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La réforme qui divise l’inspection du travail

Actualités | publié le : 11.02.2014 | VIRGINIE LEBLANC

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La réforme qui divise l’inspection du travail

Crédit photo VIRGINIE LEBLANC

Quatre syndicats s’opposent fermement au projet de réforme de l’inspection du travail, qui passait en examen à l’Assemblée nationale la semaine dernière : la nouvelle organisation menacerait leur indépendance, principe garanti par une convention de l’OIT. Il doit être rappelé dans la loi. Néanmoins, ces organisations de salariés restent mobilisées.

La réforme de l’inspection du travail, intégrée dans le projet de loi relatif à la formation professionnelle, devrait être adoptée définitivement avant la pause parlementaire de mars, selon le souhait de Michel Sapin, ministre du Travail. Mais les syndicats majoritaires CGT, FO, SUD et le SNU TEFE-FSU (Syndicat national unitaire-Travail emploi Formation Économie-Fédération syndicale unitaire) se sont mobilisés depuis plusieurs mois pour combattre ce projet, jusqu’à lancer, le 3 février, un mouvement de grève et des manifestations dans toute la France. Sans compter leur “lobbying” auprès des députés pour pousser à l’adoption d’amendements.

Le premier point de friction a porté sur la création d’unités locales de contrôle et la remise en cause, selon eux, de l’indépendance de l’inspection du travail. Ces nouveaux échelons territoriaux d’intervention dans l’entreprise regrouperaient entre 8 et 10 agents et seraient pilotés et animés par des responsables d’unités de contrôle (RUC).

SUD estime que ces RUC « seront chargés d’orienter l’action de contrôle en fonction des priorités politiques du ministère et de mettre au pas les plus récalcitrants vis-à-vis des programmes de contrôle décidés par la hiérarchie sans lien avec les problématiques de terrain ». Il craint un interventionnisme qui irait à l’encontre de la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail. Un avis qui n’est pas partagé par la CFDT. Pour le troisième syndicat représentatif, cette création est au contraire plutôt une bonne chose eu égard au malaise que connaît l’inspection depuis des années : « Il n’y a plus de collectif. Le RUC aura des responsabilités de chef de service et il interviendra en appui, et non pas en substitution », affirme Niklas Vasseux, représentant de la CFDT et inspecteur du travail.

Respect du principe d’indépendance

Une affirmation que nie aussi le ministre du Travail. « Indépendance, c’est très concret, cela veut dire liberté de l’agent d’organiser le contrôle et de donner des avertissements ou des conseils, d’intenter ou de recommander des poursuites […], impossibilité de le dessaisir d’un dossier, de l’écarter d’une entreprise. Cela veut dire protection contre toute influence indue : ingérence, pressions, menaces », avait affirmé Michel Sapin en séance le 5 février. Le principe d’indépendance est même érigé en principe général du droit, il sera scrupuleusement respecté comme il l’est aujourd’hui, affirme le ministère.

En outre, un amendement PS rappelant que « les agents de contrôle de l’inspection du travail disposent d’une garantie d’indépendance dans l’exercice de leur mission » a été adopté en séance le 7 février. De fait, cette question de l’indépendance a pris récemment de l’ampleur autour du cas Tefal, à Annecy, l’entreprise ayant tenté de faire évincer une inspectrice du travail un peu trop sourcilleuse (lire ci-contre).

Les opposants au texte ont fait également valoir que la réforme Sapin aboutit à une « diminution vertigineuse » des effectifs. Ils pointent 208 postes en moins pour les Direccte en 2014. Faux, selon la CFDT. Et faux, selon le ministère du Travail. Comme les autres ministères, il verra ses effectifs diminuer en 2014, mais dans une proportion moindre (baisse de 1,4 % des effectifs, contre 2,5 % pour les autres ministères). In fine, l’effort de réduction demandé s’élèvera à 117 ETP.

Par ailleurs, cette nouvelle organisation se traduira par un important mouvement de promotion et de qualification, avec l’extinction du corps des contrôleurs d’ici à dix ans. Tous les agents de contrôle ne seront plus que des inspecteurs du travail. Dans les trois ans qui viennent, 540 postes de contrôleur en section seront transformés en postes d’inspecteur, et le mouvement se poursuivra au-delà.

Brigitte Pineau, secrétaire générale de l’Unsa-Itefa, le deuxième syndicat après la CGT, affirme que, derrière les protestations des quatre syndicats se cache « leur refus d’accepter que les contrôleurs accèdent au corps des inspecteurs ». Ce syndicat, comme la CFDT, soutient la réforme, mais reste vigilant sur les évolutions des effectifs et demande que, sur la mandature, l’intégralité des contrôleurs deviennent inspecteurs.

« Ce délai de dix ans est trop long, souligne Niklas Vasseux. Cela va désorganiser les services, il faut le ramener à cinq ans. » L’objectif général de la réforme est aussi d’améliorer l’effectivité du droit du travail et d’accélérer la mise en œuvre des sanctions. Ainsi, le projet de loi intègre la création de sanctions administratives et prévoit un dispositif de transaction pénale.

Là encore, les modalités pratiques passent mal auprès de l’intersyndicale. « Nous sommes très critiques sur la disposition qui confie aux Direccte la responsabilité de prononcer les amendes administratives sur la base du rapport de l’agent de contrôle, affirme François Stehly, représentant SNU TEFE-FSU et inspecteur du travail. Nous proposons que les amendes administratives soient prononcées par une autorité administrative indépendante. »

« L’agent qui constate une infrac-tion ne doit pas être le même que celui qui décide de la sanction. C’est pourquoi la compétence est donnée aux Direccte », répond le ministère.

Procédure contrôlée par le parquet

S’agissant de la transaction pénale, la procédure est contrôlée par le parquet, puisque la tran-saction ne peut être mise en œuvre qu’avec l’habilitation du procureur, poursuit-il ; il n’y a donc aucune atteinte à l’indépendance de l’inspection ! Un amendement visant à ajouter que les transactions pénales se feront sur avis conforme de l’agent de contrôle devait être discuté le 7 février.

L’inscription du principe d’indépendance sera une avancée pour l’intersyndicale, mais les sénateurs ne manqueront pas d’être sollicités sur d’autres modifications du texte. Le projet de loi sera ensuite examiné dès le 18 février par le Sénat.

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  • VIRGINIE LEBLANC