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LA COMMUNICATION, NERF DE LA GUERRE

Enquête | publié le : 21.01.2014 | HÉLÈNE TRUFFAUT

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LA COMMUNICATION, NERF DE LA GUERRE

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

De plus en plus d’entreprises adoptent le bilan social individuel (BSI), d’autres peaufinent leurs brochures consacrées à l’épargne salariale : l’heure est à la transparence sur un sujet bien difficile à appréhender. Premiers relais d’information sur la politique de rémunération menée par l’entreprise, les managers doivent s’initier à toutes ses subtilités.

Août 2012, le Britannique Logica fusionne avec le Québécois CGI. Aujourd’hui, le groupe de services en technologies de l’information compte 68 000 collaborateurs dans 40 pays, dont près de 10 000 en France répartis sur 22 sites. Depuis juillet 2013, tout est harmonisé.

« À l’issue d’une année de dialogue avec les partenaires sociaux, les managers et les collaborateurs, nous avons revu l’ensemble de nos processus RH et la philosophie de la rémunération », explique Didier Baichère, vice-président RH France Luxembourg, Maroc de CGI.

Désormais, 100 % des salariés ont une rémunération variable, contre 60 % auparavant, certains ayant vu une partie de leur variable réintégré dans leur fixe. « La transformation s’est globalement bien passée pour une entreprise de cette taille et aussi décentralisée », estime-t-il. Didier Baichère réfléchit aujourd’hui à la mise en place d’un bilan social individuel (BSI).

« Ce n’est pas une solution miracle, nuance-t-il. La politique RH nécessite d’être expliquée au fil de l’eau et c’est ce que nous faisons. Mais le BSI est un outil de transparence interne qui permet de mettre en perspective tous les éléments de rémunération directe et indirecte, les avantages sociaux financés par l’entreprise, la formation, capitale dans nos métiers, la politique d’actionnariat salarié, etc. Pour CGI, c’est le bon moment de proposer un BSI, d’autant que nous avons aussi changé de partenaire pour la complémentaire santé, et que nous avons fait le choix d’augmenter la contribution employeur. Cela ne représentera que quelques euros de plus sur chaque fiche de paie, mais c’est un budget conséquent à l’échelle de l’entreprise. »

Un instrument de comparaison

Le BSI, que Didier Baichère voit comme un document « factuel et éclairant », figurera donc au menu de la prochaine NAO. Ce dont se réjouit la CFTC, qui a justement inscrit cet outil dans ses revendications  : « Cela permettrait à chacun de bien comprendre la nouvelle structure de rémunération et d’avoir une vision globale de ses avantages au-delà du net mensuel. Donc de mieux comparer avec ce que peuvent proposer d’autres SSII », estime Patrick Renault, délégué syndical central CFTC de CGI.

Le BSI ne cesse de gagner du terrain. Pour Michelin, qui édite depuis 2011 un bilan individuel de rémunération, selon l’appellation maison, l’outil répond à un besoin de cohérence sur la finalité des différents éléments qui la composent (lire p. 24). Initialement adopté par les grandes entreprises, ce support de communication séduit aujourd’hui des PME, et devrait se dématérialiser de plus en plus. Ce qui permettra à la fois de l’alléger et d’y ajouter de l’interactivité. Pour l’heure, le support papier reste privilégié, si l’on en croit le Baromètre 2013 de la communication sociale* réalisé par Adding Group, spécialisé sur le créneau (lire “Le BSI en chiffres”, p. 23).

Matière sensible

L’étude indique que, si le document est généralement édité sur quatre pages, le format huit pages a fortement progressé par rapport à l’année dernière (33 % des BSI, + 14 points). Ce qui traduit, selon Adding, « une volonté de faire de la pédagogie ». Bref, il s’agit, pour les DRH, d’offrir de la clarté sur une matière sensible, en créant de la proximité. « Le BSI vise à valoriser l’engagement humain et l’investissement financier de l’entreprise envers ses collaborateurs, résume Boris Thieury, fondateur d’Alias Comm’ RH (cabinet de conseil en communication RH). Certaines entreprises traversent la crise en conservant leurs effectifs, mais sans augmenter les salaires. Communiquer sur le maintien ou l’amélioration des avantages permet de rassurer les salariés sur l’avenir des postes et de la société. »

En termes de contenu, de nouveaux sujets sont mis en avant, comme le temps de travail ou le compte épargne-temps (lire l’interview p. 25), tandis que les thèmes habituellement développés ont accusé un recul par rapport à 2012, dont la retraite. Laquelle devient pourtant, avec la formation – donc l’employabilité –, une préoccupation prépondérante des salariés, soutient Boris Thieury. « La dernière réforme interroge tout le monde. Les règles ont changé et chacun se pose la question de son niveau de pension. La préparation de la retraite des collaborateurs va devenir un enjeu majeur pour les employeurs », prévoit-il.

