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Le rendez-vous de la formation

La vérité sur la mutualisation des fonds

Le rendez-vous de la formation | Décryptage | publié le : 11.02.2014 | LAURENT GÉRARD

La note d’analyse Dares-ministère du Travail de janvier 2014 n° 007 donne enfin la réalité de la mutualisation des fonds de la formation et casse bien des idées reçues.

« Les entreprises de moins de 20 salariés reçoivent chaque année de la part des Opca de l’ordre de 500 millions d’euros de plus que ce qu’elles ont versé, en provenance des entreprises de taille supérieure », affirme le ministère. Ceci représente un abondement de 80 % pour celles de moins de 10 salariés et de 40 % pour celles de 10 à 19 salariés. En corollaire, cet abondement entraîne une perte de 10 % à 25 % pour les entreprises de 20 salariés et plus. Ainsi, en 2011, les entreprises de 2000 salariés ont versé 268 millions d’euros (soit 0,2 % de leur masse salariale) de plus que ce qu’elles ont perçu.

Analyse détaillée

Cette redistribution des grandes entreprises vers les petites s’opère à travers la professionnalisation (contrat, période), le DIF et le CIF. Pour les entreprises de moins de 20 salariés, ces subventions représentent deux à trois fois la somme qu’elles versent aux Opca au titre de la professionnalisation et plus de cinq fois pour le CIF.

Sur le plan de formation, c’est plus subtil : la redistribution interclasse (des grandes vers les petites) est faible (2,7 %), mais la redistribution intraclasse (entre entreprises de même famille de taille) n’est pas négligeable (15 %), et elle est « certainement un peu sous-évaluée, car ne tenant pas compte des versements au-delà du seuil et non utilisés », note la Dares. Qui ajoute que, certes, « les 10-49 sont en légère situation de financeur (10 %) pour les plus de 50. Toutefois, comme 70 % des dépenses plan ne transitent pas par les Opca, ces transferts sont faibles. De plus, les petites entreprises sont moins nombreuses en proportion à être subventionnées par les Opca, mais lorsqu’elles le sont, le niveau relatif des aides est bien plus important ». Au final, dans cette mutualisation in­traclasse, 40 % des entreprises de plus de 10 salariés sont perdantes, 31 % consomment ce qu’elles versent et 29 % sont gagnantes.

Deux points importants sont à noter. Premièrement : le taux d’entreprises gagnantes croît avec la taille (24 % des 10-19, 40 % des 50-199, 45 % des 200-499), puis s’écroule à 3 % pour les 500-1999. Ce qui confirme que la mutualisation sur le plan profite aux entreprises de 50-500 salariés : celles qui font justement l’objet de la revendication de la CGPME (lire page suivante) contre la position du Medef.

Deuxièmement : les entreprises qui ne dépensent que l’obligation légale ne représentent que 30 % de l’emploi salarié. Ce qui signifie que les autres 70 % sont employés dans des entreprises dépassant leur obligation et potentiellement intéressées par la mutualisation.

Ces éléments et constats désavouent les “instituts” affirmant que la mutualisation est une vue de l’esprit et que tout cela ne sert qu’à financer le paritarisme (même s’il y a des points à améliorer). Ils jettent aussi un trouble sur les analyses parlementaires qui ont débouché sur plusieurs réformes.

Alors que le “jaune budgétaire formation annexe à la loi de finance 2014” ne fait état que du chiffre très partiel de 2,7 % (repris par le Medef durant les négociations), c’est la première fois que la Dares, donc la DGEFP, donc le ministère, rend publique une analyse aussi explicite et ­détaillée de la mutualisation des fonds de la formation : cela aurait pu être le cas tous les ans depuis toujours. Tous ces éléments sont tirés des 24-83 et états statistiques et financiers qui devraient être publics. Pourquoi les services de Michel Sapin ont-ils autorisé aujourd’hui la production et la sortie de cette note (la Dares n’a pas répondu à notre demande d’explication) ? Une manière de tirer un signal d’alarme ?

Auteur

  • LAURENT GÉRARD