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SUISSELA POLITIQUE SALARIALE DES ENTREPRISES SOUS PRESSION POPULAIRE

Pratiques | International | publié le : 03.12.2013 | C. R.

Les scrutins populaires sur des questions salariales se multiplient en. La dernière votation en date n’a finalement pas entériné le plafonnement des hauts revenus. Mais déjà se profile le débat suivant, sur un smic, révélateur d’un doute sur le modèle traditionnel de la négociation collective de branche.

Quatre signes ont animé la campagne de la dernière “votation” populaire : 1 : 12. Cachée sous cette formule arithmétique, la proposition de plafonner les plus hauts salaires d’une entreprise à 12 fois le plus petit bulletin de paie a été rejetée le 24 novembre, mais les débats enflammés sur la politique salariale du pays qu’elle a générés vont se poursuivre.

Présenté par les Jeunesses socialistes, le projet suivait de quelques mois un référendum qui a interdit les parachutes dorés, et il précède une nouvelle votation l’an prochain, sur l’instauration d’un salaire minimum légal. Ce troisième round est décisif, selon les syndicats, qui en sont les initiateurs : « Toutes ces propositions requièrent un nombre minimal de signatures pour être soumises au vote populaire ; cela prouve qu’il y a un vrai questionnement dans le pays aujourd’hui, expose Giorgio Tuti, vice-président de l’USS (Union des syndicats suisses). Nous voulons le relèvement des bas salaires. L’initiative 1 : 12 aurait pu y inciter, le prochain vote sur le salaire minimum en sera la suite. »

L’éventuel smic serait à tout le moins généreux puisque fixé à 4 000 francs suisses (3 250 euros) bruts mensuels, un niveau déjà atteint par 91 % des salariés du pays, selon l’USS. Mais lui non plus ne fera pas consensus. L’Union patronale suisse annonce qu’elle le combattra avec la même vigueur que le « 1 : 12 ». Avec deux arguments forts : son montant, « le plus élevé au monde », et plus encore, le “diktat” imposé aux entreprises.

Libre détermination

Pour la majorité des patrons et celle des DRH regroupés dans l’association Swiss RH, pas question, en effet, de toucher au principe de libre détermination dont les conventions collectives forment le socle. « Cet outil fonctionne très bien. C’est là que les améliorations s’obtiennent. Dans mon secteur, la convention collective fixe déjà le minimum à 3 250 euros. Alors, pourquoi changer ? », interroge André Berdoz, dirigeant d’une société familiale d’installation électrique de 15 salariés.

Les syndicats continuent aussi à privilégier les conventions collectives : le smic légal ne viendrait que pallier leur absence, selon leur proposition de réforme. La négociation collective de salaires fixes leur paraît le meilleur rempart contre un autre fléau inégalitaire à leurs yeux : l’envolée des bonus, dont le montant a quintuplé de 1996 à 2010 pour représenter jusqu’à 30 % de la rémunération de cadres supérieurs.

Mais ce “modèle” ne serait pas aussi représentatif que supposé. « Les débats économiques se sont déroulés en vase clos entre organisations patronales et syndicales, y compris pour les conventions collectives censées apporter la paix sociale. La base n’est plus écoutée », estime Boris Calame, coprésident du GEIP, un groupement d’entrepreneurs et indépendants progressistes membre du comité de 180 PME ou groupements de PME (moins de 200 salariés dans la définition helvétique) qui avaient rejoint le mouvement pro 1 : 12, au contraire de la plupart de leurs pairs.

Protection imcomplète

Et la négociation sectorielle est loin d’être universelle. Bien que la proportion ait augmenté de quelques points ces dernières années, les quelque 900 conventions collectives de branche ou d’entreprise ne couvrent que 55 % des salariés et seulement 40 % sur la question spécifique du salaire minimum, selon l’USS. « Oui, la convention collective protège le salarié et sa variante “étendue”, qui s’impose à toutes les entreprises d’une branche, s’est développée significativement depuis l’ouverture complète du marché du travail aux ressortissants de l’Union européenne en 2004, dans l’optique de prévenir un risque de dumping salarial, observe Daniel Oesch, professeur à l’Institut des sciences sociales de l’université de Lausanne. Toutefois, elle est loin de protéger tout le monde. »

Auteur

  • C. R.