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LA STRATÉGIE RESTE TABOUE

Enquête | publié le : 10.12.2013 | LAURENT GÉRARD

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LA STRATÉGIE RESTE TABOUE

Crédit photo LAURENT GÉRARD

Les managers reconnaissent de plus en plus l’importance de leur rôle dans la communication interne des entreprises. Mais ils regrettent de ne pas être consultés sur la stratégie, qu’ils ne trouvent pas forcément motivante, et ils réclament des outils plus pédagogiques de la part de la RH.

Que les directions d’entreprise et les responsables de communication interne le veuillent ou non, la communication managériale est la plus « perçue », la plus « attendue » et la plus « reconnue en termes de confiance » par les salariés, comme le montrait une étude Harris Interactive de 2012. Il s’agit de « celle portée directement par les managers en vue de mobiliser leurs collaborateurs au service de la performance économique et sociale de leur entreprise », comme la définit l’Association française de communication interne (AFCI). Elle est incontournable, mais dans quel état est-elle ? Et comment les managers la considèrent-ils eux-mêmes ? La dernière étude AFCI-ANDRH-Inergie d’octobre dernier, menée auprès de 1103 managers (1), apporte des réponses.

Globalement, les managers estiment avoir bien intégré la communication dans leur mission (98 %) et y jouer un rôle décisif (70 %) en y consacrant un cinquième de leur temps de travail. Selon eux, elle donne du sens à l’action des collaborateurs (81 %) et permet de rester à l’écoute, de maintenir le lien et le dialogue (70 %). D’ailleurs, une très large majorité (83 %) dit se sentir à l’aise dans l’exercice de prise de parole directe devant un collectif. Le recours à l’écrit collectif reste rarissime en première action (5 %), mais plus fréquent en seconde action de communication (32 %).

Les managers de proximité plus dubitatifs

Des bémols sont cependant à apporter selon le niveau hiérarchique. Les premiers niveaux de management, ceux de « proximité », sont toujours moins enthousiastes sur les notions précitées, comparativement aux managers intermédiaires et encore plus aux cadres de direction. Ainsi, les trois quarts (78 %) des managers de premier niveau estiment que leur action de communicant donne du sens à l’action de leurs collaborateurs, contre 85 % pour les cadres de direction. Même constat sur le sentiment de jouer un rôle décisif dans la communication interne : 65 % contre 81 %.

À l’inverse et de manière plus positive, les managers de proximité estiment, davantage que les cadres de direction, que leur communication permet de rester à l’écoute des équipes (72 % contre 62 %).

Cependant, l’étude fait état de nombreux constats négatifs préoccupants. Sur bien des questions, le taux de réponses positives est inférieur à la moyenne ou juste au-dessus. Ainsi, seuls 42 % des interrogés estiment que la communication managériale améliore la performance de leur équipe et, sur ce sujet, la divergence entre cadres de direction et managers de proximité est particulièrement forte (51 % contre 38 %).

L’exemplarité de la direction générale en matière de communication est également prise en défaut : une moyenne de 53 % lui reconnaît cette vertu, mais, là encore, la divergence est majeure (20 points) entre cadres de direction (67 %) et managers de proximité (46 %).

Un déficit d’objectifs et d’évaluation

L’existence d’objectifs liés aux pratiques de communication n’emporte même pas la simple majorité : 46 % des managers disent en avoir dont, paradoxalement, 41 % des cadres de direction et 49 % des managers de proximité ! Ce qui laisse à penser à ces derniers qu’en matière de communication interne, les directions préfèrent analyser les vertus des autres que les leurs.

En lien avec l’existence d’objectifs, l’évaluation annuelle de la communication concerne 54 % des managers de proximité interrogés contre 47 % des cadres de direction, avec une moyenne de 51 %. Là encore, les faits laissent à penser aux managers de proximité que les cadres de direction ne se posent pas toujours la question de leur véritable apport en termes de communication interne. Sur ces questions d’objectifs et d’évaluation, l’AFCI note que la situation ne s’améliore pas depuis cinq ans, et qu’elle aurait même tendance à se détériorer.

La question centrale autour de laquelle semblent se nouer tous les enjeux, tensions et divergences est celle de l’accès au débat sur la stratégie de l’entreprise.

Une large majorité des managers (74 %) reconnaît que la stratégie est un sujet d’échange avec l’équipe, qu’elle est claire (69 %) et même pertinente (66 %); même si on retrouve un différentiel selon les niveaux hiérarchiques : clarté pour 85 % des cadres de direction, mais 63 % des managers de proximité ; pertinence pour 76 % des premiers et seulement 60 % des seconds.

Là où tout se corse, c’est sur la reconnaissance de cette stratégie comme motivante. Le nombre d’avis positifs s’effondre : 61 % chez les cadres de direction et 50 % pour les managers de premier niveau. Certes, ils se disent associés à la réflexion sur la déclinaison opérationnelle de la stratégie (61 % en moyenne, 79 % pour les cadres de direction et 54 % pour les managers de premier niveau), et ils reconnaissent avoir l’occasion d’échanger sur la stratégie avec leur propre manager (67 %, 79 % et 60 %). Mais seul un tiers d’entre eux déclare être consulté dans son élaboration (59 % pour les cadres de direction, et un maigre 24 % pour les managers de proximité).

D’où, au final, le double constat que seuls 55 % des managers dans leur ensemble estiment la stratégie motivante, et que « la difficulté à raccrocher les décisions stratégiques avec le quotidien, la réalité du terrain » reste, de très loin (63 %), le premier frein à l’exercice de leur mission de communicant.

Existe-il un moyen de retrouver une dynamique de motivation ? Oui, assure l’AFCI : l’étude montre qu’être consulté sur l’élaboration de la stratégie remotive les trois quarts des répondants ! « L’aspect participatif est l’axe majeur de l’appropriation », affirme l’association.

« Développer l’exemplarité des dirigeants et les échanges sur la stratégie, inscrire la communication des managers dans les processus RH et animer la communauté managériale par des contenus pédagogiques adaptés aux attentes internes sont les trois clés pour faire de la communication managériale un levier de performance », conclut l’Afci.

(1) Étude menée de mai à juillet 2013 au sein de 13 entreprises.

L’ESSENTIEL

1 Les managers jouent un rôle essentiel dans la communication interne des entreprises mais n’en ont pas la même perception selon leur niveau hiérarchique.

2 S’ils ont conscience de donner du sens à l’action de leurs collaborateurs, ils peinent à raccrocher les décisions stratégiques avec le quotidien et regrettent que l’information leur soit donnée trop tardivement.

3 Les outils de communication restent à développer, particulièrement pour aborder les questions financières.

Le management de proximité, premier vecteur de la communication interne

→ Le management de proximité reste le premier vecteur de la parole en interne, comme le montrait l’enquête Meanings-Harris Interactive d’octobre 2012 intitulée « La parole en entreprise : le point de vue des salariés », réalisée auprès de 1 000 salariés âgés de 18 ans et plus, travaillant dans des entreprises privées et publiques (hors administrations et collectivités) de plus de 250 personnes.

→ À la question « Quels sont les acteurs qui prennent oralement la parole pour vous parler des grands sujets internes et externes de l’entreprise (actualité, projets, RH, etc.) ? », 79 % des salariés répondaient le supérieur hiérarchique direct, puis les collègues (71 %), le directeur d’unité (61 %)… Le PDG n’était évoqué que dans 42 % des cas. La prise de parole effective du président était totalement absente pour 3 salariés sur 10, surtout dans le secteur des services et pour les employés-ouvriers. D’où l’importance de la communication managériale.

→ Elle est d’autant plus importante que 72 % des salariés lui attribuent un fort niveau de confiance (59 % pour les syndicats, autant pour les directeurs d’unité, et seulement 49 % pour le PDG). Le supérieur hiérarchique direct arrive toujours en première position (39 %) dans les attentes de prise de parole, devant les représentants du personnel (37 %), le PDG (33 %) et le directeur d’unité (33 % également). « La confiance va donc avant tout aux émetteurs de proximité, face à une défiance assez prononcée à l’égard de la parole des dirigeants, notait Harris Interactive. Quant aux responsables RH et communication, avec des taux d’attente de 17 % et 7 %, ils restent secondaires. »

→ Mais de quoi les salariés veulent-ils au juste être informés ? Des aspect RH ! D’abord des salaires : une attente ressentie comme non satisfaite dans 82 % des cas ! Puis de leur évolution professionnelle, de la formation, des conditions de travail… (71 %). En revanche, les résultats de l’entreprise, le développement commercial, l’état du marché… sont des sujets vécus comme trop rebattus.

UN BESOIN DE TEMPS POUR EXPLICITER LES ORIENTATIONS STRATÉGIQUES

Les managers manquent d’informations données suffisamment à l’avance pour mener à bien leur mission de communicant. Et ils adressent sur ce point des demandes fermes aux directions des ressources humaines et de la communication interne : « Donnez-nous une formation pédagogique sur les orientations stratégiques de l’entreprises » (54 %) et « une information pédagogique sur les enjeux, actualités, politiques et processus RH » (51 %), affirment-ils dans l’étude Inergie-ANDRH-AFCI. Les demandes d’outils de communication et de management ne viennent que bien après (respectivement 32 % et 30 % des demandes).

L’information est certes « bien ciblée et adaptée » (74 %), voire « complète » (64 %), mais le problème est qu’elle n’est « disponible à temps » que dans 58 % des avis. Bilan : pour 34 % des répondants « l’information qui arrive trop tardivement » est le deuxième frein qu’ils rencontrent pour mener à bien leur mission de communicant, derrière « la difficulté à raccrocher les décisions stratégiques avec le quotidien ».

Ils apprécient qu’on pense à leur fournir « des supports spécifiques » pour informer leurs équipes. Mais, avec un taux de satisfaction de 64 %, « le sentiment d’efficacité est très mitigé », commente l’AFCI. Finalement, ces supports spécifiques n’apportent pas vraiment plus que les supports d’information généraux. En premier lieu, les managers attendent et attribuent davantage d’utilité à la parole de leur propre supérieur hiérarchique, surtout pour ce qui concerne le cœur du réacteur, c’est-à-dire « les orientations stratégiques de l’entreprise ».

C’est pour cette raison que les « réunions régulières de managers » sont le support le plus fréquent (82 %) et le plus apprécié (76 % de taux d’efficacité). Viennent ensuite les séminaires ou conventions annuelles (62 % et 51 %), le journal interne (42 % et 31 %)… En revanche, les espaces virtuels émergent, mais nécessitent une meilleure animation : les espaces dédiés sur intranet commencent à se généraliser (dans 42 % des cas), les forums d’échange et les communautés sur réseau social sont encore peu fréquents (14 % et 11 %).

Reste une piste à creuser : les communautés non virtuelles de pratiques. C’est le seul outil de l’étude dont le niveau de satisfaction dépasse le niveau de disponibilité : 17 % contre 14 %! L’échange direct entre pairs serait donc à organiser et à faciliter. D’ailleurs, 29 % des managers réclament des « espaces d’échanges entre pairs ».

Au final, sur la question de l’information des managers, l’AFCI note une absence regrettable de progrès, « alors qu’il faut laisser du temps aux managers pour gérer et digérer l’information ».

L. G.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD