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Réglementation des stages : le difficile équilibre

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 25.02.2014 | Florent Millot

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Réglementation des stages : le difficile équilibre

Crédit photo Florent Millot

Le contexte économique, le souci de l’emploi et de l’insertion des jeunes en entreprise, les situations médiatisées d’étudiants ou de jeunes actifs multipliant les stages sont certainement autant d’explications à l’inflation de la réglementation sur les stages en entreprise ces dernières années.

Si l’on effectue un rappel :

• L’article 9 de la loi du 31 mars 2006 a imposé la conclusion d’une convention tripartite de stage, une durée maximale de stage de six mois, et le versement d’une gratification pour les stages d’une durée supérieure à trois mois.

• L’article 30 de la loi du 24 novembre 2009 a précisé que les stages sont intégrés à un cursus pédagogique et a abaissé le seuil au-delà duquel une gratification doit être versée de trois à deux mois.

• L’article 27 de la loi du 28 juillet 2011 a entériné des principes et des règles issus du l’ANI du 7 juin 2011 : l’interdiction de recourir à des stagiaires pour l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l’entreprise, la mise en place d’un délai de carence en cas d’accueil successif de stagiaires pour effectuer des stages sur un même poste.

• Le titre IV de la loi du 22 juillet 2013 consacré aux stages en milieu professionnel a inscrit à l’article L. 612-8 du Code de l’éducation une définition du stage.

Après ces avancées graduées, c’est en dernier lieu une proposition de loi entièrement consacrée au développement et à l’encadrement des stages qui a été déposée au bureau de l’Assemblée nationale le 14 janvier 2014 par le groupe socialiste.

Deux dispositions nouvelles de ce texte attirent plus particulièrement l’attention :

• La réécriture de l’actuel dernier alinéa de l’article L. 612-8 du Code de l’éducation, qui étend l’interdiction de recourir à une convention de stage pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail ;

• La création d’un seuil maximal de stagiaires qu’une entreprise est autorisée à accueillir sur une même semaine civile (la fixation du seuil étant renvoyée à un décret).

Ces dispositions paraissent en contradiction avec l’un des buts affichés de la proposition de loi du 14 janvier 2014 : le développement des stages.

Il n’est pas question de dire que le développement des droits du stagiaire (qui est un des volets de la proposition de loi du 14 janvier 2014) n’est pas un objectif nécessaire (gratification, droits sociaux, convention de stage, but pédagogique au stage…).

L’inquiétude se porte plutôt sur le triptyque : délai de carence, seuil maximal de stagiaires et règle d’interdiction de recours au stage pour pourvoir un poste permanent au sein de l’organisme d’accueil.

Bien avant 2011, les tribunaux avaient su faire la part des choses entre un véritable stage et un emploi permanent de l’entreprise et requalifier en contrat de travail les “stages” qui devaient l’être. L’apport de ces textes est donc limité, et leur nouveauté pourra fixer un cadre trop rigide, et/ou ouvrir la voie aux interprétations :

• S’agissant de la règle d’interdiction de pourvoir un emploi permanent, la frontière est parfois très ténue entre un stagiaire et un véritable salarié pour des étudiants dont le stage est une phase ultime avant leur accession à la vie professionnelle.

• S’agissant de la carence et du seuil maximal de stagiaires, le législateur n’a prévu qu’une sanction administrative en cas de non-respect. Du point de vue du stagiaire, quelle sera la réaction des tribunaux : y aura-t-il automatiquement requalification de la convention de stage en contrat de travail à durée indéterminée en cas de non-respect ?

Tout cela crée une insécurité juridique qui n’est pas favorable au développement des stages. La proposition de loi du 14 janvier 2014 a été débattue en séance à l’Assemblée le 19 février 2014. Il faut souhaiter que les débats parlementaires permettent de recentrer les discussions sur les droits des stagiaires.

Auteur

  • Florent Millot