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Enquête

DEUX RÉFÉRENDUMS POUR UN ACCORD

Enquête | publié le : 14.01.2014 | E. F.

Devant le risque que la direction dénonce la plupart des accords d’entreprise, les salariés du fabricant d’aciers longs spéciaux ont fini par accepter l’accord de compétitivité qui leur était proposé, après l’avoir refusé dans un premier temps.

Début novembre 2013, la CFDT et la CFE-CGC d’Ascometal ont signé l’accord sur les “mesures sociales pour le plan de reconquête des marchés” proposé par la direction. La CGT, pourtant majoritaire (51 %)*, a cessé de s’y opposer. Les trois syndicats acceptent donc qu’une partie des heures supplémentaires effectuées par les salariés ne soit plus payée mais versée sur un compte épargne-temps ; que la prime compensatrice en cas de baisse d’activité soit réduite, de même que le nombre de JRTT pour les personnels de jour. En contrepartie, ils obtiennent des embauches en CDI, des augmentations de salaires et une prime. « L’entreprise gagne ainsi une flexibilité à un moindre coût », déclare Laure Bévierre, la DRH. Ascometal, qui connaît de fortes variations d’activité, recourra donc moins aux heu­res supplémentaires et au chômage partiel.

Guerre de position

Surtout, cet accord donne à l’entreprise, lourdement endettée, une chance d’éviter une crise de liquidité. L’actionnaire a en effet prévenu que ces mesures sociales étaient une condition pour renégocier la dette auprès des banques ; un article de l’accord est consacré à cette question. Début janvier, les négociations avec les banques étaient toujours en cours.

Pour obtenir que les syndicats acceptent de remettre en cause des acquis sociaux, Laure Bévierre a dû mener une guerre de positions de huit mois face à une CGT majoritaire, affronter un droit d’opposition et deux référendums. Mais elle-même disposait de quelques munitions qu’elle ne s’est pas privée d’utiliser : dénoncer les accords existants, arguer de la pression de l’actionnaire et lâcher quelques concessions dans l’accord. Savamment mis à profit, ces trois arguments ont fini par faire pencher les salariés et les syndicats du côté de l’accord voulu par la direction.

Mais, dans un premier temps, les salariés ont voté contre. Les négociations ont débuté en mars 2013 et se sont concentrées rapidement sur le compteur temps pour les heures supplémentaires. « D’emblée, la CFDT et la CGT annoncent qu’elles consulteront les salariés parce que c’est leur façon de faire habituelle, et a fortiori lorsque le sujet est épineux », se souvient Laure Bévierre. À ce moment-là, la CGT est opposée aux propositions de la direction, tandis que la CFE-CGC et la CFDT négocient « cet accord qui n’était pas forcément acceptable » en l’état, relate Alain Hilbold, délégué CFDT. « Pour ma part, j’aurais préféré que les syndicats s’engagent directement, déclare Laure Bévierre, mais je comprenais que le sujet était difficile pour eux. »

« Ce vote négatif nous a amenés à faire des concessions supplémentaires », admet Laure Bévierre. Notamment, la direction fait bouger les curseurs du compteur temps afin que davantage d’heures supplémentaires soient payées. « Après le vote négatif des salariés, il n’était pas question de signer l’accord, mais la direction a amélioré les dispositions sur le compteur temps, nous avons donc pris nos responsabilités et signé. Certains salariés nous en ont fait la remarque mais sans agressivité », relate Alain Hilbold. La CFE-CGC signe également. Mais la CGT fait valoir son droit d’opposition. « Comme je l’avais annoncé dès le mois de mars, j’entame alors la procédure de dénonciation des accords », explique Laure Bévierre.

C’est sans doute cela qui fait reculer la CGT. Contacté, le syndicat n’a pas donné suite. Toujours est-il qu’il annonce à ce moment-là qu’il reprend la négociation et qu’il veut reconsulter les salariés. « La CGT revient avec des propositions fortes que je ne peux accepter, d’une part parce que j’ai un mandat de négociation à respecter, d’autre part parce que cela revenait à délégitimer les signataires du premier texte », explique Laure Bévierre.

Prise de conscience

Finalement, c’est un texte très proche de celui qui a été invalidé qui repasse devant les salariés en octobre. Mais la situation a changé. « Je pense que les salariés se sont rendu compte que la direction avait fait des avancées supplémentaires dans le contenu de l’accord et, surtout, ils ont pris conscience de ce qu’impliquait la dénonciation des accords, analyse la DRH. Par ailleurs, ils étaient tous au courant de la situation dégradée de l’entreprise et du fait que la signature de l’accord était une condition nécessaire pour la recapitalisation de la société. »

Arrêt de la procédure de dénonciation

La direction, qui conduit cette fois la consultation, n’y va pas par quatre chemins : elle arrête la production pour faire sa propagande et lie, dans la question posée aux salariés, la fin de la procédure de dénonciation à l’acceptation de l’accord. Résultat, ces derniers votent à 62 % en faveur du texte. La CGT ne s’y oppose pas. La direction arrête la procédure de dénonciation. Il reste maintenant à savoir si l’actionnaire tiendra parole. « La consultation des salariés est un outil utile sur les sujets sensibles parce qu’il permet à la direction de communiquer largement avec le personnel, mais ce ne peut être un moyen normal de négociation », conclut Laure Bévierre.

* La CFDT pèse 29 %, la CFE-CGC 17 %.

ASCOMETAL

• Activité : sidérurgie.

• Effectif : 1 900 salariés.

• Implantations : six sites industriels.

• Chiffre d’affaires : 716 millions d’euros en 2012.

Auteur

  • E. F.