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Le B.A.-BA de la BDU : un apprentissage qui s’annonce douloureux

Enjeux | LA CHRONIQUE JURIDIQUE D’AVOSIAL | publié le : 14.01.2014 | Nicolas C. Sauvage et Stéfanie Oudard

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Le B.A.-BA de la BDU : un apprentissage qui s’annonce douloureux

Crédit photo Nicolas C. Sauvage et Stéfanie Oudard

Parce qu’elle veut associer les salariés aux orientations stratégiques de l’entreprise, la loi de sécurisation de l’emploi (LSE) du 14 juin 2013 a créé une énième obligation de consultation du CE. Support de cette nouvelle consultation, la base de données unique (BDU) poursuit l’objectif ambitieux de favoriser la transparence au sein de l’entreprise. Mais le dispositif souffre d’un déficit de précision que n’a pas résolu le décret du 27 décembre 2013. Le dialogue social escompté va-t-il virer à la cacophonie ?

Inventaire à la Prévert des incertitudes textuelles.

La nouvelle consultation porte sur la définition des orientations stratégiques de l’entreprise. On ne peut imaginer terme plus vague, car on y trouve jusqu’aux informations sur les activités sociales et culturelles de l’entreprise.

Le cadre de cette nouvelle obligation est l’entreprise. Or, au sein des groupes, la stratégie est rarement définie par les filiales françaises. Cela exonère-t-il celles-ci de fournir à leurs IRP les informations requises par la loi ? Rien n’est moins sûr. Va-t-on assister à une nouvelle charge des experts du CE réclamant des documents à des holdings basées à l’autre bout du monde ? Le décret précise que dans les groupes, les flux financiers entre les entreprises du groupe seront mentionnés. Sans limiter l’exigence aux seuls flux touchant l’entreprise concernée par la BDU. Un cauchemar en perspective…

Les informations rassemblées dans la BDU « intègrent des perspectives sur les trois années suivantes ». Dans le contexte économique actuel, qui peut affirmer ce qu’il fera en 2017 comme produit, taux de marge, chiffre d’affaires ? Quelles conséquences si l’employeur se trompe dans ses prévisions ou les rectifie dix-huit mois plus tard au vu de la conjoncture ?

Permettre aux partenaires sociaux d’acquérir une meilleure connaissance de l’entreprise est un objectif que l’on peut entendre. Mais l’obligation de discrétion imposée aux partenaires sociaux à l’égard des informations de la BDU aurait dû être assortie d’une sanction sévère, ce qui n’est pas le cas. L’information requise par la loi porte sur des données complexes : investissements, flux financiers et transferts commerciaux entre autres. Aucune formation des destinataires de l’information n’est pourtant prévue par la loi. Les membres du CE peuvent se faire assister par un expert-comptable, mais celui-ci n’a qu’un rôle d’accompagnement. Il ne saurait se substituer à une analyse des données de la BDU par les intéressés eux-mêmes.

Enfin, comment va s’articuler la mise à disposition des informations contenues dans la BDU – dont la loi exige une mise à jour régulière – avec l’obligation d’information-consultation préalable du CE sur toute décision importante de l’employeur ? La mise à jour devra-t-elle être systématiquement précédée d’une information-consultation du CE sous peine de délit d’entrave ?

Lecture des risques par les entreprises. En l’état, la BDU apparaît comme un outil audacieux et intrusif pour l’entreprise. Certains pourraient être tentés de freiner la croissance de leur effectif pour rester sous le seuil fatidique des 50 salariés, qui déclenche notamment les obligations relatives à la BDU. Ce nouveau dispositif risque en outre d’aggraver le déclin des implantations étrangères en France. Il se murmure déjà hors de nos frontières que mieux vaudra céder les implantations françaises que d’être tenus de remettre toutes ses informations aux “syndicats” français (la récente séquestration de deux cadres de Goodyear Amiens-Nord ayant en outre eu la faveur de la presse étrangère), lesquels pourraient ensuite les transmettre à la concurrence, en cas de conflit social.

Reste que la BDU devra être mise en place le 14 juin 2014 dans les entreprises d’au moins 300 salariés et un an plus tard dans celles de 50 à 300. Pour réduire les zones d’ombre laissées par les textes et tenir compte des spécificités de l’activité et de l’organisation de l’entreprise, la conclusion d’un accord précisant le contenu de l’information, la fréquence des mises à jour, les conditions de l’expertise et les délais de communication des informations s’impose. À moins que le législateur ne décide de revoir sa copie pour éviter la cacophonie.

Auteur

  • Nicolas C. Sauvage et Stéfanie Oudard