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Les résultats mitigés de la plate-forme PSA-Afpa à Aulnay

Pratiques | publié le : 21.01.2014 | DOMITILLE ARRIVET

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Les résultats mitigés de la plate-forme PSA-Afpa à Aulnay

Crédit photo DOMITILLE ARRIVET

Lors de la fermeture de l’usine de PSA à Aulnay-sous-Bois (93), le constructeur a déployé un faisceau d’outils destinés à reclasser ses 3 000 salariés. Particulièrement innovant, le centre de transition professionnelle développé avec l’Afpa a adapté les compétences de salariés prérecrutés par des entreprises partenaires. Un dispositif complexe à mettre en musique.

Dans le plan de reclassement de PSA Aulnay, qui a mobilisé, selon le constructeur, pas moins de 75 spécialistes des ressources humaines, les regards se sont surtout tournés vers le dispositif original mis en place avec l’Afpa, l’organisme de formation des adultes, à partir d’avril 2013. Cette plate-forme de formation, installée sur le site séquano-dionysien en cours de fermeture – la dernière voiture est sortie en octobre et la ligne de production de la C3 transférée à Poissy (Yvelines) –, avait pour mission d’adapter les compétences des salariés d’Aulnay qui obtiendraient préalablement un contrat avec une des trois entreprises partenaires de PSA: SNCF, Aéroports de Paris (ADP) et le réseau de transports parisiens RATP. Les trois entreprises publiques s’étant engagées à embaucher 300 ex-salariés d’Aulnay, formés par l’Afpa aux frais de PSA. « Un formidable exemple de solidarité entre entreprises en difficulté et entreprises qui recrutent », défend Vincent Segui, le responsable de la cellule de reclassement de l’usine automobile.

« En créant ce centre de transition professionnelle sur le site, nous avons voulu mettre en place un dispositif exemplaire », explique Yves Barou, président de l’Afpa. Concrètement, les directions de ces trois entreprises avaient pris chacune l’engagement de recruter une centaine de salariés préalablement formés à leurs besoins en compétences. Une démarche inverse par rapport aux pratiques habituelles, où l’on offre d’abord les formations sans connaître les débouchés, de façon à mieux sécuriser la concordance entre les compétences acquises et celles requises par le nouvel employeur. Ainsi, pour la SNCF, qui promettait des postes d’opérateurs et de maintenanciers, pour ADP et ses sous-traitants qui ouvraient 100 recrutements de maintenanciers, ou encore pour la RATP, qui offrait 100 places de conducteurs de bus, l’Afpa a conçu des modules de formation spécifiques. Des dispositifs allant du titre professionnel de transporteur routier au terme de 385 heures de formation pour la RATP, jusqu’au petit module de 105 heures destiné à transformer les ouvriers PSA en opérateurs voie pour la SNCF.

Complications

Cependant, dès les premières semaines, les parties prenantes ont constaté que les bonnes intentions prises au plus haut niveau n’étaient pas si simples à concrétiser. « Concernant la RATP, pour laquelle le dispositif a finalement bien fonctionné, la montée en charge a été laborieuse », reconnaît Nicolas Rivier, chef de projet PSA à l’Afpa. Trouver 100 candidats à une reconversion vers un métier nouveau s’est révélé plus long que prévu. « Les plus motivés se positionnent en début de processus. Nous avons facilement rempli notre première session de 16 stagiaires dès juin, mais, par la suite, la RATP a dû rencontrer et convaincre davantage de candidats pour pouvoir démarrer la session suivante », explique-t-il. Il a été dédié au site d’Aulnay trois formateurs et deux autobus, qui ont circulé sur des voies spécifiquement tracées sur le parking de l’usine pour les formations pratiques.

Convaincre les salariés

« Concernant ADP, nous avons mis du temps à nous accorder avec la direction sur le contenu de la formation. Ensuite, les salariés de PSA ont très rapidement pourvu les 20 postes offerts, car le salaire et la localisation à Roissy se sont révélés attractifs. » Depuis, les recrutements se sont étendus aux partenaires d’ADP à Roissy – dont Keolis, qui a recruté des conducteurs de bus formés au même titre professionnel que ceux de la RATP – et devraient se poursuivre jusqu’au printemps prochain.

Complications aussi avec la SNCF qui, en offrant à la fois des postes de maintenance sur les trains et sur les voies, cherchait des compétences différentes. « Nous avons manqué d’arguments pour conduire les salariés vers ces postes. D’autant que les syndicats avaient fait circuler une information selon laquelle les salaires étaient bas », regrette Nicolas Rivier. Et puis la SNCF ayant fait passer ses candidats PSA par son process classique de recrutement draconien, des retards ont été accumulés dans les plannings de formation : « Ces décalages massifs nous ont conduits à changer totalement nos programmations et à aller chercher d’autres formateurs, ceux que nous avions prévus n’étant plus disponibles, confie le chef de projet. Cependant, cette opération reste rentable pour l’Afpa, car nous avions la chance d’être hébergés sur le site, ce qui allège les frais de structure. »

Un aménagement confortable, comprenant une dizaine de salles de formation, un plateau technique de 800 m2 dédié à l’animation, à la bureautique et aux formations à la maintenance, et un bureau de recrutement destiné à présélectionner les salariés et à les préparer aux épreuves de sélection des entreprises partenaires. Une étape qui, selon les syndicats, aurait dû être mieux réfléchie : « Au début, il y a eu des loupés, car les collègues n’étaient pas préparés à affronter les tests de recrutement. Ils pensaient que c’était gagné au premier contact et étaient déçus lorsqu’ils n’étaient pas retenus. Nous avons dû demander à la direction des formations de mise à niveau, témoigne un représentant CFE-CGC du site. Imaginez l’opérateur de base, après parfois des dizaines d’années sur une ligne de fabrication, qui se retrouve devant une feuille de papier et des personnes autres que leur chef pour passer des évaluations compliquées ! »

Malgré les surprises, les nécessaires ajustements et des résultats qui devraient se limiter à tout juste 70 recrutements (30 pour la RATP, 20 pour ADP et moins de 20 à la SNCF) au lieu des 300 annoncés, le dispositif a reçu un satisfecit général : « Cette machine, c’est une proposition qui a été faite aux salariés volontaires. Ce moteur de reclassement a peut-être été surestimé, mais ce n’est un problème que si des gens restent sur le carreau. Ce qui compte, c’est le nombre total de personnes ayant trouvé une solution. La méthode est bonne et les formations que les salariés ont reçues ne sont pas des “formations parking” », défend Yves Barou, bien résolu à persister dans ce créneau de l’ingénierie de transition professionnelle.

D’autres mesures plus incitatives

Une satisfaction partagée par PSA : « Nos opérateurs formés en CTP ont obtenu des taux de réussite aux épreuves de sélection des entreprises bien supérieurs aux taux habituels », pointe Vincent Segui. Et, sur le terrain, les opérationnels ont déjà tiré les enseignements de l’opération: « Lorsqu’une entreprise telle que la SNCF ne sélectionne que 10 % des candidats qu’elle reçoit, il est nécessaire d’avoir un vivier beaucoup plus important pour pouvoir faire ces opérations à grande échelle, analyse Nicolas Rivier. D’autant que la partie transition professionnelle qui nous était confiée n’était qu’un élément du dispositif de reclassement de PSA. Notre offre était en concurrence avec d’autres mesures du PSE, parfois plus incitatives financièrement. Enfin, il aurait fallu que nous communiquions davantage en amont avec nos entreprises partenaires pour mettre plus en concordances les compétences des salariés de PSA et les postes proposés par les entreprises. »

À PSA, on reconnaît qu’Aulnay a « essuyé les plâtres » avec cette opération, mais elle sera reconduite. « Chez nous, la crise n’est pas finie. Le redéploiement industriel sera encore d’actualité dans les mois qui viennent », confie Vincent Segui.

L’ESSENTIEL

1 Sur le site d’Aulnay, désormais sans activité, l’Afpa a mis en place une plate-forme de formation destinée à adapter les compétences de salariés de PSA prérecrutés par la SNCF, Aéroports de Paris et la RATP.

2 Les trois entreprises publiques s’étaient engagées à recruter 300 personnes. Au final, seules 70 se sont inscrites dans le processus, mais l’expérience reste positive pour PSA.

3 Fin décembre, 400 salariés n’avaient toujours pas de projet professionnel. La phase de départs volontaires a été repoussée de trois mois, jusqu’à fin mars 2014.

Le PSE repoussé de trois mois

Dans un contexte de crise de l’emploi et de chute record des ventes de voitures dans l’Hexagone, l’engagement de PSA de reclasser ses 3 000 salariés affectés par la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois était épineux. D’ailleurs, malgré ses résultats jugés satisfaisants, le plan de départs volontaires signé au printemps 2013 et initialement prévu pour se terminer fin décembre 2013 a été repoussé de trois mois. En effet, fin décembre, quelque 400 salariés restaient encore sans projet concret.

Selon la direction de l’entreprise, depuis l’ouverture du PSE sur le site d’Aulnay, environ 2 600 salariés ont déjà été reclassés ou ont ouvert un dossier de reclassement : 1 200 d’entre eux ont choisi des mobilités internes, et 1 000 des mobilités vers d’autres entreprises ; 400 personnes bénéficient d’un départ en retraite ou se sont inscrites dans un congé de reclassement.

En parallèle, le groupe a travaillé à la réindustrialisation du site, afin de favoriser l’implantation d’entreprises qui proposeraient des emplois en adéquation avec les compétences des salariés. La première entreprise, ID Logistics, devrait s’implanter en 2015, en créant 590 emplois. Mais les ex-Aulnay n’attendront pas jusque-là.

Auteur

  • DOMITILLE ARRIVET