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La consultation du CHSCT : un nid à contentieux

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 11.02.2014 | Thibault Meiers

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La consultation du CHSCT : un nid à contentieux

Crédit photo Thibault Meiers

Quand faut-il consulter le CHSCT et, par extension, dans quel cas celui-ci est-il en droit de recourir à un expert ? La réponse est loin d’être évidente.

L’article L. 4612-8 du Code du travail dispose que le CHSCT « est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ».

Difficile de trouver formulation plus imprécise et confuse. Elle génère d’ailleurs un abondant contentieux et des décisions de justice contrastées.

À lire le texte, seuls les aménagements importants requièrent l’avis du CHSCT. Reste que ce qui est important pour les uns ne l’est pas nécessairement pour tous.

L’importance renvoie d’abord à une idée de volume. Un aménagement modifiant les conditions de travail est important lorsqu’il impacte la collectivité de travail et concerne un nombre significatif de salariés rapporté à l’effectif de l’établissement. Aucune proportion exacte de l’effectif total n’est toutefois déterminée par la jurisprudence comme seuil à partir duquel la consultation s’imposerait. L’appréciation de l’importance sur le plan quantitatif variera donc selon la taille de l’établissement et la nature de la décision, étant précisé qu’il ne faut pas uniquement porter son regard sur le nombre de salariés concernés lors du lancement du projet mais également sur celui qui le sera au vu de ses évolutions prévisibles.

L’importance renvoie aussi aux conséquences des changements apportés. Lors de l’élaboration du texte, il avait été soutenu que ces changements devaient être « déterminants ». L’administration fait de son côté référence à « de réelles modifications ». Les juges affirment que l’aménagement doit être soumis à l’avis du CHSCT dès lors que sont envisagées des modifications « significatives ». Rien de très éclairant sur le plan opérationnel.

Justifient généralement la consultation du CHSCT les aménagements collectifs qui emportent des effets notables sur les rythmes biologiques (ex. : accroissement du travail de nuit), le stress (ex. : mise en place de dispositifs d’évaluation du personnel) ou la fatigue/la charge de travail (ex. : ajout de nouvelles tâches sans ressources proportionnées affectées à leur réalisation). Le changement d’employeur (même en cas de transfert légal), la modification de l’environnement de travail (ex. : déménagement du lieu de travail, passage en open space de salariés dont l’emploi impose concentration et confidentialité) ou le recours à un nouvel outil nécessitant une formation peuvent également caractériser un aménagement important. Cela se comprend.

Moins évident, le nombre fait parfois l’importance, certains magistrats substituant à l’analyse de l’impact des changements sur les conditions de travail une simple énumération de ceux-ci. Plus subtil encore, la procédure d’élaboration des aménagements peut également constituer un indice d’importance selon la qualité de ceux qui y concourent (ex.: médecin du travail), sa durée et l’ampleur des informations remises au CHSCT.

En revanche, ne requièrent en principe pas le recueil de l’avis du CHSCT, dès lors qu’ils n’emportent aucune transformation des postes de travail, aucun changement de métier, aucune formation nouvelle ni modification des durées de travail, cadences et normes de productivité et qu’ils ne génèrent pas de situations anxiogènes, les aménagements consistant à décaler de quelques minutes les horaires de travail, mettre à niveau les outils de travail, ajuster la charge de travail entre les salariés ou ceux, purement administratifs, de réaménagement d’organigrammes.

Paradoxalement, c’est à ces sujets que les tribunaux ont tendance à étendre la consultation, en invoquant les insaisissables risques psychosociaux, au motif que la consultation du CHSCT et, éventuellement, le recours de celui-ci à un expert, n’apporteraient qu’une sujétion limitée aux entreprises. La vigilance est donc de mise.

Auteur

  • Thibault Meiers