Le BSI est d’abord un outil de fidélisation. Mais pas seulement  : « Les entreprises commencent à comprendre que communiquer sur la rémunération et les avantages sociaux, c’est aussi améliorer la portée de leur marque employeur », ajoute le fondateur d’Alias Comm’ RH. Tous les spécialistes du sujet reconnaissent néanmoins que, pour utile qu’il soit, le BSI – qui doit être soigneusement préparé (lire l’encadré p. 22) – n’a rien d’une panacée.

À CGI, « certains syndicats objectent que ce document va montrer combien coûte le collaborateur à l’entreprise, alors qu’il faudrait montrer ce qu’il rapporte », relate Patrick Renault. Pour qui là n’est pas la question. ?D’autant que « les services centraux ou les administratifs n’étant pas facturés en clientèle, il est difficile de montrer combien ils sont utiles à l’entreprise ». Mathieu Berrivin, responsable marketing et supports à Amundi (gestion d’actifs), souligne, pour sa part, que « cela reste de l’information froide et ponctuelle. On y fait figurer les montants d’intéressement et de participation, mais les faits qu’ils traduisent, par exemple quand ces montants baissent, ne sont pas suffisamment expliqués aux salariés ». Selon Hubert Clerbois, consultant associé chez EPS Partenaires (conseil en épargne d’entreprise et en protection sociale), certains employeurs s’étant d’ailleurs frottés à l’exercice en sont revenus : « Le BSI avait suscité beaucoup de questions de la part des salariés, auxquelles les directions ne s’étaient pas préparées à répondre. C’est donc un outil à manier avec précaution », conseille-t-il.

Pour Denis Lesigne, directeur rémunération et avantages sociaux chez Deloitte, l’entreprise doit, avant toute chose, « clarifier les enjeux de sa politique de rémunération, qui doit être en cohérence avec sa stratégie. Le variable, par exemple, doit tenir compte de la temporalité des objectifs. D’ailleurs, avec le développement de la collaboration, la notion de performance nécessitera d’être explicitée ». Par tous les moyens, le BSI n’en étant qu’un parmi d’autres. D’où l’intérêt, pour l’employeur, de se doter de bons relais de communication sur tous ces sujets.

Un rôle naturellement dévolu aux managers, qui sont souvent chargés de remettre les BSI en main propre. Et qui doivent être en mesure de répondre aux interrogations des salariés. De grandes entreprises mettent d’ailleurs en place des plates-formes sécurisées en ligne, où ces derniers peuvent retrouver les BSI de leurs collaborateurs pour les entretiens annuels. « Nous avons de plus en plus de demandes dans ce sens, soutient Boris Thieury. Cela légitime le rôle d’encadrement du manager, qui n’est plus seulement là pour fixer des objectifs opérationnels, mais aussi pour porter la politique RH de l’entreprise. »

Pour aider les encadrants dans cette mission, les cabinets de conseil leur proposent des supports de type “BSI commentés”. Mais aussi des sessions de formation dispensées à l’occasion de la mise en place d’un BSI, d’un changement de règles en interne ou de l’intégration d’un nouvel élément dans le package global.

Cas pratiques

« Nous accompagnons le déploiement de ces dispositifs en identifiant les acteurs clés qui seront chargés de relayer la communication sur le terrain et que nous formons en conséquence », expose Thierry Magin, directeur associé de MCR Groupe. Spécialisé, entre autres, dans les politiques de rétribution, le cabinet intervient aussi à la demande des entreprises qui souhaitent tout simplement initier leurs managers aux fondamentaux de leur stratégie de rémunération et à la finalité de chaque outil.

Au-delà de la théorie, ces modules d’une journée permettent aux participants « d’anticiper et de dénouer les situations anxiogènes auxquelles ils pourront être confrontés, en tenant compte de tout ce qui peut avoir une incidence sur les comportements de chacun », détaille Thierry Magin. Dans le cadre d’une démarche d’harmonisation de sa politique RH, Bull a monté sa propre formation en privilégiant aussi les cas pratiques (lire p. 25).

Les partenaires sociaux n’échappent pas à ce mouvement de fond : à la demande de certains de ses clients, MCR s’est tout récemment lancé dans l’élaboration d’une formation regroupant DRH et syndicalistes, sous-tendue par un jeu de rôle : « Il est difficile d’avancer sur certains sujets avec des partenaires sociaux qui peuvent avoir une position dogmatique, justifie le directeur associé. Pour que la négociation soit bonne, chacun doit être capable de se mettre à la place de l’autre. L’idée étant de pouvoir discuter d’égal à égal. » De quoi faciliter la conclusion des accords liés aux rémunérations ? Dans ce domaine, en tout cas, l’heure est aux éclaircissements à tous les étages !

* L’étude porte sur 180 000 BSI dans 105 entreprises.

L’ESSENTIEL

1 Rendre clair ce qui était jusqu’alors réputé opaque : beaucoup d’entreprises adoptent le bilan social individuel pour expliquer le “package global”. De quoi fidéliser leurs troupes tout en améliorant leur image à l’extérieur.

2 Premiers concernés par cette démarche de transparence, les managers sont chargés de répondre aux interrogations des collaborateurs et doivent être formés en conséquence.

3 La culture de la communication propre à l’actionnariat salarié se diffuse de plus en plus à l’épargne salariale. L’objectif étant de permettre aux collaborateurs de mieux choisir leurs placements.

Un temps fort à ne pas rater

« Le BSI est porté par les RH, mais il doit s’inscrire dans une démarche de communication globale de l’entreprisesur la politique sociale et la marque employeur », considère Boris Thieury, fondateur d’Alias Comm’ RH.

C’est, du coup, un outil parmi d’autres. Mais c’est aussi un temps fort qui s’inscrit dans un calendrier : « Il faut penser à l’opération d’extraction des données de paie dont il faut respecter la fraîcheur et vérifier la fiabilité. Il faut aussi tenir compte du timing des autres opérations de communication interne », prévient-il. La bonne fréquence ? « Tous les ans. »

Pour Clémence Perrin, directrice projets et innovation chez Add’if, l’outil doit s’accompagner d’une communication en amont (un courriel de teasing, par exemple), surtout pour une première édition. Il doit enfin être jaugé. « Il est recommandé de proposer un questionnaire de satisfaction, en demandant aux salariés de formuler leurs souhaits d’évolution. L’idée étant de proposer régulièrement de nouveaux sujets », termine-t-elle.

LE BSI EN CHIFFRES

→ 78 % des BSI sont édités sur support papier, 16 % sont en ligne, 6 % en PDF.

→ 91 % sont reconduits tous les ans (87 % en 2012).

→ 52 % sont livrés sur site. Dans ce cas, ils sont remis soit par le manager (46 % des cas) ou la DRH (48 %), soit avec la fiche de paie (6 %).

→ Les BSI en ligne sont à 100 % accessibles via un site dédié.

Le contenu

→ 100 % des entreprises ont communiqué sur la répartition des cotisations sociales entre employeur et salariés (sécurité sociale, chômage, mutuelle, prévoyance, retraite…). 3 % ont communiqué sur le forfait social.

→ 97 % des entreprises ont communiqué sur l’épargne salariale (contre 100 % en 2012).

→ 91 % ont communiqué sur la prévoyance (contre 100 %), mais avec davantage de pédagogie : questions-réponses sur l’invalidité, le capital décès, etc., voire calculs personnalisés pour valoriser les garanties offertes.

→ 88 % ont communiqué sur la complémentaire santé (contre 100 %).

→ 75 % ont communiqué sur la retraite (contre 90 % en 2011) : retraite de base, complémentaire, supplémentaire (Perco, article 83), politique senior.

→ 87,5 des BSI traitent de la formation de manière plus ou moins exhaustive : budget alloué, nombre d’heures par personne, intitulé des formations, coût…

Source : Baromètre 2013 de la communication sociale, Adding

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT