’attaquer au mécanisme lui-même.

3 Le sujet est extrêmement sensible. Mieux vaut jouer la transparence avec les partenaires sociaux et la concertation avec le management et les équipes, dans le respect de certaines règles de base.

Une transparence nécessaire

« Le recours croissant à la part variable dans les rémunérations doit inciter les entreprises à la vigilance, surtout lorsqu’elles décident de tout contractualiser », soutient Alain Ménard, avocat associé au cabinet Racine, qui voit se multiplier les prises d’acte. D’où la nécessité de faire preuve de transparence et de loyauté. D’abord dans la fixation des objectifs, qui relève de la responsabilité de l’employeur, le cas échéant en concertation avec le salarié, « ce qui est préférable », estime-t-il.

Ces objectifs doivent être indépendants de la volonté de l’employeur, et fixés en début d’exercice, en accord avec les dispositions du contrat de travail. Et ils doivent être réalisables, ce qui veut dire que le salarié concerné doit pouvoir les atteindre. « L’employeur doit tenir compte de la situation du marché et ne pas faire porter le risque de l’entreprise sur le seul salarié, précise Alain Ménard. Lorsqu’il s’agit d’objectifs qualitatifs, il doit être en mesure de démontrer l’objectivité des appréciations. Par ailleurs, le salarié a la possibilité de demander la justification de sa rémunération variable. Les modalités de calcul doivent donc être compréhensibles et vérifiables. » La clause d’objectifs doit être rédigée en français.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT