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Monoprix persiste malgré l’annulation de l’accord

Pratiques | RETOUR SUR… | publié le : 14.01.2014 | ROZENN LE SAINT

Même si une décision de justice défend à l’enseigne de distribution de fermer ses magasins après 21 heures, certaines boutiques continuent de le faire. La CGT s’est de nouveau opposée à un accord national en septembre, mais la direction brave cette interdiction en multipliant les accords locaux.

À compter du 3 avril 2013, la cour d’appel de Versailles a donné quatre mois à Monoprix pour se mettre en conformité avec le Code du travail et baisser le rideau de ses magasins avant 21 heures. En confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre de février 2012, la cour a invalidé à son tour l’accord encadrant le travail de nuit à Monoprix. La CGT, majoritaire (avec 51 % de représentation des salariés), avait fait jouer son droit d’opposition à l’encontre de ce texte signé en 2006 par la CFDT et la CFTC. Un droit d’opposition non pris en compte par la direction, qui avait continué d’appliquer son accord.

Monoprix a formé immédiatement un pourvoi en cassation.

« C’est une double infraction. Non seulement la direction de Monoprix n’applique pas le Code du travail qui contraint de fermer avant 21 heures, mais en plus, elle a appliqué son accord sans prendre en compte l’opposition de la CGT », traduit Alexandre Torgomian, représentant de la CFDT commerce de Paris et du Comité de liaison intersyndical du commerce parisien (Clic-P), dont la position diffère de celle de la section implantée dans l’entreprise (et représentative des salariés à 26 %).

Monoprix n’est pas la seule à avoir enfreint le Code du travail modifié en 2001 (lire l’encadré). « Beaucoup d’entreprises ont fait mine de ne pas comprendre en signant des accords collectifs sans établir l’existence de nécessité économique », indique Karl Ghazi, de la CGT Commerce et Services. « D’un point de vue pragmatique, dès lors que les entreprises négocient un accord avec les syndicats, elles se permettent d’organiser le travail de nuit », indique Françoise Mertz, avocate chez BCW & Associés. Car, si la loi ne prévoit pas de contrepartie salariale, en revanche, les accords le font : « Ils permettent un meilleur accompagnement du travail de nuit et, éventuellement, des mesures de prévention des RPS, puisque le travail de nuit suppose un isolement social : les partenaires sociaux connaissent la réalité de l’entreprise », assure l’avocate.

Nouvel accord minoritaire

Mais si l’affaire Monoprix a fait grand bruit, c’est parce que la direction a de nouveau tenté de forcer le barrage syndical de la CGT. En effet, une fois sanctionnée en avril, rebelote. L’enseigne de grande distribution a signé dans la foulée un nouvel accord minoritaire avec la CFDT, la CFE-CGC et FO, mettant en avant dans un communiqué qu’il « prévoyait de nombreuses avancées sociales et salariales, des repos compensateurs supplémentaires ainsi que des mesures sur la sécurité ou la mobilité des salariés concernés, tous volontaires ». La CGT s’y est de nouveau opposée. Au grand regret de Patricia Virfolet, déléguée syndicale centrale de la CFDT de Monoprix, qui rappelle qu’il prévoyait « 25 % de majoration de salaire contre 15 % auparavant de 21 heures à 22 heures et 35 % au lieu de 20 % après 22 heures ».

Sur le coup, ce nouvel échec semblait avoir refroidi l’enseigne. Dans un communiqué datant du 1er octobre 2013, elle affirme que, « suite à l’opposition de la CGT, ce sont 94 magasins de l’enseigne Monoprix qui seront amenés à fermer à 21 heures. L’emploi de 1 500 salariés est concerné par cette opposition ». Et de rappeler que « cet accord avait été signé par trois syndicats, approuvé par le comité central d’entreprise ainsi que par 81 % des CHSCT des magasins fermant après 21 heures ».

« Via cet accord, nous souhaitions préserver les emplois, notamment étudiants, en insistant sur les possibilités d’aménager les horaires et les compensations financières », indique Patricia Virfolet.

Toujours en dehors des clous

Difficile de connaître, cependant, l’impact réel sur les emplois. Mais il pourrait être limité, car Monoprix continue de fermer quelques-uns de ses magasins à 22 heures, toujours en dehors des clous de la loi.

Patricia Virfolet assure qu’« une quinzaine de magasins ferment toujours après 21 heures. Ce même accord, que la CGT a rejeté sans avoir écouté les salariés de Monoprix, a dernièrement été décliné localement et signé dans chaque magasin concerné. Comme la CGT bloque au niveau national, Monoprix entre par la petite porte, au niveau local ». La direction, contactée, refuse de s’exprimer à ce sujet.

CE QUE DIT LA LOI

Depuis le 9 mai 2001 et la transposition dans le Code du travail français d’une directive européenne (datant de 1993), la loi encadre clairement le recours au travail de nuit. Celui-ci doit être exceptionnel et répondre à l’une de ces deux nécessités : assurer la continuité de l’activité économique ou celle des services d’utilité sociale. L’autorisation est délivrée par l’inspection du travail.

Une réglementation dépassée par rapport aux nouveaux usages de consommation, juge Françoise Mertz, avocate chez BCW & associés. Reste que, « mis à part les hôtels, dont l’activité ne peut subsister économiquement sans le travail de nuit, ou les services sociaux comme l’accueil des SDF, les secteurs comme les enseignes commerciales classiques peuvent difficilement obtenir des dérogations », décrypte Karl Ghazi, représentant de la CGT Commerce et Services. Avec ou sans accord collectif.

Auteur

  • ROZENN LE SAINT