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L’ESSAYER, C’EST L’ADOPTER

Enquête | publié le : 28.01.2014 | LAURENT GÉRARD

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L’ESSAYER, C’EST L’ADOPTER

Crédit photo LAURENT GÉRARD

L’usage des “serious games” ou jeux sérieux, informatisés, se répand dans les grandes entreprises, malgré un prix parfois encore très élevé. Et il convainc : les trois quarts des entreprises qui ont déjà acheté au moins un jeu de ce type déclarent qu’elles envisagent d’en acquérir un autre prochainement.

Former rapidement beaucoup de monde, avec un fort niveau d’interactivité, sur des thématiques parfois très complexes et techniques ou, à l’inverse, très simples mais pour des publics peu qualifiés : l’espoir que portent les jeux sérieux informatisés ou serious games est grand. Une modalité pédagogique adaptable, réutilisable quasiment à l’infini, touchant rapidement les publics visés… Que demander de mieux ?

Imaginove, le pôle de compétitivité des filières des contenus et usages numériques en Rhône-Alpes, estime que « le jeu est un vecteur formidable pour l’apprentissage, et le serious game s’insère parfaitement dans les nouvelles méthodes pédagogiques. Les nouvelles technologies comme la simulation, la réalité virtuelle et la mobilité promettent un bel avenir au serious game, car ces innovations permettront une immersion plus forte et une efficacité accrue. Les prochaines années verront sans doute l’avènement du serious game à la portée de tous et de toutes les entreprises grâce aux efforts des différents acteurs ».

À la portée de tous ? Tel est l’enjeu, voire le problème. Car, comme le montre une étude (lire p. 22) d’Imaginove, le recours à cette modalité pédagogique reste l’apanage des entreprises de plus de 500 salariés, le prix de ces jeux étant encore discriminant pour les PME et TPE.

Des compétences essentielles

Les objectifs pédagogiques portés par les serious games sont parfois très lourds, et l’importance de l’effort financier peut s’expliquer. C’est par exemple le cas des compétences en sécurité nucléaire. « Le jeu Osiris vise à former les personnes compétentes en radioprotection dans les centrales nucléaires, explique Alain Pin, ingénieur et responsable pédagogique à l’INSTN de Cherbourg-Octeville. Mesures de débits, mesures de contamination de surface, mise en place des balisages et des appareils de contrôle ; il ne s’agit pas de les préparer à une intervention mais d’alimenter leur réflexion sur l’identification des risques radiologiques. »

L’enjeu de sécurité est également au cœur du serious game “One shot to secure” développé pour Renault, sur la prise en compte des risques informatiques dans la gestion de projet. Et le déroulé peut être implacable : « Lorsque le niveau initial de risque est mal évalué, le joueur doit ajouter une protection à posteriori, cela lui coûte plus cher que s’il avait bien anticipé », précise Cédric Mullot, spécialiste de la sécurité des systèmes d’information chez Renault, qui a piloté ce projet.

Autre éclairage : apporter à des populations faiblement qualifiées, voire quasi illettrées, les notions, compétences et savoir-faire nécessaires à leur métier, sans passer par l’écrit ! C’est l’objectif de Marc Joly, directeur formation du groupe de restauration Compass : « Le choix d’un serious game interactif, basé uniquement sur des situations de travail mettant en scène des employés guidés par un chef virtuel, c’était une façon de contourner les problèmes de lecture. Nos employés de restauration étant très peu qualifiés ou issus de différents pays, nous ne voulions aucun recours à l’écrit. »

Réduire les coûts

Les enjeux sont forts, et les attentes des entreprises en termes d’efficacité et d’impact sont importantes. Reste que ces développements demandent des investissements financiers non négligeables du fait des nécessaires « compétences pointues sur la partie analyse pédagogique, sur l’aspect construction du scénario et sur la partie développement informatique », justifie Gérald Poixblanc, auteur d’un rapport sur les serious games pour le Garf en octobre 2013 (lire l’entretien p. 26).

Parmi les différentes pistes à explorer pour réduire le coût de ces jeux, la collaboration interentreprises autour de la construction d’un outil partagé, adaptable aux besoins spécifiques de chacune, est peut-être celle qui a le plus d’avenir.

L’expérience menée par Natixis, Orange et PwC autour du prestataire Dæsign laisse penser que beaucoup de choses pourraient être réalisables de cette manière. « Nous sommes allés à l’épure, en nous affranchissant des anglicismes ou du jargon de nos entreprises respectives », commente Muriel Navarre, la directrice de formation de PwC France. « Nous avons un socle managérial commun : nos entreprises ont toutes une stratégie de différenciation par la valeur », confirme Martine Babault, responsable de formation d’Orange Campus. Une voie dans laquelle pourraient s’engager de nouveaux adeptes.

* L’étude porte sur 180 000 BSI dans 105 entreprises.

L’ESSENTIEL

1 Le serious game, s’il est encore peu répandu dans les PME et TPE, séduit les grandes entreprises qui l’ont testé.

2 Ce type de formation à distance offre des qualités d’immersion qui répondent aux besoins de différents publics, que ce soit par une mise en situation impossible en conditions réelles ou pour éviter les problèmes liés à l’écrit.

3 Si le développement d’un serious game suppose un investissement important, il est possible de le mutualiser entre plusieurs sociétés.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD