logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Pratiques

Le RPO, pour passer la main sans la perdre

Pratiques | publié le : 10.12.2013 | JOSÉ GARCIA LOPEZ

Image

Le RPO, pour passer la main sans la perdre

Crédit photo JOSÉ GARCIA LOPEZ

Entre attraction et appréhension, le cœur des employeurs balance à l’idée d’externaliser totalement les processus de recrutement. Ceux qui franchissent le pas du “recruitment process outsourcing” (RPO) y voient plutôt une solution ponctuelle à géométrie variable.

Recherche de profils, entretiens d’embauche, tri des CV, vérification des diplômes ou préqualification téléphonique… le RPO, pour “recruitment process outsourcing”, permet de déléguer temporairement tout ou partie du processus de recrutement à un prestataire externe. Au-delà du simple mandat confié à un cabinet, le procédé concerne l’externalisation de tous les moyens, humains et matériel, de la fonction recrutement d’une entreprise. Très répandue dans les pays anglo-saxons, cette pratique commence à percer en France, où de grandes entreprises (EDF, SNCF, Microsoft…) s’y adonnent couramment depuis une petite dizaine d’années. Mais, au-delà, la greffe du RPO peut-elle prendre dans l’Hexagone ?

La souplesse du dispositif, modulable et adaptable, joue en sa faveur : les employeurs ne s’engagent que sur une durée limitée, un semestre ou un an, à confier leur recrutement à un prestataire. Et ceci plutôt que de dimensionner leur équipe interne de recruteurs au gré des fluctuations de l’activité de l’entreprise.

Le RPO déleste aussi le service RH d’activités chronophages : identification des profils, publication des annonces, sélection des candidats… une manière également de raccourcir les délais d’embauche.

Si elle s’appuie sur des consultants experts et sur des méthodes et des outils efficaces, l’externalisation permet par ailleurs à une entreprise d’améliorer la qualité de ses recrutements. L’expérience de RPO d’Alstom Power, filiale du groupe éponyme spécialisée dans l’énergie (5 500 salariés en France), menée avec Resource Solution, entité du cabinet Robert Walters spécialisée dans l’externalisation des processus de recrutement, remonte à fin 2010. Pendant six mois, Thierry Le Royer, responsable des solutions de recrutement, a recouru au RPO pour recruter 70 techniciens : « Avoir recours temporairement aux services d’un cabinet nous a fourni des moyens de sourcing complémentaires et permis de rationaliser nos processus de recrutement sur des postes très pointus. »

À La Poste aussi, le RPO sert à répondre à des besoins très spécifiques : « Nous attribuons des lots à des prestataires dans des domaines pointus comme l’informatique ou les nouvelles technologies, ou encore pour des postes où les candidats sont rares, par exemple en médecine du travail », témoigne Carole Flament, responsable achats du pôle prestations intellectuelles. Idem du côté de Charles Lecerf, DRH de Rockwool France, fabricant de laine de roche de 800 salariés, qui voit dans le RPO un « moyen adapté à la recherche de profils d’experts techniques ». Le DRH a choisi d’externaliser cette partie, car il ne disposait ni des ressources ni des compétences internes pour trouver des ingénieurs spécialisés.

Pour autant, pas question selon lui de généraliser l’outsourcing à l’ensemble des postes à pourvoir. Motif ? Lors d’une expérience précédente – une recherche de cadres intermédiaires –, le DRH a constaté les limites de la méthode. Il se dit très sceptique quant à la valeur ajoutée du procédé dès lors qu’il s’agit de recruter des profils généralistes : « Notre chargé de recrutement a dû retrier lui-même tous les CV, peu qualifiés, transmis par le cabinet de RPO. Au final, le gain de temps escompté et la qualité des candidats n’étaient pas au rendez-vous, même si cela nous a coûté moins cher qu’un traitement en interne. »

De fait, les tarifs du RPO, réputés être nettement plus compétitifs que ceux de la “chasse”, peuvent séduire les entreprises à l’affût d’économies. À condition qu’elles externalisent un volume suffisant de recrutements. « Un projet de RPO n’est pertinent que s’il concerne au minimum une centaine de postes par an », note Éric Ménard, directeur de Page Out­sourcing, entité en charge des projets de RPO au sein de Michael Page.

Direction des achats

Les directions des achats entrent souvent en jeu pour négocier les prix des prestations de recherche de candidats. La Poste lance ainsi des appels d’offres auprès des cabinets pour externaliser quelque 300 recrutements par an. De la même manière, Thierry Le Royer a choisi son prestataire de RPO avec l’aide de sa direction des achats. Résultat : le coût global du recrutement a été maîtrisé. Et le RPO s’est avéré plus économique qu’un traitement interne des candidatures : « L’accès aux CVthèques, les publications d’annonces et les campagnes médias coûtent très cher à l’entreprise qui se charge elle-même de ses recrutements », remarque-t-il. De la même manière, chez Rockwool, l’investissement initial dans la prestation externe a été vite rentabilisé au regard du temps économisé en interne et de la qualité des candidats présentés. Néanmoins, le DRH de l’industriel estime que la facture d’un RPO peut aussi être, à terme, très salée : « Avec quelques années d’expérience, un chargé de recrutement d’une entreprise connaît plus précisément les besoins et la culture de sa société qu’un prestataire externe et coûte beaucoup moins cher. »

Il n’empêche, mis dans la balance, les coûts élevés mais temporaires du RPO peuvent l’emporter face à des salaires de recruteurs et des frais fixes sur la durée. Du reste, le prix n’est pas le seul critère de choix d’un cabinet de RPO. À La Poste, Carole Flament considère que la méthodologie, les outils, l’expérience et les références des consultants comptent autant que leur tarif dans la sélection des prestataires.

À l’arrivée, quelles sont les conditions de réussite d’un projet d’externalisation ? Avant tout, la bonne coordination entre le prestataire et l’équipe RH de l’entreprise. « Le RPO ne fonctionne que si le client s’impose lui aussi des règles et des engagements, notamment en termes de délais de décision », pointe Éric Ménard.

A minima, le donneur d’ordre doit affecter un chef de projet au pilotage et au suivi d’activité du prestataire, généralement installé dans ses murs. Faute de quoi, l’entreprise encourt le risque de perdre le contrôle du processus. Ne plus disposer d’aucune ressource interne dédiée au suivi du recrutement ? Une erreur classique des entreprises trop empressées de faire baisser leurs coûts, juge Charles Lecerf. Si les entreprises anglo-saxonnes ont largement franchi le pas (lire l’encadré p. 15), les DRH hexagonaux veulent garder la main sur une activité stratégique. « On ne confie jamais l’intégralité d’un processus à un prestataire », conseille in fine Thierry Le Royer. Sous-traiter les opérations oui, à condition de rester maître du jeu.

L’ESSENTIEL

1 Les entreprises qui pratiquent l’externalisation des processus de recrutement (RPO), confient tout ou partie de ses étapes à un prestataire. Lequel peut les gérer intégralement avec ses propres moyens humains et matériels.

2 Particulièrement souple d’utilisation, le RPO est plutôt adapté à des recherches de profils pointus. À partir d’un volume minimal d’une centaine de postes par an, le procédé permet de maîtriser le coût du recrutement.

3 Les employeurs voient dans le RPO un outil d’appoint. Leur frilosité face à l’externalisation totale du processus de recrutement tient au caractère stratégique de l’activité.

Le RPO, so british

Après les achats, l’informatique ou la paie, le recrutement va-t-il rejoindre les autres fonctions support dans le mouvement d’externalisation ? Si l’on en croit le directeur de Page Outsourcing, Éric Ménard, le RPO représente une part de marché assez faible d’environ 5 %. Il perçoit néanmoins « un très net engouement des entreprises » pour la méthode. Ce qui reste peu de chose au regard des pratiques d’outre-Manche. Au Royaume-Uni, 80 % des employeurs recourent à l’externalisation “classique” du recrutement contre 30 % en France. Le RPO prend aussi une tournure différente chez nos voisins britanniques : « Quasi systématiquement, des prestataires gèrent à la place des directions RH le recours aux cabinets de recrutement », observe Pierre-Emmanuel Dupil, administrateur de Syntec Conseil en recrutement, syndicat professionnel de la branche. Ce pilotage externalisé des prestataires de recrutement génère des économies supplémentaires. « À la fois courtier, organisateur et régulateur, le cabinet est capable de choisir les bons prestataires, de négocier les tarifs avec eux, de les briefer et de leur mettre la pression. » Un modèle transposable dans l’Hexagone ? « Il existe en France un frein culturel à l’externalisation totale », analyse-t-il. Ce “réflexe” expliquerait la prudence des employeurs français en la matière. Et si le hic était aussi lié au prix ? Thierry Le Royer, d’Alstom Power, attend toujours « l’acteur qui, comme Free dans le domaine de la téléphonie, va bousculer le marché en baissant les prix ». Un message à destination des cabinets de recrutement ?

Auteur

  • JOSÉ GARCIA LOPEZ