Paris, c’est l’enfer pour les chauffeurs-livreurs car, dans la capitale bobo qui pédale écolo, le camion est l’ennemi public numéro un : il provoque des embouteillages, pollue et fait du bruit. L’auteure, journaliste, a voulu comprendre le quotidien des professionnels de la livraison pris dans un entrelacs d’injonctions contradictoires : diminution des places de stationnement mais exigences de ponctualité ; contraintes en termes de qualité et de service rendu mais restrictions de circulation ; optimisation du rapport qualité-prix du transport, qui oblige à utiliser des véhicules de gros tonnage, mais intolérance croissante de la part des riverains, etc.

Le Parisien, qui trouve normal que le commerce où il s’approvisionne dégorge de nourriture variée et d’une fraîcheur impeccable, est devenu intolérant aux contraintes logistiques nécessaires pour combler ses désirs. Cela vaut évidemment pour les autres agglomérations. À mesure que les centres urbains se vident de leur population ouvrière au profit des classes supérieures, le fossé se creuse entre les citadins et les petites mains qui travaillent pour eux. Un divorce social que les chauffeurs-livreurs ont pour consigne de savoir gérer en adoptant un profil bas face aux râleurs de tous acabits.

Loin d’être un univers brut de décoffrage, la livraison demande des qualités de diplomatie et de stratégie que l’on ne s’attendrait pas à trouver dans ce type de métier. Sans que ces talents soient nécessairement reconnus sur la feuille de paye.

La Course ou la ville

Ève Charrin, Seuil, 80 pages, 5,90 euros.