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POLOGNELE PAYS QUI VEUT RETROUVER SA MAIN-D’ŒUVRE

Pratiques | International | publié le : 24.12.2013 | FRANÇOIS GAULT

Malgré des programmes d’aide au retour, la Pologne ne parvient pas à convaincre ses quelque2 millions d’émigrés de revenir travailler au pays, alors que les entreprises recherchent des candidats qualifiés. Résultat, elles les trouvent souvent dans les pays voisins.

Plus de 2 millions de Polonais travaillent à l’étranger. Parmi eux, un sur trois a fait des études supérieures. Pays d’accueil : l’Angleterre, l’Allemagne, l’Irlande, la Belgique, les Pays-Bas… Trois raisons président à cette vaste émigration. D’abord, le salaire : dans ces pays, il est le double ou le triple du salaire polonais. Ensuite, les conditions de travail, généralement meilleures. Enfin, l’absence d’opportunité dans leur pays d’origine, où le taux de chômage s’élève à 13 %, voire à 30 % dans certaines régions.

« Cette émigration est une véritable hémorragie, surtout parmi les plus jeunes diplômés. Elle signi­fie tout à la fois baisse de consommation, de croissance, d’entrepreneuriat et d’innovation : une situation effrayante », constate la démographe Krystyna Iglicka.

Programme européen de 670 millions d’euros

En 2008, pour inciter les émigrés européens à rentrer dans leurs pays respectifs, l’Union européenne a lancé un programme doté de 670 millions d’euros sur cinq ans. Pour leurs parts, gouvernement et organismes sociaux polonais créent alors de nombreux sites Internet appelant aux retours volontaires. On y propose : formation professionnelle gratuite, offres d’embauche, aide à la recherche d’appartement et soutien financier au déménagement, billets d’avions offerts pour le retour, entretiens avec des psychologues…

Peu de retours

Les Polonais, où qu’ils se trouvent, peuvent consulter les sites, notamment “Aide aux familles”, “Reviens en Pologne”, “Ligne verte-retours” (le site du gouvernement). Un certain nombre d’émigrés rentrent, mais d’autres les remplacent presque aussitôt en quittant à leur tour le pays. En réalité, le constat s’impose : la grande vague de retours n’est pas au rendez-vous.

« Les plus âgés rentrent en Pologne, mais les plus jeunes restent dans leur pays d’accueil, explique Jan Szyszko, Pdg d’une petite entreprise d’informatique. Ils s’installent en Angleterre ou en Allemagne, où ils gagnent jus­qu’à 80 000 euros par an. Or, 70 % des entreprises polonaises rencontrent aujourd’hui des difficultés pour recruter. » Et Maciej Duszczyk, professeur à l’université de Varsovie l’affirme : « Pour l’avenir économique et social du pays, pour sa nécessaire croissance aussi, à défaut de pouvoir réduire l’attractivité du marché du travail à l’étranger, nous devons augmenter celle du marché polonais. »

Les DRH sont donc commis d’office pour s’attaquer au problème. « Pour nous, c’est une tâche nouvelle et impérative », explique l’un d’eux, qui souhaite rester anonyme. Son entreprise propose aux compatriotes susceptibles de revenir au pays se faire embaucher, un bonus au retour, des aides au logement et à la formation. « C’est un phénomène économique et social encore sans équivalent et il n’existe pas de “méthode” pour y faire face, complète un de ses confrères qui travaille dans une entreprise du bâtiment. Via des agences spécialisées, nous cherchons à contacter des Polonais qui travaillent à l’étranger, mais il est rare que l’on arrive à les convaincre de rentrer au pays. Nos salaires et nos conditions de travail ne sont pas suffisamment attractifs pour eux. » Et de conclure : « Alors, nous cherchons des spécialistes en Ukraine, en Biélorussie ou dans d’autres pays de l’Est. »

La Pologne devient ainsi, malgré elle, une illustration de l’émi­gration à l’échelle de l’Europe. Elle accueille quelque 500 000 immigrés, Roumains, Turcs, Moldaves, Biélorusses, Ukrainiens. « L’Europe ne sait pas comment gérer ces migrations, et elle est dans le même pétrin que nous », résume Marek Beylin, éditorialiste du quotidien national Gazeta Wyborcza.

Auteur

  • FRANÇOIS GAULT