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Pratiques

La recette gagnante d’un précurseur

Pratiques | Retour sur… | publié le : 04.02.2014 | VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE

Une présélection, un stage préalable, un placement dans une seule entreprise : les spécificités d’intégration des jeunes dans l’emploi du groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (Geiq) BTP du Rhône font sa réussite depuis vingt ans.

Vingt ans et fier de lui : le groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (Geiq) BTP 69, qui fut l’un des premiers de France, affiche un bilan positif. Sur près de 1 000 jeunes mis à disposition dans ses 60 entreprises adhérentes, 77 % se sont qualifiés, parmi lesquels une majorité (73 %) a obtenu une embauche.

« En 1993, les maîtres d’ouvrage publics ont développé les clauses d’insertion, rappelle Pierre Bonche, dirigeant des Établissements Bonche et président du Geiq. Mais faire travailler des jeunes, sans sélection, dans leur propre quartier, s’est révélé une erreur. » Jean Chanel, dirigeant de la société éponyme, et Charles Romieux, chargé de l’insertion auprès des organismes HLM du Rhône, ont alors adapté un dispositif existant pour les saisonniers agricoles. En posant des spécificités.

Professionnalisation

La première est le recours exclusif à des contrats de professionnalisation, et ce pour des moins de 26 ans, alors que d’autres Geiq utilisent plusieurs types de contrats et ciblent aussi les adultes. Jusqu’en 2004, le Geiq BTP 69 signait avec les jeunes des contrats de six mois, puis il est passé à un an, une durée plus favorable à la qualification, avant de revenir, depuis deux ans, à six mois : « Avec la crise, les employeurs ont du mal à s’engager », note Valérie Simonnet, coordinatrice du Geiq.

Pérenniser les emplois

Autre particularité : chaque jeune est mis à disposition dans une seule et même entreprise, qui le fait intervenir sur des chantiers soumis à une clause d’insertion, mais aussi sur d’autres. Découvrant ainsi différentes situations, mais avec les mêmes encadrants, voire collègues, il apprend le métier… et s’intègre : « Cela facilite la pérennisation des emplois », assure Valérie Simonnet. « J’y ai recours surtout parce que cela m’aide à recruter », explique Nicolas Roiret, président de la société Botta, qui embauche chaque année l’un des deux jeunes qu’il accueille en alternance. Même dans les années 2000, où les clauses d’insertion étaient moins fréquentes, le Geiq a continué à placer environ 50 jeunes par an (25 à 30 ETP) : « Nous sommes un outil de recrutement supplémentaire, commente la coordinatrice. D’autant que nous nous occupons de tout, jusqu’aux suivis administratif et social. »

Les jeunes sont présélectionnés sur leur motivation à travailler dans le bâtiment. Adressés par Pôle emploi, par la mission locale ou par le bouche-à-oreille, ils sont reçus pour cela en entretien par Valérie Simonnet. Cumulant les petits boulots, mal orientés ou encore ayant échoué au CAP, ces jeunes hommes (il n’y a pas de candidates) sont en difficulté, mais employables : « Le Geiq est la dernière étape avant le marché de l’emploi ordinaire, commente-t-elle. Mais ces personnes ne seraient pas recrutées par la voie classique, car elles ont besoin d’être soutenues, qu’on les aide à résoudre un problème de logement, de santé… même en poste. »

Depuis 2007, leur motivation est confirmée au cours d’un mini-stage (pour ceux qui relèvent d’une mission locale) ou d’une évaluation en milieu de travail (EMT, financée par Pôle emploi). Cette période de deux à trois semaines se déroule sur le futur lieu de travail du jeune. « Cela permet de se tester mutuellement », apprécie Nicolas Roiret. Si, selon Valérie Simonnet, cela a en effet « réduit quasiment à néant les échecs en période d’essai », le Geiq projette d’aller plus loin. Cette année, il proposera, si nécessaire, une préparation opérationnelle à l’emploi (POE) de 170 heures.

Formation technique évolutive

Enfin, autre spécificité du Geiq 69, la souplesse : les entrées dans le dispositif sont possibles à tout moment de l’année, et la formation (à la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment, au Greta…) est personnalisée. Strictement technique, celle-ci peut en outre évoluer en fonction des besoins de l’entreprise et du niveau initial du jeune : « Si celui-ci doit intervenir sur un chantier de placo, cite la coordinatrice, je demande au centre de formation de l’intégrer à un module sur cette technique. » À l’issue du contrat de professionnalisation, les trois quarts des jeunes prétendent à la qualification professionnelle d’ouvrier d’exécution niveau I position 2. Celle-ci leur est attribuée (ou non) par un jury composé de représentants des “membres orienteurs” du Geiq (fédérations professionnelles, bailleurs sociaux, ville de Lyon) et d’employeurs utilisateurs, ainsi que du centre de formation et de l’entreprise d’accueil. Un autre quart des candidats passe un examen conduisant au titre professionnel.

« Nous réussissons sans aides publiques spécifiques, se félicite Pierre Bonche. C’est la profession qui nous finance par les adhésions et les règlements des entreprises, et via l’Opca Constructys, qui paie la formation des jeunes et le tutorat assuré par notre coordinatrice. Le Geiq est le modèle d’insertion le moins coûteux! »

Seul effet “pervers” : satisfaits de ce dispositif, certains employeurs se détourneraient du contrat d’apprentissage. « Le contrat de professionnalisation est plus court, et passer par le Geiq est plus souple si l’insertion ne se passe pas bien », témoigne François Oliveira, directeur de Rhoniselec. « Nous allons leur expliquer qu’il faut préserver un équilibre », prévoit Nadine Renard, responsable de l’organisation professionnelle BTP 69 et “membre orienteur” du Geiq.

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  • VÉRONIQUE VIGNE-LEPAGE